Il faut être reconnaissant à Jean-François Mattéi d’avoir écrit « Le regard vide – Essai sur l’épuisement de la culture européenne ». Et il faut lire et relire ce livre, le méditer, en faire un objet de réflexion et de discussions entre nous. Il dit, en effet, un grand nombre de choses tout à fait essentielles sur la crise qui affecte notre civilisation – et, bien-sûr, pas seulement la France – dans ce qu’elle a de plus profond.
Ce livre se situe dans la tradition des penseurs et intellectuels européens qui ont médité sur ce déclin, de Paul Valéry et Unamuno à George Steiner ou Alain Finkielkraut.
Jean-François Mattéi étudie le regard critique de l’Europe sur elle-même et sur le monde. Il constate que, sur elle-même, son regard est devenu de plus en plus profondément autocritique, comme en témoigne la diatribe de Susan Sontag : « La vérité est que Mozart, Pascal, l’algèbre de Boole, Shakespeare, le régime parlementaire, les églises baroques, Newton, l’émancipation des femmes, Kant, Marx, les ballets de Balanchine, etc., ne rachètent pas ce que cette civilisation particulière a déversé sur le monde. La race blanche est le cancer de l’humanité. »
Arborant le relativisme en blason et prônant la repentance, la pensée dominante refuse d’assumer l’identité de sa culture au motif que toute identité est menace. Jetant un regard vide sur leur époque, les intellectuels sont ainsi devenus des « symboles de l’expiation », selon le mot de Lévi-Strauss à propos des ethnologues.
Pour Jean-François Mattéi, au contraire, la question de l’éminence, voire de la supériorité, de la culture européenne mérite d’être posée : n’est-elle pas la seule à avoir véritablement « regardé » les autres cultures ? Et, après en avoir analysé les limites, il s’attache à montrer la pertinence de la notion d’identité et, notamment, de l’identité européenne.
Ce livre nous paraît donc tout à fait essentiel, car il serait illusoire et vain de tenter une quelconque restauration du Politique, en France, si la Civilisation qui est la nôtre était condamnée à s’éteindre et si ce que Jean-François Mattéi a justement nommé la barbarie du monde moderne devait l’emporter pour longtemps.
C’est pourquoi nous publierons, ici, dans les prochains jours, et pendant un certain temps, quelques extraits significatifs de cet ouvrage, dont, on l’aura compris, fût-ce pour le discuter, nous recommandons vivement la lecture. A suivre donc …
(1) : Jean-François Mattei, Le regard vide, Essai sur l’épuisement de la culture européenne, de Jean-François Mattéi. Flammarion, 292 pages, 20 €.
A noter que cet ouvrage a été couronné du Prix Montyon 2008 décerné par l’Académie française dans la catégorie des prix de littérature et de philosophie.
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