La direction internationale -états-unienne- de l’équipementier automobile Molex a prévu de fermer fin octobre le site français de Villemur-sur-Tarn. Conciliation, médiation, rebondissements : le conflit dure depuis des mois.
Face à l’attitude offensive des salariés – soutenus en paroles par Matignon – , les dirigeants de Molex ont fait mine d’ouvrir des négociations avec un groupe disposé à reprendre le site. Des négotiations qu’ils ont, depuis, rompues.
C’est là qu’intervient le ministre de l’Industrie Christian Estrosi, et le ton nouveau, le discours nouveau que nous évoquons dans notre titre : le gouvernement étant prêt à financer intégralement le projet du repreneur, dit le ministre, « le seul obstacle est la position du groupe Molex qui, par son attitude particulièrement peu constructive ces derniers jours, bloque toute situation d’avenir pour le site ». Au cours d’un « nouveau contact très tendu » au téléphone avec Eric Doesburg (directeur du développement de Molex), le ministre a invité ce groupe à « négocier de bonne foi avec le repreneur afin d’aboutir à un projet de reprise validé par les deux parties ».
Pourtant fort libéral d’habitude, Estrosi va jusqu’à annoncer : « Toute autre attitude du groupe Molex serait inadmissible pour le gouvernement français, qui en tirerait alors toutes les conséquences, notamment en demandant officiellement aux constructeurs automobiles français de suspendre immédiatement toute commande de matériel incluant des produits fabriqués par le groupe Molex. »
Il faut bien avouer que, depuis des années, on n’entendait pas un tel langage, ni en France ni ailleurs. On aurait immédiatement mis sur la touche quelqu’un qui aurait osé émettre des propos pareils, immédiatement taxés de protectionnisme ou d’on en sait quoi; et on en lui aurait d’ailleurs même pas permis de gravir les échelons, jusqu’au ministériat. Ce sera, au final, l’un des points positifs de la crise, que d’avoir permis et favorisé le retour des Etats, raisonnant dans le cadre des Nations et du Bien Commun. Cette forme de retour au réel est, en soi, positive.
Reste bien sûr aux Etats, devant qui la crise ouvre un boulevard, à avoir la volonté durable, et surtout la force, de s’opposer vraiment à ce a quoi ils ont si longtemps laissé le champ libre.
Et là, on touche au problème institutionnel…..
Je citerai sans autres commentaires, ces quelques mots du philosophe Alain Badiou : « S’il existe une grande puissance impériale unique et toujours convaincue que ses intérêts les plus brutaux coïncident avec le Bien […]; si cet Etat livré à la démesure militaire n’a d’autre idole publique que la richesse, d’autres alliés que des servants, et d’autre vue des autres peuples que marchande, indifférente et cynique ; alors la liberté élémentaire des Etats, des peuples, des individus, est de tout faire, de tout penser, pour se soustraire, autant qu’il est possible, aux commandements, aux interventions et aux ingérences de cette puissance impériale […] Aujourd’hui, il ne saurait y avoir la moindre liberté politique, la moindre indépendance de l’esprit, sans une lutte constante et opiniâtre contre l’ imperium des USA »