Comment ne pas donner raison à Nicolas Sarkozy lorsqu’il déclare, à propos de la Turquie:
« Il y a des pays comme la Turquie qui partagent avec l’Europe une part de destinée commune, qui ont vocation à construire avec l’Europe une relation privilégiée, qui ont vocation à être associés le plus étroitement possible à l’Europe mais qui n’ont pas vocation à devenir membres de l’Union européenne. La France entretient depuis des siècles une relation d’amitié avec la Turquie, et c’est au nom de cette amitié qui unit nos deux pays, c’est au nom du respect que l’on doit à ses amis que je veux dire la vérité à la Turquie. Nous serions mieux inspirés d’engager dès maintenant avec la Turquie des négociations pour créer un espace économique et de sécurité commun. »
La Turquie n’est pas un pays d’Europe: c’est « la »raison, suffisante à elle seule, pour écarter d’emblée toute discussion sur son éventuelle adhésion à l’Union Européenne. Un enfant de CM2 comprend bien que, la Turquie ayant des frontières avec l’Iran, la Syrie, l’Irak, il serait aberrantd’imaginer un seul instant que l’Europe puisse avoir une frontière avec ces pays.
N’importe quelle copie de géo affirmant une absurdité pareille se verrait gratifiée d’un zéro pointé bien mérité. Et même dans les perles du Bac on n’a pas ( pas encore ?…) trouvé de copie reprenant cette loufoquerie.
Pourtant, Le Monde du 16 mai, dans un article qui se veut assez alarmiste de Guillaume Perrier et Philippe Ricard, nous apprend que la Turquie redouble d’activité auprès des gouvernements européens, afin d’arriver au but qu’elle s’ext fixée : devenir membre à part entière de l’Union.
La seule question que l’on se pose, en écoutant les propos présidentiels, puis en lisant cet article du Monde, est donc celle-ci : qu’est-ce qu’il attend, le Président ? Puisqu’il est au pouvoir, et qu’il peut compter, sur ce point précis, sur l’alliance de sa chère Angéla ? Nous imaginons bien les immenses résistances qu’il doit vaincre, et les pressions très fortes qui doivent s’exercer sur lui, mais bon, être au pouvoir, et avoir des alliés au pouvoir eux aussi, cela doit bien donner quelques marges de manoeuvre…
Il est, en effet, urgent d’envoyer un signal fort au monde entier: l’Europe renonce à la chimère d’une Union en perpétuelle expansion et sans frontières bien définies. Et elle met en place, sans délai, parce qu’elle en a besoin, et parce que c’est son intérêt, des relations économiques, politiques, militaires etc… privilégiées avec la Turquie. Mais en tant que pays voisin, allié et partenaire.
Le Président vient de le (re)dire, et c’est bien. Mais les paroles ne peuvent pas être reprises indéfiniment, sans être suivies d’actes. Ce serait mieux de le faire, maintenant. Ce sera mieux quand ce sera fait…..
L’entrée dans l’Union européenne d’un pays de 72 millions d’habitants comme la Turquie,qui deviendrait , du seul fait de son poids démographique, l’Etat membre le plus influent en termes de droit de vote, perspective soutenue par les Etats-Unis mais à laquelle la majoritédes Européens sont nettement opposés, scellerait définitivement une fuite en avant dans l’élargissement au détriment de l’approfondissement, ruinant à jamais l’espoir de voir l’Europe devenir une véritable entité politique.
Comme l’a écrit Jean-Louis Bourlanges dans « Politique Internationale en automne 2004, » l’adhésion de la Turquie trancherait une hésitation d’un demi-siècle entre deux conceptions de l’Union idéologique d’un côté, géopolitique de l’autre. Elleconsacrerait la victoire d’une Europe éthérée, réduite à l’exaltation de valeurs universelles et du droit, sur une Europe enracinée dans une terre et une histoire particulière, la victoire d’une Europe onusienne sur une Europe carolingienne. Jean Monnet, le voyageur sans bagages de la paix universelle, le champion planétaire de la résolution des conflits, l’emporterait définitivement sur Robert Schuman, l’homme d’un lieu et d’un temps, attaché par toutes les fibres de son être à sa Lorraine déchirée, résolu en chrétien, en lotharingien, en français et en allemand à retrouver – à travers la réconciliation des peuples de l’espace rhénan – le fil perdu d’une civilisation commune, la spécificité d’un modèle social façonné par l’histoire, le secret d’une résurrection solidaire de peuples brisés et ruinés par la folie de leurs Etats respectifs « .
« L’adhésion turque, note également Bourlanges, réjouit tout à la fois les intergouvernementalistes, soucieux de tordre le cou à l’idée fédérale, les atlantistes, bien décidés à torpiller l’idée d’une Europe indépendante des Etats-Unis, les multiculturalistes, obsédés par le spectre d’une guerre des civilisations, le grand patronat, séduit par une triple promesse d’exportation, de délocalisation et d’immigration, et même certains adeptes de l’Europe-puissance, bien contents de pouvoir opposer les gros costauds du Bosphore aux woodstockiens complexés de l’Europe du Nord « .
On rappellera par ailleurs qu’au cours de sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy s’était prononcé pour la
suppression de l’article 88-5 de la Constitution, adopté par les parlementaires réunis en Congrès à Versailles en
2005, qui prévoit de soumettre à référendum tout nouvel élargissement de l’Union européenne après l’adhésion
de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie. L’entrée de la Turquie dans l’Union, à laquelle le président français déclare être opposé, mais qui a le soutien de son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, pourrait ainsi être votée par le Parlement sans que le peuple soit consulté.
Les raisons pour ou contre sont nombreuses. Le problème est que depuis 40 ans les « Européens » jouent avec la souris mécanique turque.
La souris est devenu un gros rat, puis un ragondin, qui va se transformer en ours de taille respectable avant dix ans.
Alors les Turcs forceront la porte.