Nous sommes le 14 juillet, en milieu d’après midi. Devant l’arrivée des gardes françaises commandés par un certain Hulin passé à l’insurrection, le chef de la place, le marquis de Launay, signe la reddition de la Bastille en échange de la promesse qu’il ne sera pas fait de mal à la garnison. La foule, finalement, envahit les lieux, Launay est traîné jusqu’à l’Hôtel de Ville, massacré au sabre. Sa tête coupée est promenée au bout d’une pique tandis que certains poussent l’horreur jusqu’à boire le sang de la victime… La mémoire retiendra qu’il s’agissait de la prise de la Bastille alors que ce jour, ce fut bien le marquis de Launay qui laissa un des symboles de la monarchie aux insurgés.
Cependant, la violence de la réaction préfigure une autre violence qui s’exprimera tout au long de la Révolution française. En son temps, l’historien François Furet avait été écarté de la célébration du bicentenaire de la Révolution par François Mitterrand, parce que l’ancien membre de l’Institut refusa de célébrer l’événement dans son unité, précisément à cause de la violence et de la Terreur qui s’exprima au cours de son histoire. L’ancien Président de la République, tout comme Georges Clemenceau bien avant lui, considérait lui que la Révolution était un tout et que la « célébrer », la « fêter » impliquait de la prendre dans son ensemble, avec sa part de violence donc.
Quoiqu’il en soit, la Révolution française possède sa face obscure avec son cortège de massacres, de cruauté et d’inhumanité. Le symbole de cette violence s’incarne bien évidemment dans les événements de la Vendée : alors que dans un premier temps s’établit une guerre civile, s’ensuit très vite ce que l’on qualifiera de véritable génocide, préfiguration des horreurs totalitaires du XXe siècle. Pourtant, les idéaux du XVIIIe siècle se voulaient être ceux de la tolérance, du respect et de la fraternité. Le mythe de la Révolution fut tel que, jusqu’à nos jours, en dehors de la littérature contre révolutionnaire ou à de rares exceptions régionales ou locales, aucun travail de mémoire n’a été réalisé par les autorités françaises.
De leur côté, les éditions du Cerf ont souhaité réaliser ce travail de mémoire mais aussi et surtout ce travail d’histoire. Pour publier le Livre noir de la Révolution française, elles ont fait appel à plus de 45 auteurs (historiens, journalistes, juristes…) qui, désormais, comblent un vide historiographique.
Les invités
Renaud Escande, dominicain, est éditeur aux Éditions du Cerf. Il y dirige les collections consacrées à la philosophie. Il est à l’origine du Livre noir de la Révolution française.
Jean de Viguerie est historien, spécialiste de l’histoire de l’Eglise et de l’éducation au XVIIIe siècle. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment d’une Histoire et d’un dictionnaire du temps des Lumières paru aux éditions Robert Laffont, dans la collection Bouquins ; d’une biographie de Louis XVI parue aux éditions du Rocher ; et d’un essai sur l’idée de patrie intitulée Les deux patries (Dominique Martin Morin éditeur). Jean de Viguerie est professeur honoraire à l’université de Lille III.
Présentation de l’éditeur
Légitimes et glorieux, festifs et fraternels, fruits d’une « raison » attendue par les siècles : c’est ainsi que sont habituellement présentés les événements de ce qui fut aussi l’une des périodes les plus sanglantes de l’histoire, inaugurant tragiquement une succession de révolutions et de conflits qui marquèrent l’Europe jusqu’au milieu du XXe siècle.
Il est toujours dans l’intérêt d’une nation de faire briller quelques mythes fondateurs et dans l’intérêt de ceux qui ont pris le pouvoir de masquer la violence et l’arbitraire sur lesquels ils ont assis leur domination. Mais l’histoire ne s’écrit pas comme la mythologie, et son exigence de vérité ne devrait pas s’encombrer de visées utilitaristes.
Cet ouvrage n’entend pas « noircir » des faits qui témoignent par eux-mêmes. Cette violence inouïe – qui pourtant se réclamait des Lumières – produisit une onde de choc telle qu’elle devait s’étendre sur plusieurs générations. Elle entraîna avec elle, sur le phénomène révolutionnaire, toute une série d’œuvres et de réflexions critiques dont on dénie trop vite, souvent, la légitimité.
En savoir plus :
Les auteurs du Livre noir. Jacques Alibert – Pascale Auraix-Jonchière – Michaël Bar-Zvi – Henri Beausoleil – Christophe Boutin – Isabelle Brancourt – Jean-Pierre Brancourt – Bruno Centorame – Jean Charles-Roux – Pierre Chaunu – Stéphane Courtois – Marc Crapez – Dominique Decherf – Jean Des Cars – Ghislain de Diesbach – Jean Dumaine – Renaud Escande – Bernard Fixes – Alexandre Gady – Jean-Charles Gaffiot – Jean-François Galinier-Pallerola – Stéphane Giocanti – Pierre Glaudes – Jacques de Guillebon – Fabrice Hadjadj – Tancrède Josseran – Philippe Lavaux – Emmanuel Le Roy Ladurie – Xavier Martin – Frédéric Morgan – Alain Néry – Arnaud Odier – Paul-Augustin d’ Orcan – Dominique Paoli – Jean-Christian Petitfils – Jean-Michel Potin – Pierre-Emmanuel Prouvost d’Agostino – Frédéric Rouvillois – Jonathan Ruiz de Chastenet – Reynald Secher – Jean Sévillia – Renaud Silly – Rémi Soulié – Jean Tulard – Sarah Vajda – Jean de Viguerie – Gregory Woimbée
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