En guise de commentaire à la note sur l’ahurissant et pernicieux rapport de la Halde (note des 30 et 31 décembre), Sébasto écrit :
« L’article 11 de la Déclaration des Droits de l’homme fait de « la libre communication des idées et des opinions un des droits les plus précieux de l’homme ».
La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 proclame dans son article premier que « l’imprimerie et la librairie sont libres ».
Mais ce n’est plus vrai aujourd’hui.
Alors que dans les pays de l’Est, aujourd’hui libérés de l’emprise soviétique, la parole est entièrement libre, alors qu’aux Etats-Unis le premier amendement de la Constitution permet la libre expression de toutes les opinions, la France est aujourd’hui, le pays du monde occidental où la liberté d’expression est dans les faits le plus sévèrement contrôlée et limitée ».
C’est juste. Il est d’ailleurs amusant de constater la mauvaise foi du système qui nous régit. Car cette prétention à museler notre liberté d’expression et de pensée vient de ceux qui cherchent, pratiquement, à imposer une vision, leur vision des choses. Ils prétendent lutter contre des discriminations ou contre le racisme, mais c’est pour nous imposer, du sommet de l’Etat et par leurs lois scélérates, « la » discrimination de base qu’ils ont théorisée dans leurs cerveaux d’idéologues : contre la France traditionnelle et historique, contre ses racines héritées des siècles….
Exactement la même mauvaise foi et le même mensonge qu’avec leur laïcisme : pas du tout de la laïcité (chose saine; que nul ne conteste) mais une guerre ouverte ou feutrée, peu importe, avec un seul objectif : remplacer l’ancienne religion par une nouvelle : la leur….
Le plus grave est que la mainmise actuelle sur les médias et la télévision en particulier ouvre la porte aux élus suivants et à des abus croissants.
D’accord avec Sebasto pour refuser la tyrannie de la pensée unique qui s’exerce aujourd’hui avec une extrême efficacité …
Mais je serais tenté, pour ma part, de la refuser surtout en tant que pensée minable et destructrice.
En effet, la « libre expression de toutes les opinions », la revendication au droit de dire et de penser n’importe quoi, ont-elles, en soi, une valeur ? Ces notions ne procèdent-elles pas, en fait, du même relativisme absolu qui est, au moins en apparence, l’un des piliers du temple de la pensée unique ?
« Quaerere Deum », tel fut, pour Benoît XVI, le véritable objet des religieux qui, ce faisant, ont, en même temps, fondé l’Europe chrétienne. Mais, « Quaerere Veritatem » devrait être, au moins, l’ambition de ceux qui prétendent à la liberté d’expression et de pensée.
Or, là, nous voici bien loin de ceux qui revendiquent comme de ceux qui empêchent la liberté d’expression et de ce qu’ils nomment, un peu vite, « pensée ».
La liberté d’expression, se limiterait donc aux opinions tolérables.
La liberté d’expression n’aurait aucune valeur si seuls pouvaient en bénéficier ceux qui émettent des opinions que tout un chacun estime justes et raisonnables.
Parce qu’elle est la condition première de la libre formation des idées, et donc de l’existence d’un débat , la liberté d’expression n’a de sens que si les opinions les plus choquantes, les plus offensantes, voire les plus inexactes ou les plus absurdes, peuvent s’esprimer, pour cette simple raison que, si tel n’était pas le cas, jamais il n’aurait été nécessaire d’en proclamer le principe.
La vérité est que la liberté d’expression est indivisible, et qu’elle cesse d’exister dès qu’on lui assigne des limites.
Je ne suis pas sûr que la « liberté d’expression » soit la condition première de la libre formation des idées.
Au goulag, Soljenitsyne forme librement les siennes, sans qu’il lui soit, alors, possible de les exprimer… Elles auront toutefois une autre densité, j’oserai dire, une autre qualité, que celles qui se dégagent du bourbier de l' »opinion ». Laquelle, d’ailleurs, par sa superficialité, finit tout simplement, par se forger, très vite, une « pensée unique » qui, sans en avoir l’air, instaure, sous couvert du « principe » de la « liberté d’expression », une tyrannie nouvelle qui est, de fait, beaucoup plus totalitaire que toutes les autres…
On excusera peut-être ces « pensées » iconoclastes. En tout cas, on devra bien les tolérer si même « les opinions les plus choquantes, les plus offensantes, voire les plus inexactes ou les plus absurdes » doivent pouvoir s’esprimer, sans limites …
Il faudrait déterminer si la première fonction de l’homme est de « penser », de s' »exprimer », de « proclamer » sa « liberté » comme un « droit » et toutes sortes d’autres « principes » » abstraits et « universels » ou plutôt d’accomplir sa destinée, sa vie d’homme, au sein de la communauté historique où sa naissance l’a placé…
Luc Ferry vient de publier un livre sur les grands mythes grecs pour montrer que la sagesse supérieure consisterait à vouloir vivre selon l’ordre du monde, à s’y vouloir le plus conforme possible ..
La pensée spéculative n’est pas interdite… Mais, je trouve douteux qu’elle puisse être valablement à la portée de n’importe qui.
Vivre sa vie d’homme en se conformant à l’ordre du monde, sans vouloir le changer est une pensée séduisante mais également spéculative et surtout politiquement incorrecte.
Attention, la pensée unique bras armé du nouvel ordre moral, disqualifie comme utopie dangereuse ou pensée mauvaise tout projet s’écartant de la norme dominante.
Tout le système est ordonné à la célébration de l’existant, implicitement posé comme le meilleur (ou le moins mauvais) des mondes possibles, voire comme le seul monde possible.
Lequel? C’est encore et toujours « l’idéologie du progrès » issu des Lumières, version profane de la vieille foi messianique dans la marche irrésistible de l’histoire vers un monde meilleur qui est à l’oeuvre.