Le Kybele, battant pavillon turc, est, finalement, bien arrivé à Marseille. Il s’agit là d’une Odyssée qui, on va le voir, mène loin, mais à tous les sens du terme…..
Le Kybele, c’est ce bateau, cette birème pour être plus précis, de 19m de long et 4m de large, qui se veut une réplique aussi fidèle que possible d’un navire antique (du moins, on nous l’assure…). Sa voile, montée sur un mat de 12m, mesure 7 m de haut et 12m de large. 20 rameurs ont relié l’actuelle Foça -l’antique Phocée- à Marseille, en longeant les 2.800 kilomètres de côtes et en s’arrêtant presque tous les jours, en ne s’éloignant jamais trop du rivage, comme le faisaient les Grecs de Phocée, il y a 2 600 ans; et sans autres repères que les courants, le vent, la course du soleil et celles des étoiles.
Bon, cela c’est la partie qui se veut officielle, consensuelle, politiquement correct -dirons-nous- de la chose. Car la réalité est un peu plus délicate. Ce bateau arbore fièrement son pavillon turc, ce qui est évidemment son droit puisque, de toutes façons, il est turc, comme son équipage. Le voilà donc accusé, par les représenatnts de la communauté arménienne, d’une « opération de charme qui, insidieusement, en usurpant l’image d’une Grèce civilisatrice, veut faire oublier celle d’une Turquie destructrice et conquérante, qui bafoue les droits des minorités ».
C’est vrai que les Turcs auraient dû s’en douter avant. Si l’entreprise a son côté scientifique non dénué d’intérêt, et même franchement intéressant, elle vous a aussi, furieusement, un autre petit côté provocateur qui aurait dû être mieux évalué par les dirigeants d’Ankara. Même si nous ne les apprécions guère, on peut accuser les Turcs de tout, sauf de stupidité. Pourquoi ont-ils donc fait cela ? Mais, après tout, c’est leur problème, qu’ils se débrouillent maintenant, avec leurs contradicteurs, arméniens et autres. Cela ne nous concerne pas outre mesure….
Mais pourquoi donc en parler, alors ? On y arrive.
Parce que, dans le flot de leurs critiques, les représentants français de la communauté arménienne, dont certains sont membres du Pays Légal, oublient que cette république idéologique française -qu’ils représentent, donc, pour partie- encourt elle-même le reproche qu’ils font aux Turcs. Qu’elle a commis -mutatis mutandis- le même crime, et qu’elle refuse elle aussi de le reconnaître !
Et, là, cela nous concerne.
Garo Hovsépian, maire socialiste des 13ème et 14ème arrondissements de Marseille (les fameux Quartiers nord…) a dénoncé dans un communiqué largement diffusé « …le négationnisme d’Etat exercé par la Turquie qui ne reconnaît pas le génocide des Arméniens de 1915… ».
Fort bien. Mais que fait le système actuel, le Pays Légal de cette république idéologique qui gère la France, et dont monsieur Hovsépian, et son parti, sont l’un des rouages ? Elle pratique allègrement « le négationnisme d’Etat » et ne « reconnaît pas le génocide des Vendéens de 1793/1794 ». Comment donc monsieur Hovsépian gère-t-il cette contradiction, malgré tout ahurissante ? Il va falloir qu’il nous l’explique ! En somme il reproche à la République Turque de faire ce que fait « sa » République (idéologique) Française ! A moins qu’il y ait des peuples ayant plus de valeur que d’autres ? Il faut s’attendre à tout avec des gens qui beuglent cette phrase ignoble -et objectivement raciste– « qu’un sang impur abreuve nos sillons ! » Monsieur Hovsépian pense-t-il vraiment -mais alors il faut qu’il le dise, haut et fort- que le sang des Vendéens est moins « pur » que celui des Arméniens ? Ou bien, dit d’une façon différente, qu’on peut génocider les Vendéens, mais pas les Arméniens ? On voit bien dans quelle contradiction insoluble, véritable gouffre sans fin, s’est enfermé monsieur Hovsépian, et le sytème qu’il représente, avec lui.
Pour nous, par contre, les choses sont parfaitement claires: nous dénonçons le négationnisme, le révisionnisme, le mémoricide dont s’est rendu et se rend toujours coupable la République française. Et nous remontons aux sources du mal, à 1789 et 1793, à la Révolution, fondatrice des Totalitarismes modernes.
Les réserves de Benoît XVI sur l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne
Erdogan et les chrétiens. Peu de promesses, aucun fait
Comme Erdogan, mais pas pour les mêmes raisons, toutes ces minorités religieuses comptent ardemment sur une entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Pour elles, cela comporterait la reconnaissance d’un espace de liberté que, dans le cas contraire, elles craignent de voir rester très limité.
Mais, en Europe même, leurs raisons sont peu prises en considération. Certains gouvernements, dont l’italien et l’allemand, sont favorables à l’entrée de la Turquie dans l’Union, alors que d’autres, comme le gouvernement français, sont contre. Mais les uns et les autres raisonnent en termes d’intérêt national. Les calculs sur les oléoducs et les gazoducs qui viennent des pays d’Asie centrale turcophones et musulmans à travers la Turquie passent avant ceux qui concernent la liberté religieuse.
Dans ce cadre, la position du Saint-Siège paraît elle aussi avoir un double visage.
D’une part, la diplomatie vaticane tient compte des attentes des catholiques et des autres minorités religieuses de Turquie, mais aussi des équilibres géopolitiques qui pousseraient à l’entrée de ce pays dans l’Union. C’est le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’état, qui a exprimé de la manière la plus explicite, dans une interview à « La Documentation Catholique » au début de 2007, cette orientation qui n’exclut prudemment aucune solution.
Ayant posé en préalable que l’Eglise catholique n’a pas de « pouvoir particulier pour favoriser l’entrée de la Turquie en Europe ou pour y opposer un veto », Bertone a déclaré dans cette interview que « sans la Turquie, l’Europe ne bénéficierait plus du pont entre l’Orient et l’Occident que ce pays a toujours constitué au cours de l’histoire. […] Par ailleurs, laisser la Turquie hors de l’Europe risque de favoriser le fondamentalisme islamiste à l’intérieur de ce pays ».
Mais, d’autre part, les autorités de l’Eglise sont également sensibles aux dangers d’un genre opposé que l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne pourrait comporter : non pas une intégration bénéfique de la Turquie dans l’Europe, mais une « catastrophe » pour un continent qui a abdiqué son identité chrétienne.
Pendant son voyage en Turquie, Benoît XVI n’a pas dit un mot à propos de l’entrée de ce pays dans l’Union Européenne. La presse internationale a interprété ce silence comme une approbation, confirmée par certains commentaires d’Erdogan après sa rencontre avec le pape. Mais rien ne fait penser que Joseph Ratzinger ait atténué, comme pape, les fortes réserves qu’il avait exprimées sur ce sujet avant d’être élu successeur de Pierre.
Ratzinger s’était exprimé à ce sujet dans deux interventions pendant l’été 2004. La première est une interview accordée à Sophie de Ravinel pour “Le Figaro Magazine” du 13 août :
“L’Europe est un continent culturel et non pas géographique. C’est sa culture qui lui donne une identité commune. Les racines qui ont formé et permis la formation de ce continent sont celles du christianisme. […] Dans ce sens, la Turquie a toujours représenté un autre continent au cours de l’histoire, en contraste permanent avec l’Europe. Il y a eu les guerres avec l’Empire byzantin, pensez aussi à la chute de Constantinople, aux guerres balkaniques et à la menace pour Vienne et l’Autriche… Je pense donc ceci : identifier les deux continents serait une erreur. Il s’agirait d’une perte de richesse, de la disparition du culturel au profit de l’économie. La Turquie, qui se considère comme un État laïc, mais sur le fondement de l’islam, pourrait tenter de mettre en place un continent culturel avec des pays arabes voisins et devenir ainsi le protagoniste d’une culture possédant sa propre identité, mais en communion avec les grandes valeurs humanistes que nous tous devrions reconnaître. Cette idée ne s’oppose pas à des formes d’associations et de collaboration étroite et amicale avec l’Europe et permettrait l’émergence d’une force unie s’opposant à toute forme de fondamentalisme ».
La seconde est un discours aux responsables de la pastorale du diocèse de Velletri, le 18 septembre :
« Historiquement et culturellement, la Turquie partage très peu avec l’Europe et l’englober dans l’Union Européenne serait donc une grande erreur. Il vaudrait mieux que la Turquie serve de pont entre l’Europe et le monde arabe ou forme avec ce dernier son propre continent culturel. L’Europe n’est pas un concept géographique mais culturel, qui s’est formé au cours de l’histoire, parfois conflictuelle, fondé sur la foi chrétienne. C’est un fait que l’Empire ottoman a toujours été en opposition à l’Europe. Bien que Kemal Atatürk ait bâti une Turquie laïque dans les années 20, elle reste le noyau de l’ancien Empire ottoman. Elle est donc très différente de l’Europe, qui est aussi un ensemble d’États laïcs, mais avec des bases chrétiennes, même si l’on tente injustement de le nier. Par conséquent, l’entrée de la Turquie dans l’UE serait antihistorique”.
En tant que pape, Benoît XVI a toujours montré qu’il avait à cœur, plus que le destin politique de la Turquie, le sort des chrétiens de ce pays et les efforts de réconciliation entre l’Eglise de Rome et le patriarcat œcuménique, avec lequel ses rapports sont excellents.
Cependant le Saint-Siège est aussi un acteur politique. Et en ce qui concerne l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne, il y a aussi, entre les pour et les contre, une voie moyenne que le Vatican paraît plus enclin à favoriser.
C’est celle que le cardinal Bertone a laissé entrevoir dans son interview, citée plus haut, à « La Documentation Catholique » : pas d’intégration totale de la Turquie dans l’Europe, mais sa participation uniquement au niveau économique.
E.S.M