Transcription de la Deuxième partie : Alain Finkielkraut répond à des auditeurs et à d’autres journalistes (durée : dix-huit minutes).
Nicolas Demorand: ….A mes côtés Bernard Guetta, Thomas Legrand et Fabien qui nous appelle de Paris. Première question, bonjour Fabien et bienvenue….
Fabien: Je suis très content de poser une question à M. Finkielkraut qui me rafraîchit, qui me fait du bien… Juste une question, je voudrais savoir ce qu’il pense de ce petit débat sur la burqa.
Alain Finkielkraut: Eh bien, je pense que ce débat est absolument salutaire, et donc j’approuve la conduite des parlementaires qui, sous la conduite d’André Gérin, maire communiste de Vénissieux, ont demandé la création d’une mission parlementaire. Je dirai simplement ceci: les défenseurs du voile intégral et de la burqa argumentent dans la même langue que leurs adversaires, celle des droits de l’homme. On parle de l’égalité et de la liberté des femmes d’un côté, mais d’un autre côté, en face, on brandit le droit pour chacun de choisir et de voir respectée son identité culturelle, dans la diversité de ses modes d’expression. Il ne s’agit plus de savoir qui est sincère et qui ne l’est pas.
Il faut peut-être, pour le coup, désinvestir le langage des droits de l’homme et opposer à celles qui revendiquent ainsi leur droit, les moeurs, ce qu’on appelle la culture, la civilisation française. La France n’est pas simplement un état procédural, chargé d’organiser la coexistence des communautés qui la composent. La France est une nation substantielle, la France est une civilisation. A cette civilisation, nul individu n’est étranger, par essence, par définition. Il y a, simplement, des pratiques, qui lui sont étrangères, et, parmi ces pratiques, il y a le voile intégral.
Parce que l’un des piliers de ce que j’appelle la civilisation française c’est la mixité: de l’amour courtois jusqu’à l’égalité des femmes, la France c’est la présence des femmes, c’est la visibilité des femmes, c’est leur présence plénière. Et à cela on doit dire que nous ne voulons pas toucher, nous ne voulons pas faire d’exception….
N.D.: Donc c’est un débat très important, ce n’est pas un « petit débat », comme le disait notre auditeur…
A.F.: Non, c’est un débat absolument capital, les anglais ont tiré un proverbe du droit romain: « In Rome, do as the romans do », A Rome, on vit à la romaine. Et c’est, je crois, ce qu’il faut répondre, de la manière la plus claire, la plus catégorique, aux partisans de la burqa.
D’autant que cela peut avoir des conséquences extrêmement graves. Elle est peut-être minoritaire, la burqa, mais dans les cités, où vous avez des gens d’origine européenne, eh bien, tout d’un coup, ils ne se sentent plus chez eux. Et donc ils s’en vont, et donc on assiste à un phénomène de substitution démographique qui n’est souhaitable pour personne, car il aboutit à la constitution de ghettos; et le chez soi n’est pas une valeur de droite, ce n’est pas du lepénisme; c’est, à partir du moment où cela va de pair avec une véritable ouverture aux individus, c’est une réalité qu’il faut pouvoir défendre.
N.D.: Il faut en passer par une loi ou par l’école, Alain Finkielkraut ?
A.F.: Peut-être par des amendes, j’en sais rien, moi, vous savez…. Il paraît qu’en Belgique on distribue des amendes… Mais, les exhibitionnistes sont condamnés: eh bien, je trouve que la burqa est une forme paradoxale d’exhibitionnisme….
Thomas Legrand: Vous parlez de la tradition française, pourquoi ne voulez-vous pas accoler le terme droits de l’homme, quitte à y mettre votre acception des droits de l’homme, puisque vous contestez l’acception qui en est généralement faite ?
A.F.: Dans l’idée que j’ai des droits de l’homme, la burqa est une insulte. Mais je constate que les défenseurs du voile intégral se réclament des droits de l’homme, alors, on voit très bien qu’on est dans un dialogue de sourds… et, d’autre part, je pense qu’on oublie, si vous voulez, que la France n’est pas seulement une batterie de droits. Je pense qu’il faut retrouver le caractère substantiel de notre nation, et cesser d’en avoir honte.
J’ai peur de voir la France se transformer en état procédural, au nom de la diversité. Tout d’un coup, la diversité, c’est l’argument magique : il n’y a pas besoin d’être français, puisque chacun apporte sa part à la diversité. Ce que je dis, simplement, c’est ceci: la France n’est pas une auberge espagnole.
N.D.: L’existence même d’un Ministère de l’Identité nationale, est-ce que cela vous choque, Alain Finkielkraut ?
A.F.: Non, pas en soi. Cela ne me choque pas en soi. Tout dépend du contenu qu’on y met. A partir du moment où, précisément, cette idée d’une tradition française à laquelle chacun participe, même les étrangers -moi, je suis un enfant d’immigrés…- à partir du moment où cette idée disparaît, il est normal qu’elle puisse être réaffirmée; le danger ce serait, véritablement, de figer les choses, et de les essentialiser en disant qu’il y a des gens à qui cette identité restera toujours étrangère. Ça, évidemment, il faut veiller à ne pas tomber dans ce genre d’affirmation…
Thomas Legrand: On a pu noter une évolution, lundi, dans le discours présidentiel au Congrès de Versailles. Nicolas Sarkozy abandonne l’idée de lutter contre la discrimination avec les critères ethniques, et il dit qu’il préfèrait utiliser les critères sociaux. C’est une évolution ?
A.F.: Oui, c’est une évolution, et c’est sans doute une évolution heureuse. D’un autre côté, ce sera peut-être aussi une forme de discrimination positive. En fait, les critères sociaux seront, très vraisemblablement, des critères ethniques déguisés. Peut-être ne peut-on pas faire autrement, mais tout cela est un symptôme parmi d’autres de l’effondrement de notre système scolaire. Il y a quelque chose de la méritocratie, en France, qui ne fonctionne plus.
Mais peut-être est-ce très difficile de faire fonctionner l’école parce que le divorce entre l’école et le monde ne cesse de s’aggraver. Nous parlions d’Hadopi tout à l’heure: nous vivons dans le monde de l’immédiateté. Tout doit être accessible tout de suite. L’école, c’est une médiation, et une médiation douloureuse. Cette médiation est de plus en plus mal su
pportée par des gens auxquels elle est particulièrement nécéssaire, alors on va trouver des emplâtres, alors on va trouver des remèdes, comme la discrimination positive.
N.D.: Eric nous appelle du Var. Bonjour, Eric, et bienvenue sur France inter…
Eric: Est-ce qu’un philosophe, un intellectuel peut être du côté du pouvoir, monsieur Finkielkraut ?
A.F.: C’est une question assez stupéfiante. J’ai parlé tout à l’heure de mon inappartenance, je la revendique absolument; je ne suis pas du côté du pouvoir, et ce que j’ai dit ne témoignait pas de quelque allégeance que ce soit. Cela dit, s’il y a des intellectuels qui trouvent bon de soutenir Nicolas Sarkozy aujourd’hui, il n’y a strictement aucune honte à cela. Et, d’autre part, le pouvoir c’est beaucoup de choses. C’est le pouvoir politique mais c’est -Tocqueville nous l’a appris- le pouvoir social, aussi; et je connais un certain nombre de gens qui prennent leurs distances avec le pouvoir politique, et qui se tambourinent de fierté, mais, en même temps, qui se prosternent devant le pouvoir social, devant la doxa, devant une certaine opinion journalistique pour laquelle, effectivement, plus on insulte le pouvoir en place, mieux on est considéré…
N.D.: Vous pensez à qui, là ?…
A.F.: A personne de précis…
N.D.: Non, non, vous pensez à qui ?…
A.F.: Je constate, si vous voulez, je constate aujourd’hui… Bon, alors, je vais parler de quelqu’un. Moi, je n’ai jamais appelé à voter qui que ce soit, et pour les présidentielles non plus; j’ai tenu mon vote secret, et je n’avais pas envie non plus de dire faites ceci, ou faites cela... Il y a un intellectuel, en France, qui a sauté le Rubicon: c’est André Glucksman. Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Un tombereau d’insultes ! Une déconsidération absolue de lui.
Donc, vous êtes un intellectuel en France, aujourd’hui, et vous voulez arriver. Je veux dire, arriver, c’est-à-dire être bien vu, être invité, avoir des articles etc… eh bien qu’est-ce que vous faites ? vous faites exactement le contraire. Et donc vous avez à la fois le prestige du résistant et la réalité de l’allégeance. C’est cette hypocrisie que je me crois en devoir de dénoncer, en réponse à la question de notre charmant auditeur…
N.D.: Est-ce que les comiques ont aujourd’hui une fonction sociale et intellectuelle, Alain Finkielkraut, d’après vous ?…
A.F.: Oui, hélas ! C’est une fonction catastrophique… L’humour est un épisode récent de l’histoire du rire. Nous assistons aujourd’hui, avec les comiques et pas simplement avec eux, à un vériatble ré-ensauvagement du rire, ou un véritable ré-ensauvagement par le rire. Quand un comique, je dis des noms ? (Nicolas Demorand: oui, allez-y…), Stéphane Guillon, traite Martine Aubry de pot de tabac, il retrouve la veine du rire d’avant l’humour. Ce rire barbare où on se moque des tares physiques, du handicap physique. Et quand je vois cette femme politique dire « Finalement, j’ai trouvé ça drôle », je me dis, là, vraiment, on voit où est le pouvoir…. Il est pas chez elle !…..
Quand je vois le même comique nous expliquer que le président de la République a une démarche à peu près de vache folle, et quand on ne cesse d’insister sur sa petite taille, qu’est-ce que vous voulez, j’ai un sentiment de dégoût et je me dis qu’est-il arrivé au rire ? Pourquoi ce ré-ensauvagement ? J’en suis absolument désolé…..
N.D.: Ce n’est pas, la déformation caricaturale, l’un des traits très anciens du comique, Aalin Finkielkraut ?
A.F.: Oui, c’est vrai, ce n’est pas non plus l’un de ses traits les plus glorieux. Dans la belle histoire de l’humour, il y a des choses une peu plus glorieuses, un peu plus subtiles, et puis je pense que il y a des limites à la caricature. C’est très difficile d’être une femme politique…
N.D.: Qui les fixe, les limites ?…
A.F.: Vous savez, Orwell dirait la common sense, la décence ordinaire. Voilà un concept que la gauche devrait se hâter de ré-investir. La décence ordinaire ! C’est difficile d’être une femme politique, c’est vraiment très difficile; et, tout d’un coup, vous arrivez au sommet, vous avez les caméras braquées sur vous, et vous êtes un peu boulotte: vous vous rendez compte ? Et vous avez des desseins, et des caricatures qui vont dans le même sens : moi, je trouve ça absolument atroce. Là encore, je pense qu’il faut raisonner en termes de civilisation. Nous sommes emportés dans un processus de dé-civilisation, et le rire contemporain est à l’avant-garde de ce processus.
N.D.: Qu’est-ce qui vous fait rire, Alain Finkielkraut, dans la vie?
A.F.: Mais… moi, de temps en temps, parce qu’il m’arrive d’être drôle un peu malgré moi… Je ris aussi aux films de Woody Allen, parce qu’il n’y a aucune forme d’ensauvagement chez Woody Allen. Ce n’est pas parce que je suis inquiet de l’évolution du rire que je ne suis pas quelqu’un de gai….
N.D: Abd-el-Kader est au standard de France inter; bonjour, et bienvenue…
Abd-el-Kader: Vous venez de dire que vous soutenez le peuple iranien et que vous avez manifesté samedi dernier, à Paris, auprès des iraniens, et que vous étiez bouleversé. Est-ce que vous avez soutenu les palestiniens à Paris, pendant leur massacre à Gaza, et est-ce que vosu étiez aussi bouleversé par ce qui se passait à Gaza ?
A.F.: Je vais répondre calmement (rires…). Oui, on l’éspère… je suis sous votre surveillance, Bernard Guetta… Cela fait vingt-cinq ans que j’interviens publiquement sur le conflit israélo-palestinien. Plus, même, cela va bientôt faire trente ans: je crois que le premier article que j’ai publié dans le Débat s’intitulait La déchirure, et c’était en 1980.
Depuis cette époque, je milite ardemment pour la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël. J’ai participé à un nombre incalculable de réunions et de meetings des amis de La paix maintenant, de Shalom Arshav. Je n’ai jamais varié: je me suis félicité du retrait de Gaza, je suis pour un démantèlement des colonies, je ne vois aucune objection à la pression exercée aujourd’hui par le président Obama sur Israël et je pense que, si elle s’accentue, j’y serais favorable.
Mais je suis, malgré tout, extrêmement choqué par la question, parce que l’ambiance totalitaire de ce monde consiste notamment dans cette espèce d’obsession d’Israël, c’est-à-dire Israël, le petit Satan, qui tire les ficelles du grand….Israël, le pays d’où tout le mal vient..
..Donc cette comparaison entre l’horreur iranienne et le conflit israélo-palestinien relève du même phénomène et ça je l’ai entendu sur votre radio… Frédéric Barrère (correspondant sur place de Radio france à Jérusalem…) dont je ne crois pas qu’il soit suspect de quelque sympathie sioniste que ce soit, expliquait très bien que les iraniens aujourd’hui écoutaient la BBC et Israël en farsi parce que c’était les informations les plus claires sur ce qui arrivait en Iran aujourd’hui… et l’un des enjeux de cette révolte iranienne c’est d’en finir avec la paranoïa qui focalise le monde arabe et le monde musulman en général sur l’entité sioniste, comme ils disent, pour effectivement oublier, négliger, distraire les foules des turpitudes des régimes en place….
N.D.: Andrée nous appelle d’Orléans, Bonjour Andrée, il est 8h57, bienvenue….
Andrée: Je voudrais dire à M. Finkielkraut qu’il ne faut pas qu’il se scandalise, comme ça, de ce que font les caricaturistes. Daumier caricaturait Louis-Philippe sous forme de poire, et il y avait peut-êtres des Alain Finkielkraut, à l’époque… que je compare un peu au prophète Philipulus, dans Tintin, qui annonce l’apocalypse tout le temps….Je voudrais dire à M. Finkielkraut qu’il y a une femme qui a été outragée par le président de la République: c’est la Princesse de Clèves, que M. Finkielkraut, très soucieux comme il l’est, et à juste raison, du rayonnement de la culture française et des lettres…je pense qu’il a dû s’en scandaliser à l’époque, enfin je ne l’ai pas tellement entendu…
N.D.: Eh bien, on va lui poser la question….
Andrée: Oui, depuis, le président de la République, paraît-il, s’est mis à lire énormément, ce que je ne crois pas une seconde, et je voudrais savoir ce qu’il pense de tout cela….
N.D.: Merci, Andrée, pour cette question, Aalin Finkielkraut vous répond…
A.F.: Alors, le prophète… comment s’appelle-t-il déjà ?… Philipulus ? va rassurer Andrée: la dernière émission que je fais, Répliques, sur France culture, à la fin du mois de juillet, s’intitule Et si on lisait La princesse de Clèves ? J’invite Claude Habib, Hélène Merlin-Kajman. Donc, voilà ma réponse, oui, les propos de Nicolas Sarkozy m’ont heurté, bien sûr. Cela dit, j’ajoute que, lorsque le ministre de la Fonction publique a décidé de supprimer l’épreuve de culture générale dans certains concours de la Fonction publique, il a été félicité par le Cran et, si je ne m’abuse, par la Halde, parce que…
N.D.: Le Cran, Conseil représentatif des associations noires, et la Halde, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité…
A.F.: …Voilà… et on jugeait ces concours eux-mêmes, avec leur culture générale, justement, un peu discriminatoires. Et malheureusement, si vous voulez, La Princesse de Clèves n’a plus sa place dans l’enseignement secondaire, en France, sauf de manière exceptionnelle, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec Nicolas Sarkozy, qui ont à voir avec une politique pédagogiste, à laquelle j’espère que Andrée s’est opposée avec la même fermeté qu’aux propos déplacés du président de la République… et je voudrais simplement vous donner une phrase, la phrase d’Alain Viala qui a présidé la transformation de l’enseignement du programme des Lettres; il a dit: « Donner de l’autonomie dans le débat d’opinion, c’est notre mission dans un lycée démocratique ». Si c’est là la mission du français, La princesse de Clèves n’a aucune place, parce que La Princesse de Clèves n’est pas là pour donner de l’autonomie dans le débat d’opinion. Elle est là pour nous amener à réflechir sur l’amour, sur le renoncement, sur les limites. Çà n’a strictement rien à voir. Si on se place dans une perspective exclusivement citoyenne, adieu La Princesse de Clèves !…..
N.D.: Dernière question, elle n’a absolument rien à voir. Alain Finkielkraut: ce qui arrive à Richard Gasquet, le tennisman vous choque. Pour quelles raisons ?
A.F.: Cela me choque parce que c’est une horrible intrusion dans sa vie privée. Il a peut-être, ou peut-être pas, pris de la cocaïne dans une boite, cela n’a absolument rien à voir avec le dopage. D’abord la cocaïne, ça ne dope pas, et si on prend de la cocaïne dans une boite, le lendemain ou le surlendemain on va au match, on n’est pas du tout dans l’état de gagner son match…
N.D.: Vous en prenez, vous, ou pas ?…
A.F.: Non, je n’en prends pas, mais si vous avez à m’en proposer, on y réfléchira tout à l’heure…
N.D.: Non, moi je prends rien, juste du café noir….
A.F.:…Simplement, on ne va pas, sous prétexte d’une lutte contre le dopage, persécuter les sportifs et leur interdire les travées de Roland Garros ! Qu’est-ce que c’est que ce délire ?….
N.D.: La cocaïne, donc, un droit de l’homme…
A.F.: Non.. J’ai pas dit ca, Nicolas Demorand…
Fin de la seconde partie de l’émission, qui s’achève dans la bonne humeur générale; Alain Finkielkraut est très détendu, il y a une réelle connivence et complicité de bon aloi entre tous les participants…..
Les positions de ce philosophe n’engagent que lui-même.
Il y a un humour fin et subtil et un humour vulgaire et on peut comme on dit « se moquer de tout mais pas avec tout le monde » comme on peut rejeter la personnalité du président sans pour autant le charger de tous les défauts. Faire rire le peuple est de tous les temps et permet de décharger son agressivité.
Qui dit « discrimination positive » pour certains qui prennent la place des autres n’élève pas pour autant au contraire le niveau et la valeur de celui qui en bénéficie et de plus déprécie un diplôme.
Quant aux Israéliens ils continuent à étendre leur colonisation et construire des immeubles aux dépens des Palestiniens.
Enfin Le « délire » du dopage est une escalade qui n’a de fin que la mort sur ou en dehors des stades. c’est ça le sport ?
Quelle bonne idée de publier cet entretien, qui contient à l’état d’esquisse ou d’allusion la totalité de la problématique sur laquelle nous nous accrochons depuis deux ans, avec les mêmes apories. Il faut le reconnaître, Finkielkraut a fait du chemin depuis trente ans; il lui reste encore de la route à faire pour rejoindre des positions contre révolutionnaires.
Si vous le permettez, je vais prendre quelques thèmes de ce penseur et en faire l’examen positif:
D’abord sa critique des Droits de l’Homme, que je salue, mais sur laquelle il faut rester circonspect. En effet, il les critique à partir du moment où il s’agit de faire respecter « son identité culturelle, dans la diversité de ses modes d’expression » et il ajoute, pour que tout soit clair:
« Il ne s’agit plus de savoir qui est sincère et qui ne l’est pas », ce qui signifie qu’un droit ne peut être collectif, il doit être le produit de la mécanique rationnelle du cerveau de chaque individu souverain. S’il critique les droits de l’homme, c’est donc essentiellement pour s’écarter de l’individualisme rationaliste des Lumières.
Puis M. Finkielkraut, à l’émerveillement peut être excessif de certains d’entre nous, affirme l’existence de la civilisation française. »La France n’est pas simplement un état procédural ». Fort bien, mais alors qu’est-ce que c’est? Il nous répond que c’est une chose à laquelle « chacun participe, même les étrangers », « une civilisation à laquelle nul n’est étranger ». Mais alors, qu’est-ce qui la spécifie ? Rien sinon par exemple la mixité, l’égalité des femmes! Mais qu’est-ce qui n’appartient qu’à nous, ne protège que nous? Rien, rien, rien. Au nom de quoi pouvons-nous légitimement interdire l’immigration si la France, c’est l’Humanité? Et M. Finkielkraut ne nous fournit aucune arme pour ce faire, mais il demande que, sous sanction pénale, les étrangers adoptent, en surface les costumes des français. Là, il me semble que nos amis devraient voir le câble du piège tendu et l’éviter. L’anti-islamisme est une muleta agitée sous notre nez. Détournons-nous d’elle et frappons au ventre.
J’ai entendu Alain Finkielkraut, sur France Inter, soutenir, la juste lutte de l’opposition iranienne, s’attendrir sur les images de la répression et s’émouvoir des faux témoignages de la télévision d’Etat.
Accessoirement, on aurait aimé l’entendre aussi sur les enfants palestiniens bombardés à Gaza, mais ce n’était pas le sujet.
A ceux qui encensent Finkielkraut à tous propos et vouent BHL aux gémonies, je voudrais rappeler les faits suivants:
Bernard Henri Lévy et Alain Finkielkraut ont travaillé ensemble la création de l’Institut d’études lévinassiennes de Jérusalem, et leurs interventions ou leurs travaux concordent bien souvent.
Les deux auteurs se sont tous deux illustrés dans la défense de l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Il s’agit d’un thème récurrent chez Alain Finkielkraut qui a toujours légitimé les actions de Tsahal contre les populations palestiniennes.
Comme souvent, Bernard Henri Lévy s’est montré bien plus subtil que son collègue, mais l’optique défendue est à peu près la même.
Concernant la guerre d’Irak, Alain Finkielkraut s’est prononcé fortement en faveur de cette guerre, brocardant « l’impuissance européenne » face au « dictateur Saddam Hussein ».
Bernard Henri Lévy eut, là encore, une position plus ambiguë, se contredisant sur son soutien ou non au conflit pour finir par se déclarer opposé à cette guerre pour des raisons tactiques tout en minimisant le crime qu’elle représentait.
Les deux hommes avaient, auparavant, défendu la « révolution orange » en Ukraine.
Différents? Sur la forme peut-être, mais le fond reste le même : soutien inconditionnel aux politiques américaines et israéliennes.
Me trouvant en assez grand désaccord avec le commentaire de Thulé, je me permets, à mon tour, les quelques réactions suivantes :
1. Que Bernard Henri Lévy et Alain Finkielkraut aient travaillé ensemble à la création d’un Institut d’études lévinassiennes, fût-ce à Jérusalem, n’est pas une honte en soi. Lévinas, me semble-t-il, fut un métaphysicien dont l’oeuvre n’est pas négligeable. Je me souviens, en tout cas, que lorsque Pierre BOUTANG lui a succédé à la chaire de métaphysique de la Sorbonne, il fut un des rares à le soutenir, alors qu’il était violemment combattu en raison de sa fidélité à Maurras. « Vous êtes en de bonnes mains; vous avez là un maître », disait-il alors à ses étudiants.
2. Pour BHL, au contraire, traiter ses adversaires de « maurrassien » est, dans sa bouche, une insulte assez systématique qui suffit à me le rendre peu supportable.
3. Indépendamment des affaires israélo-palestiniennes ou irakiennes, où je me garderai, pour ma part, d’avoir des préférences voire des sympathies trop marquées, je crois indéniable que, sur ce qui nous importe le plus – la France, sa culture et sa civilisation – Alain Finkielkraut, même s’il faut être toujours circonspects, mène une réflexion qui tend à se rapprocher de la nôtre, ce qui, à mon sens, n’est à aucun point de vue, le cas de BHL.