Certes, on trouve ce document dans notre Catégorie « Grands Textes ». C’est même le premier d’entre eux, celui avec lequel nous avons inauguré cette série. Il s’insère cependant à ce point dans notre réflexion engagée à partir de l’encart du Figaro que nous avons pensé utile de le présenter de nouveau, plutôt que de nous contenter d’indiquer au(x) lecteurs(s) qu’on pouvait le lire dans cette Catégorie.
En lui redonnant, en quelque sorte, les honneurs de la Une, il nous semble que nous rendons plus cohérent cet ensemble de trois notes, centrées sur un essentiel qui ne passe pas, parce qu’il ne peut pas passer, et qu’il convient de correctement nommer, de correctement dater, car de là vient notre déclin.
Sur la réalité des révolutions, sur les horreurs qu’elles engendrent, la pensée de Soljénitsyne se « dédouble » dans une vision grandiose et universelle des maux que le monde a connus de leur fait, aux XIX° et XX° siècles. Il appelle de ses voeux le temps où seront érigés, en Russie, des monuments pour témoigner de cette barbarie et souhaite que les Français en fassent autant, non seulement comme objet de mémoire, mais aussi, mais surtout, comme condition d’une renaissance.
Soljénitsyne ouvre à notre réflexion de multiples « pistes » avec, à l’instar du pape Jean-Paul II, la force et l’autorité d’un témoin, d’une victime, en définitive victorieuse….
Texte intégral du discours prononcé par Alexandre Soljenitsyne, le samedi 25 septembre 1993, aux Lucs-sur-Boulogne, pour l’inauguration de l’Historial de Vendée . |
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« M. le président du Conseil général de la Vendée, chers Vendéens, Il y a deux tiers de siècle, l’enfant que j’étais lisait déjà avec admiration dans les livres les récits évoquant le soulèvement de la Vendée, si courageux, si désespéré. Mais jamais je n’aurais pu imaginer, fût-ce en rêve, que, sur mes vieux jours, j’aurais l’honneur d’naugurer le monument en l’honneur des héros des victimes de ce soulèvement. Vingt décennies se sont écoulées depuis : des décennies diverses selon les divers pays. Et non seulement en France, mais aussi ailleurs, le soulèvement vendéen et sa répression sanglante ont reçu des éclairages constamment renouvelés. Car les événements historiques ne sont jamais compris pleinement dans l’incandescence des passions qui les accompagnent, mais à bonne distance, une fois refroidis par le temps. Longtemps, on a refusé d’entendre et d’accepter ce qui avait été crié par la bouche de ceux qui périssaient, de ceux que l’on brûlait vifs, des paysans d’une contrée laborieuse pour lesquels la Révolution semblait avoir été faite et que cette même révolution opprima et humilia jusqu’à la dernière extrémité. Eh bien oui, ces paysans se révoltèrent contre la Révolution. C’est que toute révolution déchaîne chez les hommes, les instincts de la plus élémentaire barbarie, les forces opaques de l’envie, de la rapacité et de la haine, cela, les contemporains l’avaient trop bien perçu. Ils payèrent un lourd tribut à la psychose générale lorsque le fait de se comporter en homme politiquement modéré – ou même seulement de le paraître – passait déjà pour un crime. C’est le XXe siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l’humanité, l’auréole romantique qui entourait la révolution au XVIIIe. De demi¬-siècles en siècles, les hommes ont fini par se convaincre, à partir de leur propre malheur, de ce que les révolutions détruisent le caractère organique de la société, qu’elles ruinent le cours naturel de la vie, qu’elles annihilent les meilleurs éléments de la population, en donnant libre champ aux pires. Aucune révolution ne peut enrichir un pays, tout juste quelques débrouillards sans scrupules sont causes de mort innombrables, d’une paupérisation étendue et, dans les cas les plus graves, d’une dégradation durable de la population. Le mot révolution lui-même, du latin revolvere, signifie rouler en arrière, revenir, éprouver à nouveau, rallumer. Dans le meilleur des cas, mettre sens dessus dessous. Bref, une kyrielle de significations peu enviables. De nos jours, si de par le monde on accole au mot révolution l’épithète de «grande», on ne le fait plus qu’avec circonspection et, bien souvent, avec beaucoup d’amertume. La Révolution française s’est déroulée au nom d’un slogan intrinsèquement contradictoire et irréalisable : liberté, égalité, fraternité. Mais dans la vie sociale, liberté et égalité tendent à s’exclure mutuellement, sont antagoniques l’une de l’autre! La liberté détruit l’égalité sociale – c’est même là un des rôles de la liberté -, tandis que l’égalité restreint la liberté, car, autrement, on ne saurait y atteindre. Quant à la fraternité, elle n’est pas de leur famille. Ce n’est qu’un aventureux ajout au slogan et ce ne sont pas des dispositions sociales qui peuvent faire la véritable fraternité. Elle est d’ordre spirituel. Au surplus, à ce slogan ternaire, on ajoutait sur le ton de la menace : « ou la mort», ce qui en détruisait toute la signification. Jamais, à aucun pays, je ne pourrais souhaiter de grande révolution. Si la révolution du XVIIIe siècle n’a pas entraîné la ruine de la France, c’est uniquement parce qu’eut lieu Thermidor. La révolution russe, elle, n’a pas connu de Thermidor qui ait su l’arrêter. Elle a entraîné notre peuple jusqu’au bout, jusqu’au gouffre, jusqu’à l’abîme de la perdition. Je regrette qu’il n’y ait pas ici d’orateurs qui puissent ajouter ce que l’expérience leur a appris, au fin fond de la Chine, du Cambodge, du Vietnam, nous dire quel prix ils ont payé, eux, pour la révolution. L’expérience de la Révolution française aurait dû suffire pour que nos organisateurs rationalistes du bonheur du peuple en tirent les leçons. Mais non ! En Russie, tout s’est déroulé d’une façon pire encore et à une échelle incomparable. De nombreux procédés cruels de la Révolution française ont été docilement appliqués sur le corps de la Russie par les communistes léniniens et par les socialistes internationalistes. Seul leur degré d’organisation et leur caractère systématique ont largement dépassé ceux des jacobins. Nous n’avons pas eu de Thermidor, mais – et nous pouvons en être fiers, en notre âme et conscience – nous avons eu notre Vendée. Et même plus d’une. Ce sont les grands soulèvements paysans, en 1920-21. J’évoquerai seulement un épisode bien connu : ces foules de paysans, armés de bâtons et de fourches, qui ont marché sur Tanbow, au son des cloches des églises avoisinantes, pour être fauchés par des mitrailleuses. Le soulèvement de Tanbow s’est maintenu pendant onze mois, bien que les communistes, en le réprimant, aient employé des chars d’assaut, des trains blindés, des avions, aient pris en otages les familles des révoltés et aient été à deux doigts d’utiliser des gaz toxiques. Nous avons connu aussi une résistance farouche au bolchévisme chez les Cosaques de l’Oural, du Don, étouffés dans les torrents de sang. Un véritable génocide. En inaugurant aujourd’hui le mémorial de votre héroïque Vendée, ma vue se dédouble. Je vois en pensée les monuments qui vont être érigés un jour en Russie, témoins de notre résistance russe aux déferlements de la horde communiste. Nous avons traversé ensemble avec vous le XXe siècle. De part en part un siècle de terreur, effroyable couronnement de ce progrès auquel on avait tant rêvé au XVIIIe siècle. Aujourd’hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée ». Alexandre SOLJÉNITSYNE |
Merci à vous, de remettre à l’honneur ce digne texte. Merci, je suis contente e le relire, grâce à vous,; nombreux seront comme moi, heureux de se remettre en mémoire ce texte de Monsieur Soljénitsyne, offert à tous les Français. Merci et amitiés. Madame Marie-Louise Dujol
Rectification :
Il s’agit de l’inauguration du Mémorial de Vendée et non de l’Historial.
Nous étions 35.000 ce soir là !
Et nous avons sifflé Alain Decaux « qui ne savait pas les massacres de Vendée » !!!!
Mille mercis de nous donner l’ occassion de relire ce texte
admirable
Merci de nous redonner l’occasion de lire ce texte réfléchi et renseigné … Quel homme digne que Monsieur Soljenitsine !
Aussitôt une question se pose : Comment Monsieur Philippe de Villiers, Président du Conseil Général de Vendée (pas n’importe quel département !), peut-il : regarder ses troupes, les stimuler, les affermir dans leur Foi … s’il n’est plus, lui-même, fidèle à ses engagements, à l’éthique qui fut sienne à ses débuts, à la Foi qu’il affiche en allant à la Messe – je suppose, chaque dimanche, en famille – alors que, malgré tout, peut être par opportunisme, il partirait s' »encanailler » en répondant favorablement à « une proposition qui lui aurait été faite de participer à une comission de travail gouvernementale » en déclarant tout de go : « je n’ai jamais eu autant de voix que dans la majorité » …
Je croyais qu’il allait dire haut clair : « Je vais défendre nos Valeurs, celles inscrites dans le Kérygme, dans le Magistère et la Doctrine de l’Eglise … contre toute atteinte vis à vis de la Fille Aînée de l’Eglise et fondatrice de l’Europe »
Il est vrai que Sous-préfet de Vendôme (Loir-et-Cher), il n’avait fait qu’une demande de mise en disponibilité au lendemain de la victoire de François Mitterrand … et non pas tout quitter comme nous le racontent certaines belles images d’Epinal.
Certes, il nous faut des voix pour être (pas crédible … nous le sommes de facto de par les Valeurs que nous défendons) entendu, écouté, suivi … mais de là à vendre son âme …
Se souvient-on ou sait-on que l’ ADIMAD (Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française), qui maintient le souvenir de l’OAS, revendique Jacques de Villiers, son Père, parmi ses « camarades » disparus … comme impliqué en 1962 dans le réseau OAS-Ouest dirigé par le comte Horace Savelli (né le 27 novembre 1906 à Luçon en Vendée qui fut aussi fut un membre des Forces françaises libres puis un militant du mouvement national) ?
Mais où allez-vous vous fourvoyer Monsieur ? Que vont penser vos Ancêtres ? Seriez-vous devenu rodomont ?
Quelque proche pourrait-il proposer à Monsieur Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon, de bien vouloir expliquer à ceux qui jusqu’à aujourd’hui l’ont suivi pour que la France ne meurt pas mais rayonne sur l’Europe – voire le Monde – comme elle sut le faire en d’autres temps … comment on exerce le lobbying politique sans se déjuger.
Le courage de notre Saint Père Benoît XVI – qui fait cependant acte d’humilité et de confiance en ses ouailles pour leur demander de beaucoup prier avec ferveur afin de ne pas craindre les nombreux loups qui ne manqueraient pas de l’environner – n’est-il pas un exemple à suivre pour chacun d’entre nous et Monsieur le Vicomte ?