…En traduisant simplement la « messe de Saint Pie V », on se serait évité une crise et un problème; on aurait réformé sans casser, sans tourner le dos au passé et à l’Héritage. Réformer mais en cassant; avec hostilité, sans amour et sans respect pour ce qui précédait: voilà d’ou vient le problème, voilà ce qu’a fait une assemblée devenue en quelque sorte « folle », au sens où elle s’est voulu libérée justement de ses vingt siècles d’héritage; une assemblée euphorique, portée par une sorte d’amnésie généralisée, d’ivresse de la nouveauté; des discours certes généreux, mais pensés comme si « tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil » (rousseauisme typique…); et un certain nombre de réformes, sur des sujets majeurs -tels la Messe, ce qui n’est tout de même pas rien…- furent ainsi faites dans la plus grande ambiguïté; le Concile décréta ainsi des changements souhaitables, nécessaires et indispensables, dans un esprit très souvent détaché de la Tradition, dans le meilleur des cas, carrément hostile, dans le pire…
Là est la nouveauté, là est le coeur du problème, qui continue toujours, cinquante ans après, à « poser problème » (comme on dit dans le « jargon »…) Or, une vraie évolution, saine et vraiment positive, ne se conçoit que dans la continuité des siècles, pas dans la rupture, germe de discordes et de divisions; il fallait reformer en s’adossant aux siècles antérieurs, en posant tout ce qui est sur tout ce qui fut, et non « réformer contre »: l’ambiguïté et le drame du Concile Vatican II sont là, et l’Église en paye encore le prix aujourd’hui. Après le pontificat bienfaisant et réparateur de Jean Paul II, qui avait bien renforcé l’Église mais sans s’attaquer « à fond » à ce problème « de fond », Benoit XVI est au pied du mur: ne dit-on pas que c’est au pied du mur que l’on voit le maçon? La « messe en latin » ne sera-telle que l’Acte I de la grande restauration de l’Église? C’est tout le mal qu’on lui souhaite….et là on comprend mieux les cris d’orfraie poussés par certains…
Encore une fois, les changements de Vatican II ne se limitent pas à la liturgie: c’est toute une vision des relations entre la religion et la société qui a changé. Avant Vatican II, les formes du politique étaient indifférentes à l’Eglise. Chaque nation s’organisait par rapport à sa culture, ses traditions, sans que la religion imposât de règles de gouvernement. Le seul droit imprescriptible de l’Homme était le droit au salut, et la seule requête que l’Eglise émettait était un statut particulier lui permettant le contrôle des âmes, contrôle que l’Etat chrétien devait lui réserver exclusivement. Donc, bien entendu, pas de tolérance religieuse autre que contingente.
Il y avait, bien entendu, les doctrines du « droit naturel » laïcisé, (Locke, par exemple) qui soutenaient depuis la fin du XVII° siècle, sous la pression du protestantisme, que l’homme disposait de droits imprescriptibles issus d’un « contrat social » ; mais l’Eglise combattait avec acharnement ces doctrines. Pie X fut le dernier pape à mener la guerre de la pensée sur ces positions. Pie XI crut qu’il suffisait de maintenir une discipline granitique dans l’Eglise, sans s’opposer de front et Pie XII esquissa une ouverture lors de la déclaration des droits de l’Homme de 1946.
Avec Vatican II, l’Eglise se rallie à ces doctrines, avec les conséquences suivantes:
– Doctrine de la tolérance religieuse: cela signifie que l’Eglise réclame pour toutes les religions l’égalité de droit et ne revendique plus de statut spécial. Quoique l’on en dise, cela implique que la religion devient une affaire privée.
– Intégration totale des « Droits de l’Homme » dans le message chrétien, au point qu’ils paraissent aujourd’hui faire plus partie intégrante de la foi que le dogme même.
– Ralliement à la démocratie idéologique: l’Eglise considère aujourd’hui qu’un régime dictatorial ou même autoritaire n’est pas légitime pour un chrétien. L’égalité de droits pour tous les hommes devient « de foi ».
– Ralliement à une doctrine volontariste de la société, que le chrétien doit rendre toujours plus conforme aux exigences de l’Evangile alors que l’ancienne doctrine soutenait que les règles de la société obéissaient aux seules exigences du réel.
– Ralliement à l’antiracisme: d’innombrables textes de Paul VI, de Jean-Paul II, et de récents textes de Benoît XVI maintiennent le cap dans ce sens.
Conclusion: prudence! Ce n’est pas parce que le pape accorde le rite latin à ceux qui le désirent qu’ils seront libres de défendre la doctrine traditionnelle de Pie VI et Pie IX. Même si benoît XVI pose des digues contre les dérives, il n’a nullement montré le désir d’un changement de cap.
Bien que ces changements ne soient pas en eux-même hautement significatifs, l’attitude de Sa Sainteté le Pape semble tout de même bien marquer un « territoire » de l’Eglise. En une phrase : assez de reculades ! On a, pour des raisons à mon avis plus de marketting que d’idéologie, abattre toutes les barrières. L’Eglise n’a cessée de changer doctrines et pensées en fonction de l’évolution de la société et des moeurs qui évoluaient vers toujours plus de laxisme. Pour « ratisser large », pour conquérir de nouvelles parts de marché, pour avoir de nouveaux auditeurs, pour plaire tout simplement, l’Eglise a reculé sur tous les fronts (en faisant passer ça pour des avancées, bien sûr). Peut-être aura-t-on enfin un Pape qui saura dire « stop » et aura le courage de redresser certaines barrières, qui certe ne plairont pas à tout le monde, mais est-ce bien le but de l’Eglise que de plaire à tout le monde ?
Peut-être, ami, peut-être! Cependant, les catholiques de tradition ont été si longtemps bernés (avec leur consentement) qu’il en faudra un peu plus pour les convaincre