Le lundi 7 Septembre 2009, Marianne 2 (le site de l’hebdomadaire Marianne) publiait un texte qui nous paraît juste pour l’essentiel.
Son titre annonce la couleur: En Irlande, votez oui, sinon gare !
Comme il est un peu long, nous vous l’avons mis en Pdf ( Marianne.pdf ) et nous en extrayons seulement les passages suivants….
« On en parle très peu en France, et pourtant dans moins d’un mois se jouera en Irlande un événement capital pour l’avenir de l’Union européenne. Le 2 octobre en effet, les électeurs irlandais sont appelés à revoter sur le Traité de Lisbonne, dans une version en tout point identique à celle qu’ils avaient rejetée par 53% des voix en juin 2008.Deux mots résument la campagne qui débute : dérive totalitaire. Il ne faut pas craindre en effet d’employer cette expression, la plus appropriée pour décrire le climat dans lequel les Irlandais vivent les semaines qui les séparent du scrutin.
L’existence d’un deuxième référendum serait déjà en soi suffisante pour pouvoir parler de dérive totalitaire. Lorsqu’on refait voter un peuple sur un texte à 100% identique à celui sur lequel il vient de s’exprimer, on n’est clairement plus en démocratie. Les partisans les plus zélés, ou les plus aveugles, de l’Europe de Bruxelles pourront toujours essayer de trouver une justification plus ou moins tirée par les cheveux. Du point de vue des principes démocratiques, il ne peut pas y en avoir. S’ils tolèrent ce genre de procédés, ils ne sont pas démocrates. C’est leur droit, mais ils doivent en être conscients.
La dérive totalitaire concerne également la campagne référendaire. Seul parmi les 27 de l’Union européenne à avoir eu la possibilité de s’exprimer par référendum, le peuple irlandais est soumis à une terrible pression des milieux eurocrates politiques, administratifs et financiers…
..Référendum après référendum (ils sont d’ailleurs de plus en plus rares), les pressions exercées sur les peuples européens pour qu’ils « votent bien » (et si possible du premier coup !) se renforcent, jusqu’à verser dans la dérive totalitaire pure et simple. Très clairement, quand il s’agit d’Europe, et parce qu’on touche à l’évidence au coeur de la machine, là où se prennent les vraies décisions, les peuples ne sont pas les bienvenus. »
On s’en fout des peuples. Ils ne savent rien, ils ne comprennent rien. Il faut d’urgence une Europe forte, unie, avec un exécutif et une force militaire valable. Après, on pourra conquérir les Barbares avant qu’ils ne nous bouffent. Les états d’âme des pantoufles irlandaises, je n’en ai rien à glander.
C’est vous, mon ami, qui ne comprenez rien: vous vous figurez avoir affaire à une Europe impérialiste et conquérante alors que l’ensemble auquel nous sommes sommés d’adhérer n’est qu’un marché ouvert sans aucune identité que le libre échange. Non seulement l’Europe n’empêche pas les « barbares » de nous dévorer, mais encore elle nous livre sans défense à toutes les invasions. Cette Europe a été fabriquée par les USA pour être leur instrument soumis. Je vous plains pour votre aveuglement.
L’opposition au traité de Lisbonne n’est pas en effet seulement le fait des « souverainistes »,hostiles à toute forme de supranationalité. Elle surtout de ceux qui ont beaucoup espéré de l’Europe, et qui croient même toujours à la nécessité d’une Europe politiquement unifiée, mais qui constatent que l’Union européenne, présentée comme une solution pendant des décennies, est aujourd’hui devenue un problème.
Ces derniers veulent une Europe qui soit à la fois une puissance autonome et un creuset de culture et de civilisation capable de jouer un rôle de régulation par rapport au processus de globalisation dans un monde resté multipolaire. Ils constatent que l’Union européenne, soumise à une idéologie purement fonctionnaliste, ne s’est dotée d’aucune souveraineté politique, économique ou militaire, qu’elle est incapable de mettre en oeuvre une politique indépendante et qu’elle se pose de plus en plus en simple zone de libre-échange alignée sur Washington. Ils veulent une Europe qui soit à l’écoute des peuples et qui les protège. Ils ont une Union européenne sans légitimité démocratique, qui interdit aux peuples de s’exprimer, les rend plus vulnérables et adhère sans aucune esprit critique à un système néolibéral qui les réduit à l’état de marchandises.
Le grand enseignement du vote irlandais est qu’il révèle une fois de plus l’ampleur significative du fossé qui sépare le peuple de la classe politico-médiatique toutes tendances
confondues. Comme en France en mai 2005, non seulement le gouvernement de Brian Cowen, mais tous les grands partis de droite et de gauche, ainsi que tous les grands syndicats liés aux partis, s’étaient prononcés en Irlande pour le « oui ». Et pourtant, ce sont les partisans du « non » qui l’ont emporté. Mais il y a aussi d’autres leçons à en tirer. La première tient dans le constat que le vote d’un petit peuple de quatre millions d’habitants (moins de 1 % de la population européenne) a suffi à bloquer l’imposante machine bruxelloise. Il est vrai que le peuple irlandais a résisté pendant sept siècles à la puissance anglaise ! C’est la métaphore du grain de sable. L’autre leçon, c’est qu’en Irlande , toujours comme en France en 2005, un « non de droite » n’aurait pas été plus capable de l’emporter à lui seul qu’un « non de gauche ». La victoire du « non » n’a été rendue possible que par l’addition des refus de droite et des refus de gauche. C’est une consécration supplémentaire des nouveaux clivages transversaux qui tendent aujourd’hui, sur un nombre croissant de problèmes, à se substituer au vieux clivage droite-gauche.