La peur peut être aussi à l’origine du comportement des terroristes. Elle explique les massacres de détenus dans les prisons de Paris en septembre 1792. Paris est alors menacé par le duc de Brunswick ; on craint l’arrivée des Prussiens. Il faut tuer tous les royalistes qui risqueraient de dénoncer les « patriotes ». Du 2 au 6 septembre, plus de 1 300 prisonniers sans défense sont exécutés à l’arme blanche. Spontané à l’origine, le mouvement a été vite encadré par des meneurs. C’est souvent la fureur de la foule qui est à l’origine de violences, comme le meurtre du comte de Dampierre venu saluer la berline du roi au retour de Varennes, le 22 juin 1791.
En revanche, le génocide vendéen a bien été planifié comme le montre lumineusement Reynald Secher. Première étape : une guerre civile qui débute en mars 1793 et qui s’achève sur la défaite des Vendéens à Savenay en décembre. Guerre atroce mais équilibrée. La victoire des bleus est suivie par la mise en place d’un système d’anéantissement de la Vendée. Pas question de pardon après la défaite. L’alerte a été trop chaude. De là, selon un rapport présenté à la Convention, l’idée qu’il n’y aura « moyen de ramener le calme dans ce pays qu’en en faisant sortir tout ce qui n’est pas coupable, en exterminant le reste, et en le remplaçant le plus tôt possible par des républicains qui défendront leurs foyers ».
Conception reprise par Barère, « l’ondoyant Barère », qui perd son sang-froid : « Détruisez la Vendée ! » Général en chef de l’armée de l’Ouest, Turreau confirme : « La Vendée doit être un cimetière national. » De là les innombrables scènes d’horreur décrites par Secher : il faut empêcher les Vendéens de se reproduire, donc, tuer également les femmes et y ajouter les enfants en passe de devenir de « futurs brigands ». Carrier, l’homme des noyades de Nantes, s’exclame : « Qu’on ne vienne pas nous parler d’humanité envers ces féroces Vendéens ; ils doivent tous être exterminés. » Il n’est pas jusqu’au nom de Vendée qui ne soit rayé de la carte : il y aura désormais un département Vengé. C’est l’extermination totale, un « populicide », écrit Gracchus Babeuf lui-même : un génocide.
C’est en ce sens qu’Hervé de Charette, député du Maine-et-Loire, a cosigné avec Lionnel Lucca, député des Alpes-Maritimes, le 19 décembre dernier, une proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794. C’est la tache la plus sombre sur l’image de la Révolution.
Les thermidoriens le comprirent : Carrier fut arrêté, jugé et exécuté après la chute de Robespierre. Par ses outrances sadiques, il était le bouc émissaire idéal. Mais Turreau fut acquitté et son nom inscrit sur l’Arc de triomphe. Les révolutionnaires ne s’en prirent pas seulement aux hommes mais aux monuments. Ils n’innovaient pas ; les guerres de religion avaient déjà fait des ravages.
Dans le Livre noir, Alexandre Gady indique qu’il s’est agi d’abord d’un « vandalisme de pulsion ». La Révolution commence par l’incendie des barrières de l’octroi et la destruction de la Bastille, deux symboles abhorrés de l’Ancien Régime. Puis le vandalisme prend un tour religieux accompagné d’opérations spéculatives. C’est ainsi que disparaissent les grandes abbayes de Jumièges, Cluny, Orval… À Paris sont victimes de cette furie les Cordeliers, Saint-André-des-Arts, les Feuillants, l’église des Bernardins, la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés, le Temple… À l’intérieur des églises, disparaissent le mobilier, les objets liturgiques, les vitraux, les tombaux. Combien de grands hommes, dont Montesquieu, ont leurs cendres jetées à la Seine ou à l’égout. (à suivre…..)
Marc VERGIER sur Jean-Éric Schoettl : « Le parquet de…
“Qu’on me pardonne de compléter ce beau morceau de culture et d’éloquence en reprenant mon commentaire…”