S’il faut en croire « Le Parisien » du vendredi 28 décembre, Daniel Buren menacerait de démonter ses « colonnes » du Palais Royal. En cause: l’Etat qui, affirme-t-il, n’assure pas correctement l’entretien des lieux: « Les couleurs des colonnes noir et blanche sont passées, la rivière d’eau sous les grilles est asséchée, les spots de lumière colorée sont hors service. » Bref son bébé va mal et, nous dit l’article, « cela fait mal à son créateur »
Daniel Buren accuse l’État, propriétaire et en charge de l’entretien de cette « oeuvre » (?!), de ne pas assumer ses responsabilités. Il se déclare « furieux » et ne craint pas d’entamer un bras de fer avec les autorités: « J’irai jusqu’au bout, même si le bout, c’est la destruction… » s’insurge-t-il, en déplorant l’état des ampoules et des pompes à eau, « abandonnées depuis huit ans »…. »La moitié de mon oeuvre est saccagée, c’est comme si on coupait un tableau en deux. »
Que veut-il qu’on lui réponde? Nous faisons partie de ce fort courant, probablement majoritaire si l’opinion eut été consultée d’une façon ou d’une autre, qui dès le début a été hostile à l’installation de « l’oeuvre »de Buren dans les Jardins du Palais Royal. Tout simplement parce que ce beau monument formant un tout, cohérent et harmonieux, il était de toute façon inutile de lui adjoindre ce qu’on présentait comme une nouvelle oeuvre d’art. Quand bien même aurait-elle rallié tous les suffrages (ce qui est évidemment très loin d’être le cas…) on sait que la perfection n’ajoute rien a la perfection. A la rigueur, l’oeuvre aurait-elle été belle, on n’avait qu’à la mettre ailleurs, et creer ainsi un nouvel endroit dédié à la beauté dans la Capitale. Mais l’installer là (1), en plein coeur de cet ensemble, c’était -et c’est toujours….- le défigurer et des-embellir Paris…..
Or, le saccage artistique, le crime esthétique ayant eu lieu, voilà donc que nous apprenons, à peine vingt ans après, qu’en plus toute cette laideur et ce mauvais goût ne tiennent pas la distance et se trouvent dans un état pitoyable. Buren qui avait fait une bonne affaire en fourguant son « truc »à un Ministère peu économe de nos deniers (2) veut donc qu’après avoir claqué un fric fou pour l’acheter on détourne à son seul profit, pour des travaux non nécessaires stricto sensu, un argent qui manque déjà cruellement ailleurs: il est de notoriété publique que des dizaines de merveilleux bâtiments de notre Patrimoine sont d’ores et déjà en grand péril -pour certains d’écroulement pur et simple- faute d’un simple entretien courant! on croit rêver!
On sait que, pour Vitruve, un monument devait réunir trois caractéristiques pour mériter pleinement ce nom: « Utilitas, Firmitas, Venustas. »,c’est à dire être utile, solide et beau. Si l’on applique ces critères aux colonnes de Buren, on voit bien qu’elles ne satisfont ni au premier ni au second, le troisième étant très largement contesté…Qu’en conclure? Et si tout simplement, puisque le sieur Buren veut les démonter, on le laissait faire? Évidemment, cela resterait pour ce qui est du passé comme un gros « ratage », mais au moins en aurait-on fini avec cette verrue qui défigure l’un des endroits les plus agréables de la Capitale…..
Laissons la parole à Sacha Guitry pour conclure, en « méditant » sur les deux formes d’art qui cohabitent depuis 1986 au Palais Royal:
« On nous dit que nos Rois dépensaient sans compter,
« Qu’ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils.
« Mais quand ils construisaient de semblables merveilles
« Ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté? »
(1): 260 colonnes, installées en 1986;
(2): voir la note « Copinage artistique » dans la Catégorie « Ainsi va le monde… »
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