Notre deuxième réflexion sera moins amère, moins nostalgique et moins polémique aussi; elle ne sera pas tournée vers ce passé de destructions stupides, qui condamnent un système; elle sera au contraire tournée vers l’avenir: un avenir qui peut être prometteur dans le domaine de l’entretien et de la pérennisation de ce « capital transmis » (1). Encore faudra-t-il savoir saisir la nouvelle chance que nous offre ce patrimoine extraordinaire que nous ont légué nos ancêtres….Cette année, les Journées ont été justement placées sous le signe des métiers d’art liés à la restauration des monuments historiques. Écoutons un passionné, Christophe Eschlimann (directeur des Ateliers Eschlimann et président du GMH, groupement des entreprises de restauration et de conservation du patrimoine). Celui-ci évoque, ainsi, des « métiers du passé pleins d’avenir »; « Sans le savoir-faire pour les conserver, nos monuments ne feront peut-être pas partie des générations futures! ».
Nous l’avons souvent dit, le savoir faire (ce que Christophe Eschlimann appelle « l’intelligence de la main ») est l’une des formes du savoir, nullement inférieure aux autres; et l’actuelle dépréciation des métiers manuels dans notre système éducatif, qui marche sur la tête, est une absurdité doublée d’un crime: à quoi sert-il, au nom d’un pseudo-égalitarisme ahurissant, exclusivement idéologique, d’obliger des enfants et des adolescents à rester pendant plusieurs années sur les bancs d’écoles d’où ils sortiront, au final, sans aucune formation, et sans d’autres perspectives que le chômage? (le fameux « échec scolaire », et tous les drames personnels qu’il induit, pouvant aller jusqu’au suicide…) Ne vaudrait-il pas mieux laisser libres, dès quatorze ans, toutes celles et tous ceux qui, n’ayant que peu de goût et peu d’attrait pour des études « théoriques » longues, préféreraient prendre leur envol et se former tout de suite à des métiers manuels, pour lesquels ils se sentent attirés et dans lesquels ils pourraient rapidement s’épanouir, puis donner leur pleine mesure? Au lieu de traîner pendant des années dans des salles de classe où ils sont malheureux, tout simplement parce qu’ils n’y sont pas à leur place?
Alors que les métiers d’Art, extraordinaire vivier d’emplois stupidement méconnu et sous-exploité, leur tendent les bras! « Dépositaire de l’art des grands bâtisseurs », le GMH souhaite « faire perdurer un témoignage architectural porteur de valeurs identitaires fortes. »Voilà de quoi enthousiasmer et re-motiver ces cohortes de jeunes déboussolés et mal à l’aise dans « l’abstraction »: « Je dirais que ces métiers du passé ont un formidable avenir, grâce à un va-et-vient permanent entre techniques modernes et anciennes, toujours dans un soucis de respect du monument. », reprend Christophe Eschlimann, intarissable, et lyrique lorsqu’il parle de sa passion pour ces métiers manuels nobles et exaltants, qui développent « les valeurs de dextérité et de sang-froid, mais aussi d’intuition, de sensibilité, d’esprit d’équipe et de sens de l’initiative. »… »La richesse patrimoniale de notre pays est sans commune mesure. Les enjeux ne sont pas seulement historiques, culturels et esthétiques, dans un monde en perte de repères….mais touristiques et économiques….Le patrimoine fait partie du quotidien, du cadre de vie, c’est pour cela qu’on doit chercher à le préserver. »
On le voit, le Patrimoine peut nous emmener fort loin du Patrimoine: c’est qu’il se trouve à la confluence de ces deux richesses que sont notre Héritage et notre Jeunesse; la pensée de Jean Bodin est bien connue, et souvent citée: « Il n’est de richesse que d’Hommes ». Favoriser la rencontre entre des jeunes aujourd’hui mal à l’aise dans une société où ils ne trouvent pas leur place, et ces témoins de notre Être profond, de toutes nos racines, que sont nos monuments historiques: pourrait-il y avoir meilleure manière de réaliser le souhait cher à Maurras, lorsqu’il écrivait dans sa préface à « Anthinéa », en 1942: « Tenons serré le lien qui nous tient réunis avec les Pères de notre esprit et de notre goût. »?…..
(1): c’est la définition que donnait Maurras de la Civilisation.
Cording1 sur Ce crime impuni, contre l’honneur paysan
“Le monde paysan selon Gustave Thibon est mort depuis longtemps. Les paysans sont plus entrepreneurs de…”