Le journal La Croix du 14 mai cite une partie des propos de Simon Péres à l’occasion de la visite de Benoît XVI. Nous avions rendu compte de l’élégance et de la hauteur de vue des deux protagonistes lors de la réception du second par le premier, à l’aéroport.
Voici qu’au moment du départ, le même Shimon Péres fait une deuxième déclaration, pas moins anodine que la première, de bienvenue : tirant les leçons de la visite du pape, il déclare tout net que les relations entre christianisme et judaïsme n’ont jamais été « meilleures » depuis 2000 ans !
« Si j’observe l’histoire des relations entre le christianisme, le catholicisme et le judaïsme depuis 2.000 ans, nous sommes aujourd’hui à la meilleure saison » (déclaration faite dans un entretien publié dans Le Parisien). Et il insiste : « Je ne dirais pas que tout est parfait, cela ne peut pas l’être, mais c’est la meilleure saison que nous ayons jamais connue ».
Simple question : on aimerait bien savoir, puisqu’on ne les entend plus, comment se sentent Juppé et Darcos ? Plutôt mal, on s’en doute, et regrettant très certainement –en écoutant un Shimon Péres, et en voyant les résultats positifs du voyage pontifical- leurs propos sur ce Pape avec qui il commence vraiment à y avoir un problème (Juppé) et dont l’enseignement moral est criminel (Darcos)….
Shimon Pérès est, évidemment, d’une autre trempe que les Juppé ou Darcos. Et il est vrai qu’il a une élégance personnelle, de pensée et de comportement qui ne sont plus guère de mise dans la classe politique mondiale d’aujourd’hui, y compris israëlienne. (Il a, je crois, quatre-vingt six ans).
Ceci étant, il a aussi la sagesse de concéder que « tout n’est pas parfait » car « cela ne peut pas l’être ». Ce qui est le moins que l’on puisse dire d’une région du monde où les religions doiminantes (islam et judaïsme) ont, entre elles, et vis à vis des autres, notamment le christianisme, des rapports singulièrement cruels et violents. La supériorité d’Israël étant que, en raison de la Shoah, l’Etat juif se sait pour longtemps exonéré de tout reproche.
Evitons les propos évasifs.
Le pape a dit clairement ce que les Palestiniens attendaient : “M. le Président, le Saint-Siège soutient le droit de votre peuple à une patrie palestinienne souveraine sur la terre de vos ancêtres, sûre et en paix avec ses voisins, à l’intérieur de frontières internationalement reconnues”.
Voilà ce qui est important.
Et si l’extrême droite israélienne est choquée tant pis.
Extrait du discours d’accueil du prince Ghazi au Pape le 9 mai à Amman:
(…)Aujourd’hui, comme j’ai accueilli Votre Sainteté à travers quatre aspects de ma personnalité, je vous reçois aussi à travers quatre aspects de la vôtre.
Je reçois en vous le leader spirituel, souverain pontife et successeur de Pierre pour 1,1 milliard de catholiques qui vivent partout à côté de musulmans et que je salue en vous recevant.
Je reçois en vous le pape Benoît XVI, vous dont le pontificat est caractérisé par le courage moral d’agir et de parler selon votre conscience, indépendamment des modes du moment, vous qui êtes aussi un maître théologien chrétien, auteur d’encycliques historiques sur les belles vertus cardinales de l’amour et de l’espérance, vous qui avez réintroduit la Messe traditionnelle en latin pour ceux qui le souhaitent et avez en même temps fait du dialogue interreligieux et intrareligieux la priorité de votre pontificat, pour répandre la bonne volonté et la compréhension entre toutes les populations de la terre.
Je reçois en vous le chef d’Etat, qui est aussi un leader mondial et global sur des questions vitales de morale, d’éthique, d’environnement, de paix, de dignité humaine, de soulagement de la pauvreté et de la souffrance et même de crise financière mondiale.
Je reçois en vous, enfin, un simple pèlerin de paix qui vient avec humilité et gentillesse prier là où Jésus-Christ, le Messie – la paix soit avec lui! – a été baptisé et a commencé sa mission il y a 2 000 ans (…).
Voilà des propos que l’on aimerait parfois entendre de la bouche de certains de nos responsables politiques. Mais ne rêvons pas.
Extraits du discours du Pape Benoit XVI lors de sa visite au camp de réfugiés Palestiniens à Bethléem:
Ma visite de ce camp, a dit Benoît XVI, « m’offre l’occasion d’exprimer ma solidarité à tous les palestiniens qui n’ont pas de maison et qui attendent de pouvoir retourner sur leur terre natale, ou d’habiter de façon durable dans une patrie qui leur soit propre ». Puis il a exprimé « sa reconnaissance à la multitude d’hommes et de femmes venus du monde entier et qui offrent leur aide, ici et dans les autres camps de la région ». « Je sais que beaucoup de vos familles sont divisées, à cause d’emprisonnement de membres ou de la limitation de la liberté de déplacement, et que beaucoup d’entre vous ont connu le deuil. Mon cœur va vers tous ceux qui ont ainsi souffert. Soyez assurés que tous les réfugiés palestiniens à travers le monde, spécialement ceux qui ont perdu leurs maisons et des êtres chers durant le récent conflit à Gaza, sont présents dans mes prières ».
Puis il salué le beau travail réalisé par nombres d’organismes de l’Eglise en faveur des réfugiés ici et dans les autres parties des Territoires palestiniens, telle la Mission pontificale pour la Palestine ou les franciscaines missionnaires du Cœur immaculée de Marie, qui « nous invite à faire mémoire de la figure charismatique de François, ce grand apôtre de la paix et de la réconciliation. Je dit aussi toute ma reconnaissance pour la contribution exceptionnelle que les différents membres de la famille franciscaine apportent aux populations de cette région, se faisant des instruments de paix ». Combien les gens de ce camp, de ces territoires, et de la région tout entière attendent la paix! En ces jours, ce long désir prend un relief particulier quand vous vous souvenez des événements de mai 1948 et du conflit non résolu qui s’en suit depuis. L’exode massif de la population arabe locale débuta le 15 mai 1948 dès le retrait de la Grande-Bretagne, fixé par la résolution 181 des Nations-Unies de novembre 1947. »Vous vivez depuis dans des conditions précaires et difficiles, avec des possibilités limitées de trouver un emploi. Il est compréhensible que vous vous sentiez souvent frustrés. Vos aspirations légitimes à un logement stable, à un Etat palestinien indépendant, demeurent non satisfaites. Au contraire, vous vous trouvez piégés, comme beaucoup d’autres en cette région et à travers le monde sont piégés, dans une spirale de violence, d’attaque et de contre-attaque, de vengeance et de destruction continuelle. Le monde entier espère que cette spirale soit brisée afin que la paix mette fin à ces hostilités continuelles. Ici, en voyant ce mur, nous ressentons le point mort auquel semblent être arrivés israéliens et palestiniens ».
« Dans un monde où les frontières sont de plus en plus ouvertes, pour le commerce, pour les voyages, pour le déplacement des personnes, pour les échanges culturels, il est tragique de voir des murs continuer à être construits. Comme il nous tarde de voir les fruits d’une tâche bien plus difficile, celle de construire la paix! Prions constamment pour la fin des hostilités qui sont à l’origine de ce mur! De part et d’autres du mur, un grand courage est nécessaire pour dépasser la peur et la défiance, pour résister au désir de se venger des pertes ou des torts subis. Il faut de la magnanimité pour rechercher la réconciliation après des années d’affrontement. Pourtant l’histoire a montré que la paix ne peut advenir que lorsque les parties en conflit sont désireuses d’aller au-delà de leurs griefs et de travailler ensemble pour des buts communs, prenant chacune au sérieux les inquiétudes et les peurs de l’autre et s’efforçant de créer une atmosphère de confiance. Il faut de la bonne volonté pour prendre des initiatives imaginatives et audacieuses en vue de la réconciliation. Si chaque partie insiste en priorité sur les concessions que doit faire l’autre, le résultat ne peut être qu’une impasse ».
« L’aide humanitaire, telle celle qui est fournie à ce camp, a un rôle essentiel à jouer, mais la solution à long terme à un conflit tel que celui-ci ne peut être que politique. Personne n’attend que les Palestiniens et les Israéliens y parviennent seuls. Le soutien de la communauté internationale est vital, et c’est pourquoi, je lance un nouvel appel à toutes les parties concernées pour jouer de leur influence en faveur d’une solution juste et durable, respectant les requêtes légitimes de toutes les parties et reconnaissant leur droit de vivre dans la paix et la dignité, en accord avec la loi internationale. En même temps, toutefois, les efforts diplomatiques ne pourront aboutir heureusement que si les palestiniens et les israéliens ont la volonté de rompre avec le cycle des agressions ». Benoît XVI a conclu en renouvelant son appel à un engagement profond des chrétiens à « cultiver la paix et la non-violence, suivant l’exemple de saint François et des autres grands artisans de paix. La paix doit commencer à la maison, dans la famille, dans le cœur. Je continue de prier pour que toutes les parties du conflit qui se déroule sur ces terres aient le courage et l’imagination nécessaires pour emprunter le difficile mais indispensable chemin de la réconciliation. Puisse la paix fleurir à nouveau sur cette région Puisse Dieu bénir son peuple en lui offrant la paix! ».
Le pape Benoît XVI au centre Notre Dame de Jérusalem (ESM)
Benoît XVI interpelé par le cheik musulman Taysir al-Tamini
Incident à Jérusalem. Mais le cheik a dit ce que beaucoup pensent
Le 13 mai 2009 – Benoît XVI venait de terminer son Discours aux représentants des différentes religions réunies au centre Notre Dame de Jérusalem, lorsque le cheik musulman Taysir al-Tamini, délégué palestinien pour le dialogue interreligieux a tout à coup pris la parole.
Le cheik a parlé en arabe et le pape n’a pas pu comprendre ce qu’il disait. Mais le remue-ménage dans la salle laissait deviner qu’il s’agissait de mots âprement polémiques. Au terme de la rencontre, le directeur de la salle de presse vaticane, le père Federico Lombardi, a fait la déclaration suivante:
« L’intervention du cheik Tayssir Attamimi n’était pas prévue par les organisateurs de la rencontre. Dans un évènement dédié au dialogue, une telle intervention était une négation du dialogue. Souhaitons que cet incident ne compromette pas la mission du pape, dirigée vers la promotion de la paix et du dialogue entre les religions, comme il l’a clairement affirmé dans de nombreux discours de ce voyage. Souhaitons même que le dialogue interreligieux en Terre Sainte ne soit pas compromis par cet incident ».
On peut remarquer que les thèses soutenues par le cheik n’ont rien d’étrange, mais sont l’écho de choses dites, écrites et aussi pensées par beaucoup de non musulmans, laïques et catholiques, y compris des hommes d’Église.
Le Père Federico Lombardi, S.J., Directeur de la Salle de presse du Vatican, a commenté de façon négative l’intervention hors programme du cheik Taysir al-Tamimi, qui ce lundi soir, pendant la rencontre qui s’est déroulée prés de « Notre Dame of Jerusalem Center », a prononcé des mots d’accusation vis-à-vis d’Israël.
Après le Discours du Pontife, le cheik al-Tamimi, le Président du Tribunal Suprême palestinien, choisi comme délégué palestinien pour le dialogue interreligieux, s’est approché au podium en prononçant un discours en arabe, accueilli par les protestations des représentants juifs présents qui ont menacé d’abandonner la salle.
Le représentant islamique a affirmé au début : « Je souhaite la bienvenue à sa Sainteté, le pape, dans la ville de Jérusalem, la capitale éternelle de la Palestine politique, nationale et spirituelle ».
Tout de suite après, malgré les interventions répétées du Patriarche Latin de Jérusalem, Sa Béatitude Fouad Twal, al-Tamimi a poursuivi en disant que « depuis qu’Israël a occupé Jérusalem, en 1967, il a transgressé toutes les lois religieuses et civiles, a détruit les maisons, a occupé les terres et il y a édifié des maisons pour les israéliens, chassant des milliers de ses habitants originaire ».
« Israël – a t’il continué – a fait de Jérusalem une prison, défendant aux musulmans et aux chrétiens d’y accéder et interdisant les prières dans les églises et les mosquées ».
« Il a creusé sous la Mosquée d’al-Aqsa dans le but de la détruire pour édifier une synagogue à sa place, en volant même les monuments archéologiques – a t’il affirmé -. Il a creusé les tombes des morts. Il a frappé les croyants qui priaient et a frappé aussi les moines dans l’Église de la Résurrection à Pâques ».
« En ce qui concerne la question de Gaza – a dit al-Tamimi – Israël n’a pas respecté les droits humains : un manque de respect des droits humains comme jamais cela n’était arrivé avant dans ce siècle ».
« Sainteté – a t’il ajouté -, je vous supplie au nom de l’Unique Dieu, de condamner ces crimes, de faire la pression sur le Gouvernement israélien pour arrêter les offensives contre le peuple palestinien, de libérer les milliers de détenus dans les prisons de l’occupation, de détruire le mur de séparation ethnique, d’ôter les installations et de redonner les terres occupées à leurs légitimes des propriétaires ».
Al-Tamimi donc a demandé au Saint Père d’intercéder « pour d’arriver à une paix juste qui reconnaisse pleins droits au peuple palestinien dans sa liberté et son l’indépendance, et permette aux réfugiés de retourner dans leurs maisons qu’ils ont été obligés d’abandonner, de manière à recréer un État libre pour le peuple palestinien avec Jérusalem comme capitale éternelle ».
« Jérusalem – a t’il conclu – est une partie très importante de la vie de plus d’un milliard et demi de musulmans et de plus de deux milliards de chrétiens, et tous doivent défendre Jérusalem et son identité ».
Le pape, qui n’a pas pu écouter la traduction du discours, est resté assis jusqu’à la fin, en faisant de temps en temps un sourire embarrassé, conscient du climat tendu suscité par l’intervention du représentant islamique.
Dans une déclaration, Aviv Shiron, porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères israélien, a dit que « c’est une honte que le cheik Taysir al-Tamimi ait profité d’une rencontre interreligieuse dans le but de promouvoir dialogue et compréhension entre chrétiens, juifs et musulmans pour inciter contre Israël ».
Dure, aussi, la réaction du Ministre chargé de la visite du pape en Israël, Stas Misezhnikov, selon lequel « les provocation du cheik offensent, en premier lieu et principalement, le pape Benoît XVI qui est venu en Terre Sainte pour promouvoir la paix et l’unité entre les peuples de la région et e tous les hommes de foi ».
« Israël – a t’il poursuivi – condamne les mots de haine prononcés par le cheik, qui au lieu de promouvoir la paix et la coexistence a choisi de semer les graines de la division et d’un heurt entre les israéliens et les palestiniens et entre juifs, musulmans et les chrétiens ».
« C’est une honte que ce soient des extrémistes qui représentent les palestiniens et les musulmans dans cet important évènement en présence du Saint Siège », a t’il dit enfin.
Une toute petite remarque, indépendamment du fait que le cheik a interpellé Benoît XVI avec beaucoup de respect: certes, à nos oreilles latines, les sons un peu gutturaux de l’arabe ne sonnent pas toujours de manière harmonieuse… mais il n’était pas nécessaire d’évoquer des imprécations. Et les propos du cheik – dont on ne peut nier le courage d’avoir ainsi osé mettre les pieds dans le plat – méritaient malgré tout d’être rapportés.
Pourquoi dans la presse italienne, et pas dans la française?
Je remercie Thulé pour sa communication. Bien que les propos de Benoit XVI soient éminemment respectables, il me semble que la création d’un état palestinien, si elle est souhaitable, n’est pas possible à moins de remettre tout l’état de choses existant en cause. Il suffit de regarder une carte pour comprendre: La Cisjordanie et Gaza sont séparés par plus de 100km; comment les faire obéir au même état ? La Cisjordanie n’a aucun accès à la mer; elle dépend entièrement d’Israèl sur ce point. De plus son territoire est entièrement « mité » par des colonies juives bénéficiant d’une protection militaire israélienne, et d’accès protégés: pas une route qui ne soit coupée 3 ou 4 fois par des cross-point contrôlés par l’armée israélienne. D’autre part, les palestiniens travaillent dans leur majorité pour des employeurs israéliens. Beaucoup font le voyage chaque jour dans ce pays minuscule; ils dépendent donc d’Israèl pour leur emploi comme d’ailleurs Israèl dépend des palestiniens pour sa main d’oeuvre.
La création d’un état à Gaza serait viable, à la condition expresse qu’Israèl cesse le blocus qui étouffe cette bande côtière. Cependant la concentration de population qui y séjourne est catastrophique et obère toute solution. Pourquoi croyez-vous que les gazaouis (à l’indignation des bonnes consciences européennes) votent majoritairement pour le Hamas?
En réalité la création d’un état palestinien suppose résolus tous les problèmes qui empêchent ces populations de coexister. De plus il faut s’interroger sur l’état d’Israèl et mettre en lumière le fait que me confiait un conseiller de l’ambassade de France à Jérusalem, à savoir que les isréliens sont tellement divisés sur ce que doit être le pays où ils vivent que la guerre est encore la meilleure solution pour les unir. Dans une situation tragique, les bons sentiments sont impuissants.