On a beaucoup entendu, ces derniers temps, les chercheurs se mobiliser, voire manifester, pour défendre la Recherche et demander d’avantage de crédits. Ce en quoi ils ont, évidemment, tout à fait raison. Un autre sujet passionne, et inquiète, la communauté scientifique dans son ensemble, et on en a un peu moins parlé, du moins pour l’instant. Il s’agit de la défense de la langue française « comme langue de recherche ».
En effet, « La recherche française a besoin de publications en français », affirme une Lettre ouverte aux responsables de l’évaluation scientifique, lancée le 15 février sur Internet par les éditions Hermès, et qui a recueilli 2 600 signatures en cinq jours.
Affrontant la domination de l’anglais comme langue de la recherche mais aussi comme langue d’évaluation de leurs travaux, les chercheurs ont demandé au président d’Hermès Science, Sami Ménascé, de se mobiliser. D’où la pétition que l’on pourra lire par la suite, et qui fait suite à la Lettre que nous venons de citer.
« Un bon livre, un article de revue et même un manuel écrits en français sont le plus souvent ignorés par les critères d’évaluation utilisés par nos agences. Les conséquences de cette politique sont malheureusement évidentes : publier en français devient tout simplement du temps perdu pour l’évaluation d’un enseignant ou d’un chercheur et donc pour leur carrière. C’est à terme la chronique de la mort annoncée des publications en français », regrettent les signataires de la lettre.
Ils demandent donc que ces publications soient prises en compte par les agences telles que le CNRS, le Conseil national des universités et l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
« Les contribuables doivent avoir un accès en français à ce qu’ils ont soutenu par le biais de leurs impôts, la transmission des savoirs doit se faire dans la langue où est dispensé l’enseignement ; et enfin, le meilleur moyen d’accéder à la pensée d’un auteur est de discuter avec lui dans sa propre langue », avancent-ils.
Jean-Luc Schwartz (directeur de recherche au CNRS), Jean-Charles Pomerol (président de l’université Pierre et Marie Curie), Albert David (Directeur du « M-Lab », ENS Cachan), Jean-Marie Pierrel (Jean-Marie Pierrel, directeur du laboratoire Atilf du CNRS) figurent parmi les 2 600 signataires de cette pétition, dont voici le texte intégral.
LETTRE OUVERTE AUX RESPONSABLES DE L’EVALUATION SCIENTIFIQUE
LES SCIENTIFIQUES DOIVENT-ILS CONTINUER À ECRIRE EN FRANÇAIS ?
Il est largement admis que la lingua franca de la recherche scientifique est aujourd’hui l’anglais. Pourtant, il existe au moins trois bonnes raisons de penser qu’il est indispensable que les scientifiques continuent d’écrire en français.
– Puisque la recherche repose essentiellement sur des financements publics, une considération élémentaire voudrait que les contribuables aient un accès en français à ce qu’ils ont soutenu par le biais de leurs impôts.
– La deuxième raison concerne l’enseignement. La production de livres de synthèse et de manuels en français est une tâche extrêmement honorable et même nécessaire pour compléter un enseignement dispensé en français. Comment faire aimer une discipline en n’offrant que des livres en anglais qui ne sont en général pas adaptés, ni au niveau, ni aux habitudes que nous avons de structurer nos enseignements ?
– La troisième raison relève de l’apprentissage. Il faut un grand entraînement pour pouvoir s’exprimer dans une autre langue que sa langue maternelle avec le même sens de la nuance, avec la même richesse. Quel meilleur moyen d’accéder à la pensée d’un auteur que de discuter avec lui dans sa propre langue?
La publication en français apparaît donc comme une nécessité. Pour que cette production continue, il est urgent de valoriser notre activité de recherche dans notre langue. En effet, les systèmes de référencement des publications (dont le principal est une filiale d’un éditeur privé) reconnaissent prioritairement les publications en anglais ! Soit notre système national valorise cette production, soit cette dernière disparaîtra.
Reconnaître à leur juste valeur les publications en français, suppose que les sections du comité national du CNRS, du CNU et de l’AERES prennent en compte, en fonction de leurs exigences de qualité, les revues en français mais aussi les livres et les manuels. Il n’est pas normal qu’à l’heure actuelle, un bon livre écrit en français ne soit pas considéré dans l’évaluation d’un chercheur.
L’objectif de cette pétition adressée à L’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) est de montrer que notre communauté scientifique française ou francophone a encore la capacité de penser par elle-même et qu’il ne faut pas rejeter, comme insignifiant, tout ce qui s’écrit en français.
Nous vous remercions pour votre soutien.
Encore un combat d’arrière garde. Si la commauté scientifique internationale publie en anglais, pourquoi vouloir s’acharner à publier en français? On peut le regretter mais c’est ainsi. Peut-être que nos chercheurs feraient mieux de se focaliser sur la quantité et la qualité de leurs publications.
Quelqu’un a dit: « Il est nécessaire d’apprendre une langue étrangère et je ne considère pas l’anglais comme une langue étrangère ».