Nous voici arrivés au terme de la première étape de notre préparation à la Fête de Senlis et de Chantilly. Nous donnerons, lundi, le programme de la deuxième étape, qui sera différente mais complémentaire de la première. Mais il n’est peut-être pas inutile de s’arrêter un moment, à ce stade de notre préparation, et de récapituler notre démarche déjà effectuée, avant de préciser celle qui va l’être.
Depuis le 2 mars, la première question à laquelle nous avons essayé de répondre a été celle-ci : Pourquoi s’intéresser et croire en cette famille, et pas en une autre ? Pourquoi Jean et pas X, Y ou Z ? Et nous avons vu qu’on ne peut répondre à cette question qu’en remontant aux racines, à la source : nous ne sommes pas comme ces révolutionnaires qui veulent du passé faire table rase, mais bien au contraire, pour nous, la France ne peut se concevoir et se comprendre sans ses racines, fussent-elles lointaines. Pas plus qu’une maison n’existe sans ses fondations, par définition invisibles, mais qui sont pourtant la base et la condition de tout l’ouvrage.
Et c’est, fort logiquement, dans notre Histoire que nous avons découvert les sources de la légitimité de la Famille de France…; et, comme le disait Chateaubriand, « la necessité de se rallier à nos princes légitimes, pour le bonheur de la France et celui de l’Europe ».
Ensuite, nous nous sommes rendus à Senlis puis à Chantilly. Et nous avons essayé d’expliquer et de montrer en quoi ces deux lieux sont hautement symboliques, d’un point de vue historique et politique, mais aussi comment ils renferment des trésors d’Art et de Culture qui font honneur au nom français. Les divers membres de la famille royale y sont évidemment pour quelque chose, illustrant par là que cette monarchie pour laquelle nous luttons est bien plus qu’une simple forme, une simple technique de gouvernement : elle s’est toujours fixé comme objectif de mener une authentique politique de civilisation, c’est-à-dire de guider le peuple à travers ses élites vers la Beauté. Le roi n’est pas seulement là pour gérer et administrer des populations, il est là aussi, il est là surtout, pour guider ce peuple vers le Vrai, le Beau et le Bien…..
Justement : après avoir conclu notre première étape, et avant d’entamer, lundi, la seconde, il nous a paru opportun de nous arrêter quelques instants sur un exemple éloquent de cette politique de civilisation et, dans une sorte de pause entre ces deux moments, de considérer ce qu’il y a de grandiose dans l’un des plus parfaits monuments que les rois nous ont légués.
Et de le faire dans l’état d’esprit du Prince Jean. Lors de son déplacement dans le Maine, il a livré ce qu’il appelle lui-même cette « confidence » à ses amis : « Et voici maintenant une deuxième confidence : oui, j’ai été très ému de visiter le musée Jean Chouan. Quel héroïsme, quelle fidélité !… ..Il m’est arrivé de faire avec mon frère, au temps de notre adolescence, des pèlerinages dans la Vendée militaire…. sur le tombeau de Bonchamp à Saint Florent-le-Vieil…. C’était par hasard et pourtant ce n’était pas un hasard. C’est vous dire à quel point j’ai compris – mieux : j’ai senti – la secrète force de la vieille France. Eh bien donc, la voici, ma confidence : c’est qu’il relève de ma mission, j’allais dire de ma vocation, de projeter cette force secrète du passé en force vive d’avenir. »
L’expression est heureuse: projeter la force secrète du passé en force vive d’avenir !
Il ne sera donc surprenant qu’en apparence de faire cette halte aujourd’hui. Comme on l’a dit souvent, les arbres qui montent le plus haut dans le ciel sont ceux qui poussent leurs racines le plus profondément dans le sol. Et, pour nous, l’exaltation constante de nos Racines n’est jamais un passéisme, mais au contraire un ressourcement permanent dans tout ce qui nous a fait ce que nous sommes, afin d’y puiser l’inspiration nécessaire pour affronter les défis d’aujourd’hui et de demain.
Allons à Versailles, où nous trouverons réunies les ombres des deux branches de la famille des Bourbons, car, si Louis XIV l’a construit, Louis-Philippe, on le sait, l’a sauvé. Et considérons cet extra-ordinaire poème qu’y a composé Louis XIV, que la fureur révolutionnaire n’a pas réussi à détruire, et que Louis-Philippe a voulu consacrer, en le sauvant, « A toutes les gloires de la France »….
On le sait, dans nos Ephémérides nous essayons, jour après jour, de montrer la France. C’est-à-dire d’évoquer quotidiennement les personnes et les faits qui l’ont façonnée et qui, en en faisant ce qu’elle est devenue, ont fait qu’elle a « etonné le monde » pour reprendre le propos de Jean Dutourd. Ce qui fait que nous évoquons, évidemment, Bayard, Richelieu ou la Guerre de Cent ans, mais aussi la création d’Arianespace, le Viaduc de Millau, les Parcs nationaux, les découvertes scientifiques ou les Prix Nobel de toutes disciplines… et tant d’autres choses !…
Le 28 avril prochain, nous avions prévu d’expliquer, dans ces Ephémérides, ce qu’avait voulu faire Louis XIV à Versailles. Là aussi, non pas pour ressasser perpétuellement d’anciennes gloires passées, mais pour maintenir et poursuivre un esprit, une idée, une attitude qui, étant celles de nos ancêtres, sont le mieux à même de continuer, demain, à nous guider dans un monde où nous assaillent de plus en plus les dangers de l’uniformisation et de l’indifférenciation.
Voici donc, en avant-première si l’on peut dire, à travers cet Ephéméride que vous retrouverez le 28 avril, cet exemple de politique de civilisation qu’est Versailles. Une visite qui nous permettra par ailleurs, comme nous l’avons dit plus haut, de mesurer l’action de Louis XIV, qui l’a construit, et celle de Louis-Philippe, qui l’a sauvé, les deux branches de la famille étant ainsi réunies pour le meilleur service possible rendu non seulement à la France mais au monde entier et à la Civilisation, Versailles faisant évidemment partie du Patrimoine mondial de l’Humanité…..
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Ephéméride du 28 Avril : Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien …
1660 : Louis XIV emmène sa jeune épouse, Marie-Thérèse, a Versailles.
Il s’en faut de beaucoup que le château ressemble à ce qu’il devait devenir, ni même qu’il soit simplement habitable. Pourtant, le jeune Roi sait très bien ce qu’il va édifier là : le palais du soleil, un triple poème, humaniste, politique et chrétien.
Tâchons d’entrer dans les pensées du Roi, de suivre son idée conductrice, et nous verrons alors tout l’ensemble, palais et jardins confondus parcequ’indissociables, obéir à une pensée profonde, en même temps qu’ils nous la révèleront…..
Versailles n’obéit pas seulement à un plan architectural, mais se rattache à toute une tradition symbolique. C’est un hymne à la lumière ordonnatrice. Ici, plus qu’ailleurs, l’orientation donne tout son sens au monument. Voilà pourquoi à Versailles il faut, en tout, se reporter constamment au grand axe royal Est -Ouest.
Perdons cela de vue, et l’on ne verra qu’un palais de plus, peut-être un peu plus grand, un peu plus beau, un peu plus richement décoré que les autres; mais pas vraiment différent d’eux.
Au contraire, suivons et comprenons ce grand axe, et tout deviendra clair et lumineux; et nous verrons alors pourquoi Versailles est fondamentalement et essentiellement différent de tous les autres châtaux et palais royaux…..
Les Métamorphoses d’Ovide et la mythologie étaient familières à nos ancêtres : il nous faut fréquenter l’une et les autres, et nous les ré-approprier, si nous voulons comprendre Versailles. Ainsi, comme le soleil est la devise du roi, et que les poètes confondent le soleil et Apollon, il n’y a rien à Versailles qui n’ait rapport à cette divinité.
Versailles reprend la leçon de Phidias, apprise de Périclès, qui la tenait lui-même d’Anaxagore : L’Esprit organise la confusion et donne forme au chaos.
L’esprit est personnifié par l’action ou la journée d’Apollon qui, dans sa course quotidienne, apporte au monde les bienfaits de la chaleur et de la lumière, de la vie; dissipe les ténèbres; fait fructifier la nature. Ce rôle poétique, tenu dans la mythologie par Apollon, est assuré par le Roi soleil dans son action politique quotidienne, qui apporte au peuple français les bienfaits de l’ordre, par la Monarchie. Mais la lumière et la vie que le roi, moderne Apollon, est chargé d’apporter au peuple, est aussi celle du seul vrai Soleil : Dieu, dont Louis XIV n’est que le lieu-tenant sur terre.
Détaillons cet axe Est – Ouest dans ses trois éléments principaux :
1) Tout en bas du Tapis Vert, Apollon sortant de l’eau avec son char (ci dessus et ci dessous) débute sa journée : il regarde vers sa mère, Latone, et, par une gradation subtile, vers la chambre du Roi (au dessus de Latone, car le Roi est plus important que la mythologie…) et vers la chapelle ( encore au dessus de la chambre du Roi, car Dieu est plus important que le Roi….). Au cours de sa journée, il va recommencer à dispenser ses bienfaits et dissiper les ténèbres.
2) On sait qu’Apollon est le fils de Jupiter et de Latone (ou Létho). Injuriée par des manants, Latone demanda vengeance à Jupiter, qui les transforma en grenouilles (ci dessous, le Bassin de Latone). Ici, à Versailles, les grenouilles représentent aussi les Hollandais vaincus dans leurs marais….
3) La chambre du Roi, centre et coeur du château, d’où tout part et vers où tout converge. Il restait aux artistes et à Louis XIV à repenser en chrétiens cette légende et ce mythe d’Apollon, reçu de l’Antiquité; et, après le passage du Dieu mythologique au Roi très Chrétien, à matérialiser le passage du Roi très Chrétien au seul vrai Roi, celui du Ciel. Le symbole retenu a été celui de la chapelle, qui est le seul édifice à casser l’horizontalité des toits et qui, en émergeant de la masse imposante du château (ci dessous), manifeste bien que Dieu est plus haut…..
Dans sa course quotidienne, Apollon a rejeté à sa gauche tout ce qui était mauvais : la guerre, le chaos, le désordre…; et il a permis, à sa droite, que prospère et s’étende tout ce qui était bon : la paix, les fleurs et les fruits…..
Considérons donc maintenant l’axe secondaire Nord-Sud, créé par la course d’Apollon, et donc totalement tributaire de l’axe Est – Ouest, dépendant entièrement de lui.
1) A l’extrême Nord, on a le Bassin de Neptune, qui symbolise la mer, l’élément indompté, toujours en mouvement et rebéllion. Et aussi le Bassin du Dragon, animal terrible symbolisant les puissances maléfiques que doit vaincre le
soleil, lui qui dissipe les ténèbres. C’est une représentation du chaos primitif, du chaos des origines, avant que ne paraisse le soleil (Apollon, le roi).
Il faut noter aussi que le dragon symbolise la Fronde et les désordres politiques graves qu’a connu le roi lorsqu’il était enfant : or le roi a vaincu la Fronde, imitant en cela le dieu Apollon qui a vaincu le dragon Python (ci dessous).
De même, au nord, les arbres sont tout proches du château : symbole d’une Nature très dense, voire hostile et non encore transformée par le travail d’Apollon. Alors qu’au sud on a au contraire des fontaines, une nature aimable, maitrisée et domptées; et les arbres sont repoussés au loin. Les bienfaits du soleil ont été répandus partout…..
En se rapprochant de la chambre du Roi, on a -dans les jardins- la statue du Rhin (fleuve théatre de nombreuses guerres), avec le Vase de la Guerre dans le parterre Nord. Et, à l’intérieur du château, le Salon de la Guerre. Le Nord marque donc bien toujours les dangers et les obstacles qu’Apollon / Louis XIV doit vaincre….
2) C’est tout le contraire du côté Sud. Là ne sont que les bienfaits apportés par le soleil. D’abord, dans les jardins, la statue de la Loire (fleuve de douceur et de paix) avec le Vase de la paix. Et, à l’intérieur du château, le salon de la Paix. Puis l’extraordinaire Orangerie (ci dessous).
Le Sud marque donc bien toujours les bienfaits qu’ont apporté le dieu Apollon et la monarchie de Louis XIV : l’ordre, au Sud, s’oppose au désordre et au chaos du Nord; les fleurs et les fruits d’une nature harmonieuse parce que fécondée par le soleil (par le roi) s’opposent à la nature primitive, sauvage et indomptée…..
On remarquera enfin la subtile hiérarchisation des rôles et des pouvoirs. En arrivant à la Galerie des Glaces, qui se trouve exactement entre le Nord et le Sud et qui précède la chambre du Roi, l’avant corps central est le seul précédé d’une terrasse de sept marches. Tout est hierarchisé à Versailles…
Le dernier symbole, on l’a vu, n’étant plus le fait de marches, mais du toit de la chapelle (où sont représenté les Apôtres, car ils ont été les propagateurs de la Lumière): jaillissant par dessus la longue ligne horizontale de l’attique, il brise cette horizontalité pour s’élancer perpendiculairement vers le Ciel…..
Versailles chrétien ? Ayant vécu assez longtemps près du château et parcouru son parc en tous sens, je me surprends à ignorer que l’intention du magnifique ouvrage ait jamais été chrétienne.
Pas une seule statue de saint dans les jardins, pas un oratoire dans le parc, rien de catholique dans les couloirs, les escaliers du château lui-même.
Sans doute n’ai-je pas bien scruté fresques aux plafonds et peintures au-dessus des portes. Détrompez-moi.
Le catholique était confiné dans la chapelle royale, peu fréquentée à ce qu’en dit l’histoire.
Versailles n’est pas un palais chrétien, c’est un palais royal, siège du pouvoir temporel du Roi qui, lui, est chrétien et tâche de conduire chrétiennement les peuples sur lesquels Dieu a voulu qu’il règne. Ce Roi affirme sa filiation culturelle avec l’Antiquité (c’est le premier héritage, gréco-romain), et reconnaît n’être que lieu-tenant de Dieu sur terre (c’est le deuxième héritage, judéo-chrétien). Le palais du Roi est à la gloire du Roi et de la Monarchie : ce n’est ni une église, ni une basilique, ni une cathédrale. Il suffit que le roi laisse Dieu le dépasser (c’est le symbole de la ligne horizontale des toits, rompue par l’élévation de la chapelle : Dieu est plus haut…) pour que tout soit clair. Mais cela suffit, l’ostentatoire serait inutile. Versailles est bien un poème politique, humaniste et… chrétien.