Sous le titre L’incroyable destin de Charles de Habsbourg, Jean Raspail consacre dans Le Figaro Magazine (1) un bel article au dernier ouvrage de Jean Sévillia, Le dernier empereur.
Perrin, 358 pages, 21,80 euros
Il a choisi d’évoquer lui-même avec passion ce personnage de Charles Ier dont, dit-il, « notre ami Jean Sévillia retrace avec passion la vie méconnue », après avoir écrit celle de Zita, son épouse, « l’impératrice courage ». Au point d’achever son article en se déclarant, lui, Jean Raspail, l’un « des sujets inconditionnels de l’empereur Charles Ier et de de l’impératrice Zita ». C’est ainsi qu’on l’aime, notre Raspail, et Dieu merci, il ne change pas….
Vers la fin de son article, il évoque cette paix séparée que Charles souhaitait sincèrement offrir aux Alliés, secondant en cela les efforts intenses de la papauté pour abréger la Guerre. Il ne sert évidemment à rien de refaire l’Histoire, et Bainville -on le sait- ne cessait de mettre en garde contre ce défaut : l’uchronie. Il n’empêche: on a pourtant bien le droit de pointer les préjugés anticatholiques et -donc- antiautrichiens dont Clémenceau, entre autres, était accablés, et qu’il fit passer avant le Bien Commun, non seulement de la France mais de l’Europe, et de la Civilisation. Et l’on a bien le droit de penser, et de dire, que cette attitude fut, au-delà du mesquin, suicidaire; et, pour un homme politique, au-delà de l’erroné, scandaleux.
Ecoutons Raspail :
« ….L’affaire est célèbre. C’est en Suisse, pays neutre, que va se tisser la trame. Emissaires occultes, fausses identités, entrevues secrètes, escaliers dérobés, complicités, trahisons, promesses vaines, lettres détournées, chausse-trapes et, dans l’ombre, les services de renseignements militaires des deux camps, acharnés à faire capoter le projet, sauf, peut-être, les services français -je le sais par mon père, qui, à Berne, les dirigeait et qui soutint tant qu’il le put le sefforst des princes de Parme (Sixte et Xavier de Bourbon-Parme, ndlr). Dès son arrivée au pouvoir, et avec l’appui du président Wilson, Clémenceau assassine cette paix séparée qui, en épargnant le vieil Empire, aurait sauvé des centaines de milliers de vies, preservé l’équilibre des Balkans et peut-être écourté la guerre. Tout cela par haine du catholicisme ! Il fallait que disparaisse à jamais du pouvoir, où que ce fût, la moindre trace de référence à Dieu…. »
(1) : Le Figaro Magazine, 29 août 2009, pages 72/73.
Le capotage de la tentative de paix séparée date de mars 1917, après la démission de Briand et la nomination d’Alexandre Ribot. Clemenceau n’est revenu aux affaires que 3 mois plus tard, et il a mis alors un terme fracassant aux tentatives de paix de l’Autriche..en publiant les lettres de l’Empereur Charles dans la presse, les communiquant donc à l’Allemagne. Mais nous savons aujourd’hui, ce que Sixte ignorait naïvement, à savoir que Ribot informait tous les jours Clemenceau de l’état des tractations, lequel les communiquait aux membres de l’Entente les plus hostiles à l’Autriche, en particulier le comte Sonnino pour l’Italie afin de torpiller la paix.
Le bilan de cette manipulation est lourd: 700.000 morts pour la France, les deux dernières années de la guerre ayant été particulièrement meurtrières, l’Europe centrale déstructurée, les 3 plus grandes monarchies européennes abattues, l’idéologie utopique des nationalités obstinément imposée dans le dépeçage des vaincus, dans le mensonge et les massacres. En cela, Sevillia et Raspail ont raison de voir dans la personne de Clemenceau un des hommes les plus malfaisants du premier quart du XX° siècle.
Cependant, ne nous devons-nous pas à nous-mêmes d’être lucides face à ces évènements? Ne perdons pas de vue qu’à cette époque là, le courant royaliste était plus fort qu’il ne l’a jamais été ; et qu’a t-il fait lorsque Sixte et Xavier sont arrivés à Paris? Maurras a-t-il soutenu cette tentative désespérée de sauver la vieille Europe? La vérité nous oblige à dire que non. Prisonnière de sa conception irréaliste du « compromis nationaliste », l’AF se borna à rester le « gendarme supplémentaire » de l’état républicain en guerre, attitude suicidaire à mon avis. L’AF alla même à la demande de Clemenceau jusqu’à s’entremettre avec le Duc d’Orléans afin de tenter une démarche de pure forme auprès du roi de Bulgarie, le but étant en fait d’effacer l’impression favorable de la tentative de Charles et Sixte. Bien plus, ce n’est pas à droite que Charles reçut des soutiens mais à gauche, côté socialiste. Anatole France écrivit à ce sujet des lignes pleines de dignité.
Par la suite, Maurras se sentit mal à l’aise au sujet de son rôle dans cette affaire, il écrivit des lignes de regret mais il était trop tard. En revanche, Léon Daudet resta jusqu’au bout fidèle au Tigre de la république.
Sans remettre en cause la révérence que nous devons à nos maîtres, n’est-il pas utile, quelquefois, de mettre en lumière leurs erreurs, afin de n’y plus tomber?
Le pape Benoit XV, répondant à une demande d’intermédiation de Charles 1er, avouait son impuissance en ces temes:
« Dans la situation internationale présente, celui qui décide de la paix et de la guerre, n’est ni l’Italie, ni l’Angleterre, ni la France, mais uniquement le Président de la grande République Américaine; lui seul peut imposer la conclusion de la paix comme le contination de la guerre…. »
Wilson, le voilà le véritable malfaisant, missionnaire illuminé, porteur de l’idéologie des lumières, principal bénéficiaire des retombées économiques de la guerre civile européennne.
Le texte de Benoît XV que vous citez, mon cher Sebasto, date de fin septembre 1918. La tentative de Sixte date, à ses tout débuts, de décembre 1916, dans les jours suivant la mort de François-Joseph. En 21 mois de guerre, la situation s’était aggravée de manière irréversible. La déclaration de guerre des USA date du 6 avril 1917. Cela dit, l’attitude de Wilson fut duplice et irresponsable, bien digne de la nouvelle Carthage.
Bonjour et merci. Vous m’apprenez bien des vérités, ou me les réapprenez. Merci d’insister et de nous ranimer la mémoire. Que Messieurs Raspail Jean et Sévilla Jean, également, soient remerciés comme vous l’êtes de tout coeur. En réelle amitié.
Madame Dujol Marie-Louise
A Antiquus.
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Eh oui , L’Action Française aurait du prendre des distances dès le début avec Clémenceau. La générosité des royalistes dans l’union sacrée n’a pas été payée de retour.
Quand je vois ces horribles vieillards, qui gouvernaient la France pendant cette période, tous républicains pur jus, Ribot Painlevé, Clémenceau , qui envoient avec jubilation la fine fleur de la jeunesse au carnage et au casse-pipe ils , me dégoûtent : secrète jalousie peu ragoutante de vieillard impuissants devant des rivaux nimbés de grâce., qu’il s’agit de faire disparaitre au nom d’une idéologie carnivore ? ( Voir à ce propos le livre de Jean de Viguerie , les deux patries.. ; )
A la décharge de Maurras,il faut quand même rappeler qu’il fut le seul en France à avoir soutenu moralement publiquement Benoit XV dans ses tentatives héroïques de paix en 1916 devant le déchainement médiatique déjà de la presse d républicaine et faussement patriotique alors que nos évêque lâchaient déjà en sourdine le pape….
Moralité les royalistes ne peuvent faire confiance à la loyauté des républicains dans un combat d’union sacrée à moins qu’ils se convertissent enfin à recourir au Roi. Ils ne peuvent servir l’Etat que sous un bénéfice d’inventaire permanent, ce qui n’ a pas été fait pendant la guerre de 14-18. Ils se sont pris au jeu . Bref les royalistes doivent cesser d’être les harkis de la république une bonne fois pour toutes !
Union sacrée uniquement pour le Roi, et non pour payer éternellement les dettes d’un régime défaillant, incapable de faire la paix et de nous préserver de la guerre. Et aujorud’hui d’intégrer qui que ce soit..
Quand à la guerre de 14-18, ce charnier héroïque, elle n’exige de nous qu’une immense piété filiale pour toutes ces victimes d’une guerre civile européenne suicidaire, et seule cette piété peut êtr e le fondement d’une nouvelle Europe, et non l’incantation aveugle à des idéologies fanées. et mortifères.. ;
Enfin dernier point la faute à Rousseau aurait pu mentionner le livre de François Fejtö, « Requiem pour un Empire défunt « , qui est un des premiers livres à avoir jeté un pavé dans la mare d’une histoire officielle muette sur ce point : le le sabotage minutieux par les s horribles gnomes, qui exerçaient le pouvoir pendant la première guerre mondiale devant les efforts de ceux qui voulaient voir la paix dans les yeux de leurs ennemis et qui jouaient une autre carte , celle de la civilisation.