Poursuivons notre réflexion. Si le catholicisme souffre, et recule, il faut bien admettre que tout est en crise aujourd’hui, tout souffre et s’effrite, voire disparaît (le Parti communiste en sait quelque chose !….). Prendre du recul permet ainsi de relativiser un peu ce que l’on appelle -à bon droit, par ailleurs- la crise du catholicisme…..
Il est de bon ton, dans une certaine gauche (Michel Onfray, Philippe Val…) de dénigrer hautainement l’Eglise catholique, et de déclarer, péremptoire, que critiquer le christianisme c’est tirer sur une ambulance. Cette fraction de la gauche, hargneuse, sectaire et méprisante, ne représentant évidemment pas l’ensemble de la gauche, dans laquelle plusieurs personnalités font au contraire preuve d’un état d’esprit diamétralement opposé….
Mais revenons à nos libres réflexions, et à ce propos, ré-entendu pour la millionième fois à l’occasion de l’ « afffaire » de Massat et qui motive cette note : ainsi donc, le christianisme est mort en France (voir Massat, donc), et critiquer le christianisme c’est tirer sur une ambulance ? Mais ceux qui disent cela voient-il les choses comme elles sont en réalité ? Qu’est-ce qui s’est écroulé, tout récemment, dans un fracas cataclysmique, sinon le marxisme-léninisme, quintessence des idées révolutionnaires (on n’ose plus dire des idéaux…) ?
Le rejet de la révolution par la Russie, son travestissement caricatural par la Chine, sa pétrification pathético-guignolesque en Corée du Nord ou à Cuba, voilà ce qui devrait interpeller quelque part les tenants de la mort du christianisme ! Critiquer le marxisme, aujourd’hui, là oui ce serait tirer sur une ambulance ! Mais certains ne semblent pas avoir vu que le marxisme, donc la révolution, était mort . Ils préfèrent faire semblant -pour se rassurer ?…- de répéter que c’est le christianisme qui a disparu.
Good bye, Lenin ! Adios ! Wiedersen !
C’est leur droit. Mais force est de constater que, si le christianisme a beaucoup souffert de la lutte sans merci que lui mènent les Lumières et leurs avatars depuis le milieu du XVIII° siècle, l’Eglise elle, au moins , est toujours là. Affaiblie, certes, par rapport à « avant », et comment ne le serait-elle pas, après les coups qu’elle a reçu, auxquels aucune institution purement humaine n’aurait, à coup sûr, résisté ? Mais toujours là, et même conquérante ou, plutôt, re-conquérante.
« A bien y regarder, et nous aurons à y revenir -écrivions nous récemment (1)- il n’y a plus guère que le Pape, que l’Eglise Catholique, à tenir tête, héroïquement, au « bazar » qu’est le monde moderne, et à tracer, pour l’humanité toute entière, une autre voie que celles, avilissantes, du matérialisme sanglant des révolutions, ou du libéralisme doux de ce que nous nommons encore, par une singulière inconscience, le « monde occidental ».
Oui c’est la révolution qui est morte, pas le christianisme. Que certains méditent sur les deux photos ci-dessus, pathétiques, dérisoires et finalement grotesques, où l’on voit des statues de Lénine déboulonnées et s’en allant, pour où ? pour la fonte, pour la décharge ? Quelle dérision ! Tout ca, pour ca ! Et, ensuite, sur cette dernière photo, ci-dessous, reproduction de la couverture d’un livre récent:
On sait que les faits sont têtus, que l’Histoire se venge parfois et qu’elle peut être cruelle : la fameuse question de Staline, mais c’est inversée qu’elle se pose maintenant : « La révolution ? Combien de divisions ?….. »
(1) : Voir la note « Les matérialismes s’effondrent, les nuées se sont transformées en cauchemar….. Mais le Pape trace la voie….. » dans la catégorie « Politique et Religion ».
Encore une excellente analyse de la doctrine sociale de l’Eglise par Chrsitophe Geffroy.
« L’amour dans la vérité » : petite phrase qui a l’air de rien et qui, si l’on y réfléchit, résume au plus profond l’encyclique de Benoît XVI qui porte ce beau titre, Caritas in Veritate. Car c’est bien d’amour dont notre monde a besoin, mais un amour ancré dans la vérité concrète des choses, contre tous les relativismes actuels une fois de plus épinglés par le pape. Ce texte est fondamentalement un message d’espérance contre toutes les peurs qui nous gouvernent, principalement la peur des hommes et de leur trop grand nombre, la peur de manquer ! Dieu, créateur de la terre, a donné aux hommes la mission et aussi les moyens de maîtriser le monde qui nous a été donné : personne n’est de trop et chacun y a sa place. Il n’y a aucune fatalité ou loi inexorable qui empêcherait de nourrir et faire cohabiter pacifiquement la population du globe ; l’homme, aidé par Dieu, peut transformer ce monde en faisant progresser l’amour et la justice. « Cette espérance, écrit le cardinal André Vingt-Trois, se fonde sur une conviction : dans l’univers, l’être humain a une dimension particulière qui lui permet de n’être pas soumis à la domination mécanique des phénomènes, qu’ils soient naturels ou économiques et sociaux. Il assume cette dimension particulière dans la mesure où il reconnaît qu’il se reçoit dans une relation à un plus grand que lui, un Absolu, plus grand que chacune de nos existences » (1).
On est là au cœur de la dimension théologique de la doctrine sociale de l’Église que beaucoup omettent souvent. En effet, combien de fois n’a-t-on pas entendu demander, d’un air ironique, si cette doctrine sociale était une « troisième voie » entre libéralisme et socialisme ? Bien évidemment, elle ne l’est pas, tout simplement parce qu’elle ne se place pas au même niveau. Socialisme et libéralisme sont des systèmes politiques qui relèvent plus ou moins de l’idéologie en ce sens que l’expérience concrète ne leur sert guère de leçon. La doctrine sociale de l’Église s’appuie sur le réel – elle est donc accessible par n’importe quel non-croyant doué de raison –, mais aussi sur la Révélation. Autrement dit, cette doctrine sociale est incompréhensible si on la déconnecte de l’anthropologie chrétienne qui en est la base : l’homme étudié dans son cadre économique et social, n’est pas un individu isolé, c’est un être également spirituel, enraciné dans une culture et une patrie, une personne à la dignité inaliénable car créée à l’image de Dieu.
L’imposture est donc soit de tirer d’un côté la doctrine sociale de l’Église, du côté du libéralisme ou du socialisme selon les uns ou les autres – ainsi, Paul VI aurait plutôt penché du côté socialiste et Jean-Paul II du côté libéral ! –, soit de faire croire qu’il ne peut exister d’alternative entre le libéralisme et le socialisme, et qu’en conséquence, la doctrine sociale de l’Église, qui rejette en réalité très clairement l’un et l’autre dans leurs acceptions idéologiques, est une utopie qui ne pourra jamais voir le jour. Cette imposture s’appuie sur une confusion : faire croire que le principe du marché tel que l’admet l’Église, système qui est celui de la liberté d’initiative privée, se confond avec le capitalisme financier tel qu’il s’est développé aujourd’hui. Depuis Rerum novarum (1891) au moins, personne ne peut ignorer que l’Église a toujours condamné le libéralisme idéologique qui idéalise les vertus de la concurrence, affirme que les régulations sur le marché s’opèrent au mieux spontanément sans intervention de l’État, qui justifie le profit comme fin en soi et absolutise la propriété privée. Aujourd’hui, cependant, le système capitaliste a franchi une étape supplémentaire qui est celle de la « financiarisation » de l’économie : très concrètement, le libéralisme ne défend pas la liberté de création de la petite entreprise à taille humaine dont les propriétaires – les « capitalistes » – étaient également les dirigeants (voire bien trop rarement des salariés) ; plus il s’impose à l’échelle planétaire, plus les multinationales se développent et avalent les petites et moyennes entreprises. Ne subsistent peu à peu que de gigantesques multinationales aux activités multiples dont la seule logique est le rendement financier : qu’importent les hommes qui y travaillent, le métier et le savoir-faire d’une fabrique ou le lieu concerné, sans même parler d’un quelconque bien commun national dont elles se moquent éperdument, seul compte le taux de retour sur investissement et la rémunération des actionnaires (2).
Ce libéralisme-là est une plaie dont la crise financière de l’an dernier montre où il peut nous mener si on le laisse continuer selon sa logique propre. Il est une plaie également car il contribue à augmenter l’écart, scandaleux déjà, entre pays riches et pays pauvres, sans même parler des disparités qui augmentent également au sein même de nos nations développées. Dans ce contexte, Benoît XVI nous presse « à adopter de nouveaux styles de vie » (n. 52). Il va plus loin et propose une véritable révolution dans nos mentalités en délaissant « le binôme exclusif marché-Etat » : « Vaincre le sous-développement demande d’agir non seulement en vue de l’amélioration des transactions fondées sur l’échange et des prestations sociales, mais surtout sur l’ouverture progressive, dans un contexte mondial, à des formes d’activité économique caractérisées par une part de gratuité et de communion » (n. 39).
merci pour intiresny Dieu
Le Père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, a précisé que la première réunion, qui marquera le début du dialogue avec les lefebvristes, se tiendra dans la seconde moitié d’octobre. Il a confirmé les noms des experts qui se rencontreront: du côté du Vatican, il s’agit du Père Charles Morerod o.p., du Père Karl Josef Becker s.j. et de Mgr Fernando Ocariz Brana, Vicaire général de l’Opus Dei. Du côté de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Alfonso De Galaretta qui est l’un des évêques sacrés par Mgr Lefebvre.
Si l’on connaît de longue date les positions du Vatican, on connaît probablement moins celles de Mgr De Galaretta. Dans le numéro 121 de la revue « Iesus Christus », le prélat lefebvriste a tenu des propos qui permettent d’avoir une idée de la ligne qu’il voudra suivre.
Lorsque le journaliste de « Iesus Christus » a demandé à Mgr De Galaretta: « Quelles perspectives voyez-vous pour la Fraternité Saint-Pie X dans l’avenir? Un accord avec Rome? Une reconnaissance canonique? » L’Evêque lefebvriste a répondu: « Non, dans l’absolu, que ce soit à court terme ou à moyen terme. Nous excluons précisément cette possibilité. Nous savons que tant qu’il n’y aura pas un retour de Rome à la Tradition, quelque accord pratique ou canonique que ce soit est incompatible avec la confession et la défense publiques de la foi et signifierait notre mort. Dans le meilleur des cas, humainement parlant, nous en avons pour plusieurs années de discussions. »
En clair, Mgr De Galaretta accuse l’Eglise de ne plus être véritablement catholique: il ne voudrait y retrouver une place que pour la convertir – et avec elle convertir le pape Benoît XVI -.
Prions pour qu’à l’issue des discussions entre Rome et les lefebvristes – qui risquent d’être longues – Mgr De Galaretta puisse reconnaître, annoncer et enseigner que le seul moyen d’être sûrement dans l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique est de subordonner humblement sa pensée à celle du Magistère.
J’avoue mon étonnement à lire les propos de Sébasto, qui invite les lefebvristes à « subordonner humblement [leur] pensée à celle du Magistère. Est-il prudent, sur le plan de la société, de souhaiter la soumission à l’autorité papale des réfractaires au concile, les seuls aujourd’hui?
Ceux qui, comme moi, ont assisté à cet effondrement catastrophique que fut le concile Vatican II savent bien que le facteur politique au sens large (la position de l’Eglise dans le monde, contenue dans le schéma XIII) fut déterminant pour permettre et encourager toutes les déviances.
Alors je vous pose la question: qu’y a t-il de changé depuis cette époque là?
Certes, le pape Paul VI, vers la fin de sa vie, osa un « je n’ai pas voulu cela ». Bien sûr, Jean Paul II entreprit un ralliement après les laxismes. Et aujourd’hui Benoît XVI tend la main aux réprouvés de la veille. Saluons le bien bas!
Mais, pour autant, l’Eglise a t-elle renoncé aux erreurs de Vatican II? En aucune façon! Benoît XVI à l’ONU a réitéré l’an dernier toute l’adhésion de l’Eglise aux droits de l’homme jadis exprimée par Paul VI. Tant que les condamnations de la démocratie idéologique émises par Grégoire XVI, Pie IX et saint Pie X ne seront pas actualisées et renouvelées, tant que les textes pontificaux seront diamétralement à l’inverse du Syllabus, je revendique hautement le droit de ne pas avoir une absolue confiance!
Avons-nous refusé d’obéir à la condamnation inique que nous avait infligée Pie XI, qui faisait bon marché de notre fidélité dans ses tortueuses négociations avec Briand, pour « subordonner humblement notre pensée »? Ne comptez pas sur moi!
Mon Cher Antiquus, les traditionalistes expliquent leur défiance envers l’Eglise par la nouvelle orientation qu’elle a prise depuis le concile de Vatican II.
Si l’Eglise ne recrute plus, disent-ils en substance, c’est qu’elle a changé, qu’elle s’est ralliée aux valeurs du modernisme autrefois condamnées par le Syllabus.
Tout n’est certes pas faux dans les critiques des traditionalistes, mais c’est la perspective générale dans laquelle elles s’inscrivent qui passe à côté de la réalité.
Ces critiques vont contre l’histoire. Elles croient pouvoir s’épargner une analyse générale du moment historique qui montrerait que la situation actuelle de l’Eglise s’explique beaucoup plus par des causes extérieures que par une réorientation intérieure.
D’un point de vue strictement catholique : là où est l’Eglise de toujours, là où est le pape, là est également la foi véritable.
Mon cher Sébasto, j’espère que vous ne m’en voudrez pas si je traduis votre formulation en clair. Quand vous m’écrivez que « la situation actuelle de l’Eglise s’explique beaucoup plus par des causes extérieures que par une réorientation intérieure. »
Pour moi, cela signifie: la démocratie idéologique, née d’une interprétation protestante du christianisme, a désormais triomphé. L’Eglise catholique, qui a condamné pendant des siècles cette interprétation, ne peut plus le faire aujourd’hui car il faut respecter la réalité, n’est-ce pas? L’Eglise n’a t-elle pas toujours survécu en se ralliant au plus fort? Donc les papes, depuis Pie XII (eh oui!) se sont ralliés à ce qu’ils avaient condamné jusque là, et tu m’enjoins de suivre l’Eglise en adorant ce que j’ai brûlé?
Eh bien non! ne compte pas sur moi. Comme les députés des cortes d’Aragon qui juraient fidélité au roi s’il respectait leurs fueros, sinon, non, Je suivrai l’Eglise si elle m’aide à survivre collectivement, les miens et moi. SINON NON!
Mon cher Antiquus, chez les « traditionnalistes », pour lesquels tu brises une lance, beaucoup sont mal informés de leur propre histoire, ignorants de leur propre théologie.
S’affirmer tout à la fois héritiers de François d’Assise et de Torquemada, de Tertullien et de Thomas d’Aquin ne leur crée apparemment pas d’états d’âme !
J’ai tendance à penser, en effet, que beaucoup d’entre eux sont des païens qui s’ignorent. Ils aiment dans le christianisme des valeurs, des attitudes, des pratiques qui sont de toute évidence beaucoup plus païennes que chrétiennes.
Peut-être, mais être païen, c’est d’abord être religieux.
Tout à fait d’accord. Et je pense te rejoindre en disant que sous l’influence de la modernité et de l’idéologie libérale, on a assisté à la dissociation progressive de la société civile et de l’Etat et à la fin de la fonction structurante de la religion (et de l’Eglise) au sein de la société (Vatican II).
Dotée désormais du statut d’opinion (parmi d’autres), la religion a progressivement été transférée dans la sphère privée.
On peut le regretter mais c’est ainsi.
Cela, mon cher Sebasto, c’est un sophisme. En effet, si l’Eglise se contentait de formuler ses certitudes en conservant le voeu de retrouver un jour la complétude de l’Etat chrétien, je tomberais d’accord avec vous sur ce point. Mais là où j’exprime mon « non possum », c’est lorsque l’Eglise prétend adopter les certitudes de la société civile officielle, nous expliquer que ce sont en réalité des convictions chrétiennes (après les avoir anathématisées pendant mille ans) et que nous devons nous y rallier parce que ce sont celles d’aujourd’hui. Bien entendu je m’y refuse et je continuerai à dire que l’individualisme et l’universalisme temporel des droits de l’homme sont faux, néfastes et incompatibles avec notre survie collective, quelle que soit l’autorité qui assène cette contre-vérité. Mais bien davantage, je pense que ce ralliement est suicidaire pour la raison suivante: Si l’Eglise formule des dogmes privés (le credo, l’immaculée conception, etc..) auxquels on croit si l’on veut, puisque c’est privé, et des dogmes publics: la liberté religieuse, l’antiracisme, la démocratie, les droits de l’homme, auxquels nous sommes enjoints de croire, croyants ou non, il est bien évident que la balance n’est pas égale entre le dogme facultatif et l’obligatoire. A partir de là, le christianisme n’est plus notre religion mais la plus ancienne et la plus vénérable des ONG. Si c’est cette place que vous postulez pour l’Eglise, je vous la laisse.
L’affirmation des « droits de l’homme » vous apparait comme un principe révolutionnaire à l’égard de la tradition chrétienne, alors qu’ils ont été fondé eux-mêmes sur des principes chrétiens.
En déclarant admettre les droits de l’homme l’Eglise entend surtout reconnaître (et faire reconnaître) la part qui lui revient dans leur généalogie.
Elle n’en souscrit pas pour autant aux aspects qui demeurent à ses yeux contestables de leur formulation actuelle.
Comme l’écrit François Vallançon, « l’Eglise n’est pas plus pour les droits de l’homme que contre. Elle est favorable aux droits de l’homme quand ils sont bien et justement interprétés. Elle leur est hostile quand ils sont mal interprétés ».
Cher Sebasto,
J’appelle ce que vous énoncez un raisonnement tordu. Résumons: l’Eglise réclamerait des droits d’auteur pour les droits de l’homme, mais se réserverait le droit d’en contester des « aspects contestables ». Bon, mais quand et comment, de manière explicite, conteste-telle ces soi-disant droits? Et que signifie « convenablement interprétés » ? Foin des finasseries ! On interprète un texte qui a normalement un sens. En fait, elle se désintéresse des maux que nous apporte cette idéologie, qui est foncièrement néfaste. Le problème n’est pas de savoir si les hommes ont des droits, car aucune société, même la plus esclavagiste, ne peut faire l’économie de droits. Le problème est de savoir si les droits préexistent à la société ou non, et par conséquent si ces droits sont les mêmes pour toutes les latitudes et tous les temps, et s’ils passent avant toute autre contrainte.
Sur ce point, l’Eglise préconciliaire était fort claire: le seul droit imprescriptible de l’homme était le droit au salut. Croyez-vous vraiment que c’est en ce sens que les founding fathers et les constituants de 91 ont rédigé les déclaration des droits de l’homme? Si, comme vous le dites, ils ont été fondés sur des principes chrétiens, c’est à travers une affreuse déviation du christianisme, que les papes de l’ancienne Eglise ont condamnée avec horreur. Rien n’est plus pestilentiel qu’une idée chrétienne devenue folle.
Ce que vous appelez des « finasseries », vient de la difficulté de parler des droits de l’homme sans une conception précise de l’homme censé être porteur de ces droits.
En fait la « Déclaration » est acceptée par tous à condition que personne ne demande ce qui la justifie. La conception des droits de l’homme sur laquelle repose la théorie des droits relève non de la science mais de l’opinion. Ils n’ont pas été établis scientifiquement mais dogmatiquemet et de ce fait ils sont exposés à la critique.
Je ne vous le fais pas dire, cher Sébasto. Mais alors, si une tragique équivoque règne sur ce sujet, pouvez-vous me dire pourquoi les papes depuis Pie XII s’y sont compromis? J’ai souvenir avec colère des textes du concile, dont l’interprétation évidente par l’immense majorité des médias montrait l’Eglise ralliée à la démocratie idéologique, tandis que des commentaires à l’usage des cathos tradis nous serinaient que cette interprétation n’était pas la bonne, que les propos des évêques avaient été travestis. Un jour, dans une réunion de la Cité catho, j’ai jeté un pavé dans la mare en posant la question suivante: « le pape et les évêques ne savent-ils pas que leurs propos vont être travestis? Ils sont pourtant bien informés! » On pourrait admettre qu’ils se soient laissés surprendre une fois, mais cela fait cinquante ans que cela dure. En fait, ils savent parfaitement quel sens sera donné à leurs propos mais maintiennent volontairement l’ambiguïté. Comprenez, cher Sébasto, que l’on n’ait pas une absolue confiance! Et, pour en revenir à Mgr Fellay, qu’il manifeste quelque prudence avant de s’agenouiller.
Ce que vous appelez ambiguîté est peut-être du à la situation actuelle, qui représente le point d’aboutissement d’un long processus de sécularisation qui marque, selon Marcel Gauchet « , le passage dans un monde où les religions continuent d’exister, mais à l’intérieur d’une forme politique et d’un ordre collectif qu’elles n e déterminent plus ».
« Dieu ne »meurt pas, écrit encore Marcel Gauchet, il cesse simplement de se mêler des affaires politiques des hommes. Il s’éloigne. Il se retire dans un ailleurs où chaque croyant peut l’atteindre individuellement, mais un ailleurs qui ne communique pas avec l’ordre et les règles qui lient les hommes collectivement. Il n’y a pas disparition de la religion, mais sortie de l’organisation religieuse de la société, sortie de la compréhension religieuse de l’univers à l’intérieur duquel nous évoluons ».
Dans une société post moderne « sortie de la religion »,chacun est libre de se regrouper en églises, en chapelles, en sectes chrétiennes. La croyance devient ainsi une opinion parmi d’autres. La foi, passe « du statut de référence de la communauté à celui d’option particulière du citoyen » (Gauchet).
Sauf pour certains groupes traditionalistes minoritaires, peu représentatifs de la masse des croyants, l’idée même de société religieuse perd son sens.
Mais, Thulé, il n’est pas nécessaire d’être traditionaliste minoritaire, ni d’être chrétien ni croyant pour savoir que, mutilé de sa dimension religieuse, l’ordre social est déboussolé, le pouvoir perd l’essentiel de sa légitimité, et, ajouterai-je, la communion avec le monde devient impossible. C’est pourquoi, malgré un discours obsédant sur l’écologie, il est impossible d’arrêter l’enlaidissement et la dégradation de la planète. Pour pouvoir y remédier, il faudrait une religion qui intègre, de manière holiste, l’héritage commun à chaque segment de l’humanité. Ce n’est pas, dans une optique maffesolienne, un option particulière du citoyen qui peut jouer ce rôle.