Dé-mythifier le Ramadan, ou ce qu’ « ils » en ont fait…..
D’Abdelwahab Meddeb, professeur de littérature comparée à Paris-X-Nanterre, animateur de l’émission Cultures d’islam à France-Culture:
« Ce jeûne n’appartient plus à l’exercice spirituel, à la discipline au sens fort du terme, qui mérite le respect…. Mais aujourd’hui, le jeûne est essentiellement un phénomène social. Que les gens jeûnent ou pas ne regarde qu’eux. Mais si c’est un jeûne coercitif, violent, et que celui qui jeûne méprise celui qui dé-jeûne, voire exerce sur lui une sorte de police des moeurs, il faut dire stop….Ce jeûne (ne) sert (qu’) à restaurer le pacte communautaire…. »
Bon, et alors, ne doit être considéré comme religieux que ce qui est individuel, l’aspect social de la religion étant méprisable? C’est au nom de ce principe que le catholicisme traditionnel a été déraciné. Faut-il absolument que nous exigions des musulmans qu’ils ingurgitent le poison du laïcisme et du modernisme que l’on nous a forcés à boire? Je me souviens de la fête de Pentecôte dans mon village de Haute Provence, et de son caractère profondément communautaire et traditionnel. C’était, selon moi, un temps fort de spiritualité collective, qui, à travers le sentiment religieux, rendait ses participants plus unis, plus amis et plus forts. Les musulmans ont encore cela, et nous devrions les inciter à le perdre? Il me semble qu’il serait plus digne et plus judicieux de chercher à retrouver ce bien irremplaçable que nous avons perdu: la religion de groupe. Non, contrairement à ce que l’on nous enseigne dès la maternelle, la religion n’est pas une affaire privée, elle est au contraire une fonction vitale de l’être social.
J’entends bien qu’il s’agit là d’un sourire du dimanche. Je ne veux donc pas jouer les trouble-fête.
Mais il est commode et commun de se moquer des autres; plus délicat – mais sans-doute plus profitable – de s’envisager soi-même. Jésus, déjà, avait du forger, à l’intention de ses premiers disciples, volontiers pharisiens, la parabole de la paille et de la poutre. Elle reste d’actualité, car le fond de l’âme humaine n’a pas changé.
C’est Jules Renard, je crois, qui, à propos du jeûne chrétien, écrit quelque part : « le vendredi, elle se privait de viande, mais pas de médisance ».
La remarque d’Antiquus sur la dimension communautaire de la religion, me rappelle l’analyse que Benoît XVI donne du Notre-Père, dans son Jésus de Nazareth. Il y fait observer de quelle façon Jésus enseigne à ses disciples comment prier Dieu le Père et comment Jésus s’adresse à Dieu : il le fait, en effet, à la 1ère personne du pluriel. Il dit « notre père » et non pas « mon père », parce que le fond même de la prière chrétienne est, non pas indiduduel, mais communautaire.
Me voici donc, sur ce point, d’accord avec Antiquus.
Bravo aux deux commentateurs précédents…
Ils ont parfaitement cerné le problème.
Les propos de Meddeb sont d’abord d’une stupéfiante stupidité et la marque d’une totale inculture religieuse totale!
Comment oser dire que le jeûne est d’abord « un phénomène social »…C’est d’abord la manifestation individuelle de l’observance de l’un des principes fondamentaux de la religion musulmane: l’in des cinq piliers de l’Islam! Il est évident que cette observance, dictée par la foi à chacun des membres de la communauté musulmane, conduit évidemment à renforcer les liens entre ceux qui la pratiquent: cela s’appelle vivre sa foi.
En d’autres temps où la France fut chrétienne, la vie sociale était émaillée de manifestations religieuses de groupe comme les communions dites solannelles, les pélerinages, les processions, sans oublier les grandes fêtes comme Noël et Pâques…Monsieur Meddeb va-t-il aussi s’émouvoir d’un communautarisme catholique le prochain 15 août?
Sans doute ignore-t-il, ou pire nie-t-il simplement, ce qu’est l’adhésion à la foi…
C’est d’ailleurs, à l’occasion d’une lettre adressés aux évêques ,ce que soulignait SS Benoît XVI il y a quelques mois: « Dieu à disparu de l’horizon des hommes »! Cette phrase a stupéfié nombre de commentateurs dont certains « chrétiens » qui n’ont pas compris ce message pourtant clair: le quotidien est aujourd’hui totalement étranger à la foi chrétienne et à ses manifestations. Les Chrétiens, ou ce qu’il en reste, ne vivent plus leur foi, ils ont perdu la foi…
Ce n’est pas encore le cas ces musulmans…
Aux chrétiens donc de rectifier le tir…ou de disparaître, ce à quoi s’occupent activement d’ailleurs certains groupes de pression…
Mais taxer une expression de manifestation de foi de communaitarisme est d’une rare stupidité!
« Quand on est plus de quatre, on est une bande de cons » (Brassens) (mécréant notoire). Et Sénèque : « Nous serons guéris, dans la mesure où nous nous éloignerons de la foule ». A leur suite, je déclare que je préfère encore essayer d’être intelligent tout seul que de me retrouver à coup sûr crétin en groupe.
Le regain actuel d’islamisme, dont on parle tant aujourd’hui, est d’abord un phénomène politique, un » produit » politique libellé dans une terminologie religieuse, ainsi qu’en témoignent les revendications de ceux qui s’en réclament.
Conséquence de l’échec historique des mouvements nationalistes laïcs dans le monde arabe, échec auquel ont
puissamment contribué les Etats-Unis d’Amérique à l’époque de la guerre froide, il est avant tout entretenu par des problèmes politiques non résolus, et appelle à ce titre une solution politique.
Plus généralement, il témoigne, non pas tant d’une hostilité envers la modernité que d’une frustration née de la difficulté d’y entrer.
Quant à l’ »islam des banlieues « , il n’est qu’un symptôme parmi bien d’autres de la crise identitaire qui caractérise notre époque.
Là encore, il ne faut pas s’y tromper : ce n’est tant le religieux qui fait retour en tel que tel, mais le désir d’identité qui se dote d’un habillage religieux, moins d’ailleurs pour faire sécession ou bande à part, ainsi qu’on le croit trop souvent, mais bien plutôt dans l’espoir de se faire reconnaître comme composante à part entière de la société globale.
Ces considérations demanderaient sans doute à être nuancées. On pourrait se demander, par exemple, si l’idéologie des droits de l’homme ne constitue pas la dernière en date des religions séculières.
Ce que veut dire Meddeb, ce n’est pas que la religion doit être seulement une pratique individuelle (ce serait en effet d’une rare stupidité); mais il pointe le fait que, comme toute pratique collective, le jeûne du ramadan donne lieu à un conformisme et à une hypocrisie, parfois à une forme d’exhibitionnisme, qui la détournent de son sens originel.
Cela rejoint les propos de Jesus qui stigmatisait déjà, à son époque, une observance vidée de tout sens spirituel. Ces dérives n’ont pu que s’accentuer à notre époque, où la société de consommation (la grande distribution, etc…) fait du ramadan (comme elle l’a fait de Noël) une « niche marketing » comme une autre, une occasion de dépenser et, paradoxalement, de se goinfrer.