Oui, nous pensons qu’il a raison, BHL (1). Mais ce n’est pas seulement le PS qui est mort. On a bien vu récemment la mort du PC. En fait, c’est toute la gauche idéologique qui est morte. Morte de l’échec et de la mort de la révolution d’octobre,quintessence de la grande Révolution originelle, mère et matrice de toutes celles qui ont suivi, jusque dans l’extrême-orient de Mao et de Pol Pot.
Le tsunami, né à Paris en 1789, a atteint sa limite extrême. Il est fini, il est mort. La vague reflue. C’est ce que BHL ne sait pas, ne peut pas ou ne veut pas voir.
Pourtant, cela apparaît et apparaîtra de plus en plus comme une évidence aveuglante à tous, y compris dans les rangs de la gauche idéologique.
Il y a une trentaine d’années, Thomas Molnar, alors que les Partis communistes nationaux (France, Italie…) gardaient intacte, en apparence, leur immense puissance ; et alors que l’URSS était – ou du moins semblait – plus forte et plus expansionniste que jamais ; Thomas Molnar, donc, à contre-courant de ces apparences, nous avait expliqué que le communisme était mort, et qu’il n’était plus, comme ces coquillages au bord de la mer abandonnés par leur occupant, qu’une « coquille vide ». Nous devons à la vérité de dire que, ce jour-là, au cours du repas qui nous réunissait – quelques amis et lui – nous ne l’avons tout simplement pas cru ; et nous avons pensé, d’ailleurs à l’encontre de sa tendance habituelle, qu’il pêchait par un excès d’optimisme, et nous le lui avons dit. Bien peu d’années après, son diagnostic s’avérait exact. L’empire marxiste s’effondrait… C’est Molnar qui avait raison !
On en est là aujourd’hui. Et c’est, tout simplement ce qui explique les soubresauts de la gauche idéologique. Après le PC, c’est au tour du PS de disparaître du fait de n’avoir plus rien à dire lui non plus.
Après tout, la Révolution n’a pas plus qu’une autre idéologie les promesses de l’éternité. Comme les virus ou les épidémies, les idéologies peuvent, elles aussi, s’épuiser, finir leurs cycles, cesser pour un temps (ou pour quelques siècles) d’être virulentes. Les XIXème et XXème siècles révolutionnaires – où les peuples se sont épuisés à l’expérience désastreuse des idéologies – ne pourraient-ils pas en avoir épuisé les forces, la puissance dynamique ? Il semble que c’est ce que nous sommes en train de vivre : la fin d’un cycle. Les Lumières, qui avaient fait un premier naufrage historique dans la Terreur , font cette fois leur naufrage définitif, par la fin finale des idéologies insensées et monstrueuses qu’elles ont engendrées. Nul ne s’en plaindra, en tout cas pas nous….
Cela, BHL, pour l’instant du moins, ne le voit pas. Il n’en voit que la conséquence (« Le PS est une maison morte ») sans voir la cause profonde. Ce qu’on vit doit être trop énorme pour eux. Trop dur. Il doit leur falloir un peu de temps…. Mais ils seront bien obligés d’y venir, et d’ne convenir. Comme nous avec Molnar !…..
Mais si le règne des idéologies, en notre temps, devait ainsi prendre fin, il faut aussi se demander par quoi elles seront remplacées. A ce jour, la réponse n’est pas brillante : ce qui semble leur succéder c’est le « monde absolument plat » dont parle Georges Steiner dans son Château de Barbe Bleue, quelque chose qui ressemble à peu près au « rien », le « rien » contemporain qui n’est même pas un « nihilisme, » au sens classique, qui avait encore quelque chose à voir avec la culture, la civilisation, la société auxquelles il s’affrontait. Il reste donc à espérer que ce qui subsiste, encore, aujourd’hui, en France et en Europe, de traditions, de vraie culture, d’intelligence, d’institutions, de volonté et, en dernier ressort, de courage, nous évitera de tomber ainsi, peut-être pour plusieurs siècles, dans un tel état d’inculture et de barbarie « en nous permettant de retrouver », selon le vœu de Jean-François Mattéi, en conclusion de son Regard Vide (3), selon une image ancienne reprise de Platon, « le chemin qui conduit chez nous ». (Platon, Philèbe, 62 b)
(1) : Interview parue dans le Journal du Dimanche, 19 juillet 2009. A rapprocher du Pdf « Jacques Julliard, la Gauche, le PS » mis à votre disposition (rubrique « Documents », en dessous des « Commentaires »), mais Julliard est plus profond que BHL.
(2) : Il y est presque, pourtant. Il est à deux doigts de dire, comme le commissaire Bourrel, « Bon sang, mais c’est bien sûr ! ». Il lui faut peut-être juste encore un peu de temps…
Ainsi, il n’hésite pas à faire la comparaison avec l’effondrement du Parti communiste. «A quoi bon se voiler la face ? On est à la fin d’un cycle. Le PS est dans la situation du PCF de la fin des années 1970, quand la désintégration s’amorçait et qu’on tentait de la conjurer par des formules incantatoires sur – déjà – la refondation, la rénovation…..On essaie de réanimer un cadavre». Et, plus loin, dans son article : «Le PS va mourir ? Non. Il est mort. Personne, ou presque, n’ose le dire. Mais tout le monde, ou presque, le sait….Il est comme le cycliste d’Alfred Jarry qui pédalait alors qu’il était déjà mort. Ou comme le chevalier d’Italo Calvino dont l’armure était vide. Il est mort….Tout a commencé avec le déclin du communisme. On était pour. On était contre. Mais on se déterminait par rapport à lui. En sorte que, quand l’astre s’est éteint, quand il n’a plus brillé que de l’éclat des étoiles mortes, c’est toute la gauche, toute la galaxie, qui a commencé de pâlir à son tour. »
Armure vide, coquille vide : BHL reprend presque la comparaison de Molnar !….
(3) : Jean-François Mattéi, Le Regard Vide, Essai sur l’épuisement de la culture européenne, Flammarion, 292 pages, 20 €.
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