Il faut être reconnaissants à Jean-François MATTEI, avons-nous dit, d’avoir écrit « Le regard vide – Essai sur l’épuisement de la culture européenne ». Et, en effet, il faut lire et relire ce livre, le méditer, en faire un objet de réflexion et de discussions entre nous. Il dit, un grand nombre de choses tout à fait essentielles sur la crise qui affecte notre civilisation – et, bien-sûr, pas seulement la France – dans ce qu’elle a de plus profond.
Ce livre nous paraît tout à fait essentiel, car il serait illusoire et vain de tenter une quelconque restauration du Politique, en France, si la Civilisation qui est la nôtre était condamnée à s’éteindre et si ce que Jean-François MATTEI a justement nommé la barbarie du monde moderne devait l’emporter pour longtemps.
C’est pourquoi nous publierons, ici, régulièrement, à compter d’aujourd’hui, et pendant un certain temps, différents extraits significatifs de cet ouvrage, dont, on l’aura compris, fût-ce pour le discuter, nous recommandons vivement la lecture.
-extrait n° 2 : page 18.
L’identité n’exclut ni ne confond …
L’identité humaine n’est pas un principe immuable comme en logique où A est identique à A, en ontologie où l’être est l’être, et en théologie où Dieu est Dieu ; elle est un mouvement dynamique d’intégration des singularités en un même espace symbolique que les protagonistes identifient sans difficulté. Je peux goûter la spécificité de la musique française, celle d’un Gounod, d’un Ravel ou d’un Debussy, sans la confondre avec la musique allemande d’un Schumann, d’un Beethoven ou d’un Mahler, et sans exclure celle-ci, sous prétexte de rester fidèle à celle-là.
Le regard vide – Essai sur l’épuisement de la culture européenne, de Jean-François Mattéi. Flammarion, 302 pages, 19 euros.
Ce passage du livre de J.F.Mattéi, est en effet au centre de la question de l’identité.
Toute identité, toute conscience identitaire, suppose l’existence d’un autre. Les identités se construisent par l’interaction sociale, si bien qu’il n’existe pas d’identité en dehors de l’usage qu’on en fait dans un rapport avec autrui. Mais cela signifie qu’autrui fait partie de mon identité, puisqu’il me permet de l’accomplir.
Il a publié récemment un article sur la pédagogie : La révolution copernicienne de l’enseignement.
Les articles de la revue ( n°2) : http://soseducation-leblog.com/2009/09/13/la-nouvelle-revue-de-l%E2%80%99education-n%C2%B02/
Je suis naturellement d’accord avec Thulé qui tire de ce passage du livre de J.F.Mattéi la conclusion que toute identité suppose l’existence d’un autre. Ce n’est, d »ailleurs, même pas une affaire de supposition : les choses sont ainsi depuis qu’il existe des sociétés humaines différenciées, c’est à dire, probablement, sinon depuis toujours, du moins depuis fort longtemps.
Cela signifie qu’autrui fait partie de mon identité, mais dans une certaine mesure seulement, sans quoi les identités confrontées les une aux autres finiraient par se confondre … Autrui fait sans-doute partie de mon identité mais seulement selon les modes fondateurs et les critères de développement de mon identité dans la longue durée. Et après un processus d’appropriation faute duquel, à terme, mon identité serait dissoute dans une ou plusieurs autres … La vie et la mort de toute identité dépend donc, toujours, tout simplement, de sa vigueur soit pour s’approprier (selon ses propres modes) soit pour rejeter ce qui lui vient d’autrui, en vue de son propre développement.
Du moins, c’est ce qu’il me semble.
Il sera intéressant, je crois, de suivre, dans les prochains extraits du livre de J.F. Mattéi, qui seront publiés ici, ce qu’il en pense et ce qu’il en dit.
A suivre, donc.