On ne forcerait pas beaucoup le trait en affirmant que Louis XVI n’aurait peut être pas été renversé, et encore moins assassiné, s’il avait agi comme les Rois d’Angleterre face à leurs opposants: à partir de 1215, lorsque leurs barons se soulèvent contre eux et leur arrachent la Grande Charte ils ont peu à peu cédé la réalité du pouvoir, en échange de quoi ils ont gardé leur place, et les honneurs qui s’y rattachaient…; Louis XVI n’aurait peut être pas été renversé, non plus, s’il s’était agi seulement d’un simple transfert de pouvoirs politiques; l’immense majorité des Français étaient royalistes en 1789, comme la plupart des penseurs et des élites (Montesquieu, Voltaire, Mirabeau…), et le Roi avait d’ailleurs accepté un important partage des pouvoirs, ouvrant la porte à la représentation nationale, devenue indispensable comme -en son temps- la représentation communale: en plein Moyen Âge féodal, la Royauté, une première fois, avait déjà su parfaitement s’adapter au mouvement communal, véritable révolte anti féodale, véritable « révolution » dans les esprits, les moeurs et le partage concret des pouvoirs.
Il faut bien se souvenir qu’à l’époque les villes étaient soumises à des seigneurs, féodaux et ecclésiastiques; lorsque les bourgeois, enrichis par le commerce, se sentirent assez forts, ils ont tout naturellement souhaité acquérir leur autonomie politique, judiciaire, fiscale et économique; ils ont tout naturellement souhaité être représentés en tant que tels, et participer, à leur niveau, aux décisions; le monde féodal, bien sûr, fit tout ce qu’il pût pour écraser ce nouveau pouvoir et l’empêcher de s’installer définitivement: le chroniqueur Guibert de Nogent est resté célèbre pour son apostrophe « Commune, nom nouveau, nom détestable ! »…; il y eut, ici et là, quelques violences, mais ce qui fut bel et bien une « révolution » se passa finalement sans trop de problèmes, entre les règnes de Louis VI et celui de Philippe Auguste (en gros entre 1100 et 1200), en grande partie parce que les Rois de France eurent la sagesse, et l’intelligence politique, de s’allier à ce mouvement communal, de l’épouser, ce qui lui permettait d’affaiblir les féodaux et de consolider sa propre légitimité, en renforçant son pouvoir face à celui des féodaux, abaissés. La Royauté pouvait donc parfaitement, une deuxième fois, et à sept siècles de distance, s’allier à un mouvement visant, cette fois, à représenter l’ensemble de la Nation….
Pourquoi donc ce qui s’est passé en plein Moyen Âge, à savoir cette rencontre, cette « amitié », cette alliance entre pouvoir royal et représentation populaire (à l’échelle des communes) n’a-t-il pas pu se reproduire en 1789, lorsque les temps furent mûrs pour que, cette fois à l’échelon national, le peuple français formât une Assemblée, avec l’accord et le soutien de la Royauté, nous évitant ainsi cette catastrophe (nationale et internationale) que fut la Révolution ? (1). A cause de l’irruption d’un petit groupe d’idéologues froids, durs petits esprits, arrogants vaniteux sûrs de détenir la vérité sur tout -et surtout « La » Vérité!-; prétentieux emplis de leurs certitudes qui leur venaient de cette intense préparation des esprits qu’a été le soi disant et auto proclamé, siècle des Lumières (quelle vanité, quelle suffisance, quel Orgueil délirant! oser s’appeler soi même « siècle des Lumières », c’est donc tenir pour rien Pascal, l’Humanisme, Sénèque, Aristote ou Platon?….);
Dans la société raffinée, policée, civilisée d’alors, le pays étant riche et puissant, fortement peuplé, bien éduqué et instruit, il était facile de vouloir tout réorganiser, tout améliorer, tout rationaliser, et tout de suite: nous aimerions les voir, comme le disait Jacques Bainville, dans le monde qu’ils nous ont légué!: le résultat le plus clair de leur action fut de mettre la violence, la brutalité, la barbarie au service de l’abstraction…; il y eut ainsi -à partir d’une évolution nécessaire, souhaitable et positive, voulue par le Peuple- une véritable captation d’héritage, un détournement d’intention, un « placage » de préoccupations idéologiques totalement étrangères au plus grand nombre des Français; lesquels se soulevèrent d’ailleurs en masse contre cette folie, et ne furent « convaincus » que par la Terreur au sens propre, c’est à dire l’extermination…
Il n’y a donc rien à conserver de la révolution de 1789; François Furet l’a très bien analysé, avec son immense honnêteté intellectuelle qui lui a permis, même s’il ne nous a jamais rejoint, de sortir de ses premières certitudes idéologiques, et d’effectuer un remarquable travail pour démystifier et démythifier la révolution: toutes les horreurs qui allaient suivre étaient en germe dans les premiers débordements: dès 1789 et les premières têtes fixées à des piques, la Terreur est en gestation! en même temps il y a tout à garder dans « le grand mouvement de 1789 », que souhaitait le Peuple français et sur lequel les révolutionnaires ont plaqué de force leur idéologie, mais pour le dénaturer, en changer le sens profond, lui faire prendre une direction qui n’était nullement celle que souhaitait l’opinion; il faut agir un peu comme avec ces films plastiques qui recouvrent un appareil : on enlève le film, on garde l’objet…; on se débarrasse ainsi de la stérilité de la révolution, tout en retrouvant la fertilité du mouvement voulu par l’opinion; on retrouve l’intuition des origines, débarrassée des scories nuisibles de la désastreuse idéologie révolutionnaire…
(1): voir la note « 26 millions de royalistes » dans la Catégorie « Révolution et république dans l’Histoire » (article d’Alain Decaux).
VERDU sur Éloquence : Tanguy à la tribune,…
“Il est bon !!”