Ces fêtes, qui culminent avec le Cortège de l’Assaut, se célèbrent chaque année, à la fin du mois de juin. Elles trouvent leur origine dans un beau fait d’armes, qui mérite d’être raconté…
Le 10 juillet 1472, les ouvriers couvreurs travaillant sur les toits de la cathédrale Saint Pierre voient s’élever, au loin, une poussière immense.
Aussitôt, les 30 églises de la ville donnent l’alarme : il s’agit de l’armée de Charles le Téméraire et de ses Bourguignons qui, sachant la ville sans garnison et ses remparts en mauvais état, pensent s’en emparer sans coup férir. C’est compter sans le peuple et les bourgeois qui, courant aux remparts, et s’improvisant piqueurs, archers ou hallebardiers, soutiennent pendant onze heures l’assaut des Bourguignons aguerris.
Cependant, fatigue et lassitude gagnent les défenseurs. Déjà, un soudard du Téméraire a pris pied sur la porte de Bresles. Il va y planter son étendard et crier « Ville prise ! ». Alors une femme, Jeanne Laisné, se rue sur lui, l’assomme d’un coup de hache, lui retire sa bannière et le précipite du haut du rempart.
A ce spectacle, les défenseurs reprennent courage, l’ennemi se démoralise et bat en retraite, le Téméraire lève le siège. Beauvais reste au Roi !…
Ainsi, lorsque les hommes commençaient à faiblir, ce furent les femmes qui, à Beauvais, sauvèrent la ville…
Et Louis XI voulut les honorer tout particulièrement lorsque l’année suivante, le 25 Juin 1473, il vint témoigner sa gratitude aux Beauvaisiens, et lorsqu’on lui remit, sur la grand-place, « les clefs de la Ville, dont l’ennemi ne put se saisir ».
• Le Bailli : « Très noble Roi, notre Sire, les Maire, Pairs, Bourgeois et Habitants de Beauvais vous présentent les clefs de leur ville, moult honorés de vous voir en ses murs.
• Le Roy : Il nous a plu venir ici, afin de marquer notre gratitude à l’égard des habitants de Beauvais pour le service rendu l’an passé à notre Couronne, ainsi qu’il nous fut rapporté. Même nous dit-on que vos femmes se montrèrent vaillantes, et que l’une d’elles le fut particulièrement.
• Le Bailli : C’est juste vérité, gentil seigneur, que Jeanne Laisné se battit bellement avec un soudard, auquel elle arracha l’étendard qu’il plantait sur la muraille.
• Le Roy : Nous aimons faire quelque chose pour les petits et les humbles. Jeanne Laisné, n’ai-je pas ouï dire que tu as un promis ?
• Jeanne Laisné : Oui, Sire, c’est Colin Pilon, un bon compagnon de métier, qui l’an passé s’est montré bon sujet du Roi.
• Le Roy : Qu’il avance ! En faveur de vos prochaines épousailles, et afin de vous rendre la vie plus aisée, Jeanne et Colin, soyez exemptés votre vie durant de tous impôts dûs à ma Couronne.
• Jeanne et Colin : Noël au Roi ! Que dieu le garde !
• Le Roy : Voulons qu’à toujours ait lieu à Beauvais une procession en l’honneur de Madame Sainte Angadrème, où les femmes précéderont les hommes. Et leur octroyons le droit de porter, au jour de leur noce, tels accoutrements et joyaux que bon leur semblera, sans qu’elles puissent en être reprises, ou blâmées. Ainsi dit ! »
III : Réjouissances dans la Ville…
Dès l’après-midi du samedi, on l’a vu, les « Maire, Pairs et Echevins » avaient donc convié « bourgeois et marchands, gens d’Eglise et de Justice, artisans et manants à venir en nombre crier « Noël au Roy ! »…. Pareillement à assister au feu qui sera allumé en l’honneur du grand Monsieur Saint-Jean, où jolies damoiselles et gentils damoiseaux s’ébaudiront » : tout le peuple a répondu à l’appel…
Et, le soir, la Bannière de la Porte de Bresles et le Pavois de la Hachette (ci dessous) sont promenés dans les rues de la ville, parsemées d’oriflammes et d’écus, par les filles du Peuple, les Demoiselles d’honneur de Jeanne Hachette et les Dames bourgeoises.
IV : Les représentants de la « bonne ville » devant le Roi…
Puis vient le Corps de Ville : le Porte Clefs, Pierre de Creil, Maire de Beauvais en 1473, le Bailli et le procureur de la ville, les pages Diseurs, les pairs, Echevins et Notables, suivis des Fous du roy.
Puis se présententent les Seigneurs du Beauvaisis :
• Loys Gommel de Balagny, Capitaine de la ville;
• Jehan Courras, Maître de forteresse;
• le Sire de Fontenailles, Guillaume de la Roche Tessson, et leurs suites…
Enfin, précédé de ses bouffons, le Roi Louis XI fait son entrée à cheval, accompagné par le Cardinal, Olivier le daim, Jacques Coictier, et les Seigneurs de sa suite… Le Porte Heaume, le Porte Etendard, le Porte gantelet, le Porte Epée, les Hommes d’Armes mais aussi la meute royale, les Apothicaires du Roy et l’escorte royale…
Tout autour, les Petits Musiciens du Roy et les Cavaleries du Beauvaisis exécutent des carrousels, dont les rythmes lents et majestueux s’élèvent, purs et fragiles, dans la chaude et douce nuit d’été…
Enfin, fermant la marche du Cortège de l’Assaut, les Corporations et le menu peuple de Beauvais qui lui aussi, ayant été à la peine, se trouve à l’honneur: orfèvres, potiers, lainiers, canonniers, taverniers, fleuristes, brossiers, chapeliers, modistes, jardiniers, coiffeurs, charcutiers, boulangers et pâtissiers…
Ainsi, les siècles passent, mais les habitants de Beauvais veulent « tenir serré le lien qui nous tient réunis avec les Pères de notre esprit et de notre goût », selon l’heureuse formule employée par Maurras dans la préface d’Anthinéa (1942). Ils veulent maintenir ce lien privilégié qui les unit à leur passé, et rester familier avec lui. « Les arbres qui montent le plus haut dans le ciel – disait Gustave Thibon – sont ceux qui poussent leurs racines le plus profondément dans la terre… »
Oui, à Beauvais comme ailleurs, comme à Orléans avec Jeanne d’Arc, comme partout, tout ce qui est Racines est bon…
Thank you for this amazing article and for the pictures.
Beautiful pics!