Robert Solé a raison lorsqu’il écrit – dans l’excellent article qu’il consacre au dernier Finkielkraut (Le Monde du 28 août) – : « On connaissait le philosophe et le polémiste. On avait fini par oublier qu’Alain Finkielkraut était aussi agrégé de lettres modernes… »
Son dernier ouvrage vient nous le rappeler.
« Sans la littérature, la grâce d’un cœur intelligent nous serait à jamais inaccessible. Et nous connaîtrions peut-être les lois de la vie, mais non sa jurisprudence « , écrit Alain Finkielkraut en préambule aux neuf études littéraires de ce livre (1).
Tel est le postulat d’Alain Finkielkraut. Pour s’interroger sur les rapports de l’homme avec ce qui l’entoure, il a choisi neuf livres : La Plaisanterie de Milan Kundera, Tout passe de Vassili Grossman, l’ Histoire d’un Allemand de Sebastian Haffner, Le Premier Homme d’Albert Camus, La Tache de Philip Roth, Lord Jim de Joseph Conrad, les Carnets du sous-sol de Fédor Dostoïevski, Washington Square de Henry James, Le Festin de Babette de Karen Blixen.
Pour sa nouvelle grande œuvre personnelle depuis L’Imparfait du présent (Gallimard, 2002), Alain Finkielkraut nous redit combien, par essence, la littérature est essentielle au déchiffrement des énigmes du monde. Combien elle demeure le meilleur rempart contre les idées reçues et les certitudes. Combien les écrivains et leurs œuvres modifient nos existences, façonnent nos vies, réorganisent notre perception des êtres, des valeurs, du présent ou de l’avenir.
(1) : Un coeur intelligent, d’Alain Finkielkraut. Editions Stock, 288 pages, 20 euros.
Il y a deux Finkielkraut : Dr Finkiel et Mr Kraut.
Le premier est un philosophe conservateur qui se désespère de voir la culture s’éffondrer et l’école succomber à « vingt années de démagogies délirantes », animateur d’une des meilleures émissions de radio que l’on puisse entendre aujourd’hui.
Le second, défenseur inconditionnel de l’état d’Israël, qui nourrit la polémique par ses déclarations à l’emporte pièce.
Et alors ! ne sommes nous pas tous « double » à un moment ou à un autre… Même s’il est vrai que parfois, il irrite, dépassez vos réactions qui apparaissent » épidermiques ». Ne faut-il pas savoir toujours recentrer les problèmes afin de détacher ceux qui sont le plus urgent
A mon avis, Théo a plutôt raison et Thulé plutôt tort.
Thulé réduit Finkielkraut en le qualifiant de « philosophe conservateur », méchant mot, de connotation évidemment péjorative.
Je ne dis pas du tout qu’il faut suivre Finkielkraut à 100%. Mais, sur plusieurs sujets essentiels, pour la France et pour l’Europe, qui nous importent, je crois, plus qu’autre chose, il a souvent exprimé des positions fortes, dans le sens de la tradition française et européenne. Et pas seulement à propos de l’effondrement de l’école ou de la culture, à moins qu’on donne à ce dernier mot un sens vraiment très large.
Enfin, quoiqu’on pense en la matière, il est, à mon avis, inexact de dire que Finkielkraut est un défenseur inconditionnel de l’état d’Israël. Je l’ai, au contraire, entendu exprimer de fortes réserves sur la politique et le comportement de l’Etat Juif.
Curieusement, il me semble que c’est par ce qu’il a de plus étranger que Finkielkraut se rapproche de nous, et par ce qui nous est apparemment proche qu’il stagne dans le conformisme. C’est à la suite de son sionisme contrarié qu’il a, presque le seul, osé s’attaquer à l’antiracisme. En revanche, sa conception de l’Europe et de la France reste liée au message universel des lumières et il n’arrive pas à s’en détacher. Bien sûr, il combat le conformisme de la gauche et ses apories, mais il se montre, pour l’instant, incapable de remettre en cause l’homme abstrait et ses prétendus droits.
Effectivement Finkielkraut est un républicain, dont l’appartenance à été longtemps revendiquée à gauche.
Il défend l’école républicaine contre ceux qu’il appelle les « pédagogistes « , et le modèle assimilationniste traditionnel face au multiculturalisme.
Effectivement, Antiquus, « il se montre, POUR L’INSTANT, incapable…. » cette nuance est importante et méritait d’être relevée. Quant au commentaire de Thulé : que signifie exactement la dernière phrase ? Quel modèle… ?
C’est mon cher Théo, le modèle jacobin hérité des Lumières.
S’entend, bien sûr. Mais ce n’ était pas tout à fait ma question….