Christian Authier commence son court article dans Le Figaro par une formule heureuse: Pol Vandromme s’est très vite tourné vers un « journalisme de minorité qui sera son inconfort mais aussi sa sauvegarde. Il préférera toujours le drapeau noir des copains d’abord aux laissez-passer du conformisme ».
Et Jean-Pierre Stroobants, dans Le Monde, retient que « …Contre Victor Hugo, incarnation de ce qu’il définissait comme » la gauche sentimentale « , il s’alliait à Alexandre Dumas père, disait-il, de » la droite songeuse et cabriolante « . C’est en creusant ce sillon qu’il s’identifia, affirmait-il, à Paul Morand, Roger Nimier, Jean Giono, Jean Anouilh. Il adorait Marcel Aymé, auquel il consacra un livre. Parmi ses » copains « , ses » frères « , il comptait Jacques Laurent, Antoine Blondin, Michel Déon. Il assumait ses sympathies pour Céline, Léon Daudet, Brasillach….Il aimait Régis Debray ( » A qui l’on pardonnait d’avoir couché hier avec la révolution, puis qu’il couche aujourd’hui avec la littérature « ), Philippe Sollers ( » Il lui arrive quelquefois d’être ce qu’il se flatte d’être « ) ou Jonathan Littell, l’auteur des Bienveillantes… »
Ces deux articles de circonstance, assez courts, n’évoquent pas l’intérêt qu’avait porté Pol Vandrome à Maurras. Daniel Cologne l’avait au contraire relevé dans l’article que nous citions plus haut, et dont voici queqlues passages.
« …Au lendemain de la Libération, Pol Vandromme entre en journalisme, dans une profession non encore viciée par les hantises mercantiles et la tyrannie du tape-à-l’œil, dans un métier qui « ne se courbait pas devant les ordres des maquettistes, des administrateurs financiers et des acheteurs d’espace publicitaire ».
Mais le champ d’investigation de Pol Vandromme ne se limite pas à la génération des « Hussards » ainsi nommée d’après le titre d’un roman de Roger Nimier (Le Hussard bleu). Il englobe aussi les grands aînés, y compris ceux qui, dans l’immédiat après-guerre, furent mis à l’index par le Comité national des écrivains. L’épuration du C.N.E. rappelle à Pol Vandromme la censure catholique de sa jeunesse. « La même haine de la littérature, la même habitude calomnieuse, les morales conjuguées pour que la liste noire de la citoyenneté rancunière ne fût pas en reste avec celle de la prêtrise balourde »…
…Je vais à présent flâner un peu en compagnie de Maurras, du Maurras vu par Vandromme. Ce dernier n’est jamais avare de parallélismes inattendus. « Le rapprochement entre Maurras et Sartre – les deux écrivains politiques les plus haïs et les plus admirés – n’est pas qu’une malice polémique. Je l’indique, en passant, comme à propos de botte, sans m’y attarder. Personne ne serait capable, aujourd’hui, d’en supporter le développement un peu poussé ; mais je suis sûr qu’un jour il s’imposera à un thésard, moins conforme, plus futé que la plupart des membres de la confrérie. François Nourrissier, devant lequel j’esquissais le parallèle, manifesta un intérêt qui me parut mieux qu’une politesse amicale ».
Maurras a marqué la première moitié du XXe siècle aussi intensément que Sartre a laissé son empreinte sur la seconde. En prenant le sillage d’Evola et de Guénon, j’ai opéré un fameux revirement, car tout avait été mis en œuvre, pour mes cogénérationnaires et moi venus au monde vers 1950, afin de nous faire prononcer nos vœux existentialistes et prendre l’habit rouge dans l’ordre des sartreux. Mais si j’étais né un demi-siècle plus tôt, j’aurais probablement été maurrassien.
Il y a d’ailleurs « plusieurs façons d’être maurrassien, sans Maurras parfois, voire, selon certaines apparences, contre lui ». On peut être hostile au « nationalisme populaire d’essence jacobine » et devenir réfractaire à la monarchie sur la base de ses mauvais exemples actuels, tout en défendant un « régionalisme d’inspiration fédéraliste », en respectant le legs d’Auguste Comte et de Joseph de Maistre, et en magnifiant une esthétique néo-classique, « une façon de raisonner et d’écrire un français hérité de la Rome des légistes et des orateurs », « une langue qui a la précision de celle de Valéry, mais plus ample et plus ardente ».
Là sont en effet les ingrédients dont Maurras a voulu faire la synthèse en son « pari intenable » qui lui fait mériter la qualification d’« utopiste ». Par delà les erreurs politiques – « signer son armistice avec la république devant les menaces de l’Allemagne impérialiste » – , bien plus loin que la louange de « défendre l’ordre catholique pour dissoudre l’esprit évangélique », il faut réapprendre à lire et à aimer Maurras, resituer ses idées et son style dans « l’histoire de sa sensibilité », admirer « l’homme intérieur, dans son romantisme originel et la conquête de son classicisme ».
Sartre enfant découvre l’évidence de sa laideur dans le miroir de son coiffeur, mais cela n’empêche pas l’adulte, « nabot criard du négativisme » (Louis Pauwels), de devenir, par on ne sait quel tour de magie (un ciel de naissance favorable ?) un séducteur impénitent.
Chez l’adolescent Maurras, « le destin foudroie », l’infirmité brise à jamais une « espérance de marin au long cours », la surdité survient comme une « nuit obscure » ne se dissipant que sur un « personnage tragique ». Être maurrassien sans être nationaliste, royaliste et catholique, c’est concevoir le classicisme comme un romantisme dominé, c’est admirer l’alchimie d’une « nature sauvage et chaotique » en un « temple des devoirs » et un « conservatoire de la beauté », c’est dépasser la fausse alternative esthétique – politique (classique – romantique ou classique – baroque) dans laquelle se complaisent parfois – ceci dit sans acrimonie – certains de nos amis…
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