Le président socialiste de la Région Île-de-France Jean-Paul Huchon vient de publier aux éditions du Seuil un brûlot sur le PS intitulé « De battre, ma gauche s’est arrêtée ». (1)
Pour lui c’est clair: bien loin de reprendre les rodomontades d’un Hollande ou de certains autres qui croient ou feignent de croire qu’ils ont gagné les élections (on se rassure comme on peut…!) il pense que le PS est au contraire en très mauvais état. C’est tout simplement un parti dont la pensée « est morte » et où le débat est devenu « impossible ».
A vrai dire on s’en doutait un peu, la nouveauté vient seulement du fait que c’est un membre important de ce Parti qui le dit, et sans langue de bois. Quelle que soit l’opinion que l’on a de la personne, cette honnêteté intellectuelle, cette lucidité, cette franchise méritent d’être saluées.
Fidèle à sa réputation, cet ex-rocardien, aujourd’hui strauss-kahnien, livre sa vérité toute nue, dans des conversations avec le journaliste Denis Jeambar: « Je le dis sans détour: la pensée de la gauche aujourd’hui est une pensée morte, parce que le programme du Parti socialiste et ses alliances reposent sur des idées mortes depuis longtemps ».
A le lire, le mal est très profond. « Le PS est rongé, en fait, par des préoccupations tactiques internes. Elles l’emportent toujours sur la capacité à affirmer une force de résistance intellectuelle ». Selon lui, « le débat est devenu impossible à l’intérieur du PS. Sous la pression des apparatchiks, on se met la tête dans le sable, comme l’autruche, puis on attend que ça passe ».
Peu tendre avec Ségolène Royal, il l’est encore moins avec son « voisin » Bertrand Delanoë, qui « est encore dans une vision jospiniste figée, classique », avec « moins d’inventivité »!…. L’intéressé appréciera ! Seigneur délivrez-moi de mes amis !…..
Alors que faire? « Si l’on dit clairement … que nos alliances ne tiennent plus la route et qu’il faut s’allier avec le centre …, que nous devons assumer sans état d’âme le fait que nous sommes des sociaux-démocrates, on se fait exécuter ». Jean-Paul Huchon prône une « nouvelle alliance entre les socialistes modérés et les chrétiens-démocrates ». Entre la gauche et la droite, « le temps de la confrontation de deux philosophies complètement différentes est révolu », écrit-il…. Ce qu’il est intéressant de constater, à la parution de ce livre, c’est que le constat de Jean-Paul Huchon rappelle -et rejoint pour l’essentiel- celui qu’avait dressé, il n’y a pas si longtemps, avec un peu plus d’ampleur tout de même, Jacques Julliard.
On se souvient que dans « Le Nouvel Observateur » du 2 Août 2007 (n° 2230) Jacques Julliard avait publié un long article, à propos du PS en particulier et de la gauche en général, juste après la défaite de Ségolène Royal (2). Il y lançait une exceptionnelle volée de bois vert à toute la gauche (pas seulement au PS, comme le fait ici Jean-Paul Huchon). Il prenait surtout plus de recul, et plus de hauteur, pour livrer une réflexion d’ensemble sur les idées de gauche, et leur spectaculaire échec, qui en avait douché et sonné plus d’un. S’adressant au PS -mais aussi à toute la gauche…- le titre général de l’article publié était: « Socialistes, croyez-vous encore à vos mythes? ». Julliard n’y allait pas par quatre chemins: « ….le mal est plus profond qu’une défaite conjoncturelle..;…c’est une défaite intellectuelle et morale. » Sarkozy avait d’ailleurs déjà dit, dès le soir de son élection, que la Gauche avait perdu dans les urnes parce qu’elle avait auparavant perdu la bataille des idées… (à suivre…..)
(1): « De battre, ma gauche s’est arrêtée », Le Seuil, 183 pages, 17 euros.