Dans Le Monde du 4 septembre, Véronique Maurus lève un coin du voile sur une partie du courrier des lecteurs du journal. Peut-on en inférer qu’un grand mouvement de libération des esprits est en train de se produire ? que l’opinion -du moins une partie d’entre elle…- se dégage lentement du bourrage de crâne quotidien du conformisme et du politiquement correct ?…
Gardons-nous d’un excès d’optimisme, et de prendre nos désirs pour des réalités. Il n’empêche, il s’agit certainement d’un signe, d’une indication. C’est encore insuffisant, mais les courts témoignages ou critiques de lecteurs que l’on va lire montrent que le matraquage quotidien des médias inféodés au politiquement correct a- heureusement- certaines limites.
Comme nous le dit laconiquement le lecteur qui nous envoie l’article, « On peut lire Le Monde sans être idiot ni même dupe ».
(« article » de Véronique Maurus)
« Des lecteurs racistes, xénophobes ou haineux, nous en avons, même si nous ne publions pas leurs courriers – ils écrivent d’ailleurs peu, hors des lettres anonymes. Ce ne sont pas de ceux-là qu’il s’agit ici. Mais de lecteurs ordinaires, aimables, ouverts, modérés, qui signent de leur nom et de leur adresse postale. Ceux-ci nous envoient, depuis quelque temps, des messages agacés et » politiquement incorrects « , souvent assortis de témoignages et de justifications, comme s’ils étaient vaguement embarrassés des opinions qu’ils expriment.
La lettre d’Henri Saviot (Lagos, Pyrénées-Atlantiques), » de plus en plus atterré par la pusillanimité des journalistes » du Monde, est représentative. » J’attribue cette attitude à leur vie parisienne dans un microcosme singulier où plus personne ne se souvient des principes simples de notre République, de la laïcité et de nos traditionnelles règles du vivre ensemble « , explique-t-il, avant d’ajouter : » Le « parler et le penser correct » semblent inhiber nos élites. Je m’étonne régulièrement de voir des mouvements aux buts louables (lutte contre le racisme, l’antisémitisme, pour la paix, etc.) ameuter à tout propos les médias consentants pour un fait mineur, voire des dires que nul n’aurait osé fustiger il y a une vingtaine d’années. En revanche, si un fait de société déplorable est le fait d’une communauté particulière, il est de très mauvais goût de vouloir l’évoquer. «
Le comble de » l’agacement » de notre lecteur » a été atteint avec l’affaire dite de la burqa « . Le journal, dit-il, » nous a expliqué en substance dans un éditorial – du 30 juillet – : elles ne sont que 467 !… surtout ne faisons rien (sous-entendu, n’appliquons même pas les lois déjà édictées)… ne stigmatisons pas nos musulmans, ce sont de grands modérés… «
M. Saviot a été rasséréné par la publication, le 14 août, d’une tribune de Nathalie Heinich, » La burqa, les sophistes et la loi ; les lois existent déjà, appliquons-les ! » » Peut-être y a-t-il encore des intellectuels capables de nous rappeler clairement à nos devoirs de respect vis-à-vis de notre universalité « , conclut-il.
Un soulagement similaire est exprimé par Gaston Meunier (Sainte-Savine, Aube), qui salue la » mise au point sans complaisance de Mme Heinich « , et cite Montaigne (les Essais) : » Car c’est la règle des règles, et générale loi des lois que chacun observe celles du lieu où il est. «
Hugues Hotier (Prades-sur-Vernazobre, Hérault), lui, » a vu des burkinis dans la piscine du Center Parcs de Chamouille « , près de Laon (Aisne). » Cela ne s’invente pas « , note-t-il, avant de narrer la scène et d’en tirer la leçon : » Chacun est libre de se conformer dans sa vie privée aux préceptes de sa religion. Mais pour la gestion de son espace public, la société doit raison garder et ne pas accepter de se soumettre aux exigences de l’irrationnel. «
Le thème de la burqa (et sa variante burkini) a inspiré beaucoup de réactions de la même veine. Ce ne sont pas les seuls motifs de crispation.
Depuis deux mois, tout y est prétexte. Une sexagénaire fauchée par une moto de la garde républicaine sur le Tour de France : » Cette spectatrice n’étant pas issue d’une « communauté » issue de l’immigration, la compétition a pu se poursuivre sans incidents ni manifestation, ni dénonciation de la sauvagerie raciste des gendarmes par la famille, ni mise à feu de véhicules ou de centre commerciaux « , relève Alain Vauzanges (Fort-de-France, Martinique).
Des exactions commises à Royan par une bande venue de la banlieue parisienne : » Progressivement, les voyous ont été transformés en victimes de la société dans l’opinion publique, commente Jean-Marc Mercier (Paris). Le sentiment de culpabilité a ainsi été atténué. On ne vole plus, on choure. Incendier une voiture, un commerce ou des villas, est un acte traduisant une frustration sociale. «
La suspension du préfet Paul Girot de Langlade, soupçonné de propos racistes, a nourri une nouvelle salve de remarques. » Raciste, le préfet ?, s’interroge Gérald Cursoux (Chambéry, Savoie). Il aurait pu dire « petit con », ça lui aurait évité de se faire traiter de raciste. Sans qu’il se soit expliqué, il est condamné. L’opinion est prise à témoin. A elle de dire le vrai. » » En ce qui concerne les gens du voyage, M. Girot de Langlade n’a évoqué qu’une certaine réalité (…). J’ai le sentiment que vous souffrez vous-même, en refusant de regarder les choses en face, d’une maladie fort répandue, une légère schizophrénie « , ajoute Alain Pierreville (Montpellier).
Philippe Decup (Antibes, Aude) alimente le débat d’une anecdote personnelle : » Il y a quelques jours, à la poste, ma fille, infirmière, voit une personne (BCBG) injurier l’employée qui refusait de lui remettre une lettre recommandée car elle ne lui était pas destinée et ce sans procuration (…). Ma fille n’a pu s’empêcher de lui dire, de façon courtoise, que la postière n’y était pour rien. Folle de colère, cette dame l’a abreuvée d’injures et l’a traitée de « sale Blanche ! » en crachant par terre. Ex-visiteur de prison bénévole, j’ai dialogué toutes les semaines avec des jeunes détenus issus de l’immigration, j’ai été confronté à toutes sortes de souffrances, mais je n’ai jamais perçu autant de haine. «
Effet pervers de la crise ? Il serait hâtif de conclure que nos lecteurs se sont massivement convertis aux antiennes du Front national – subtilement récupérées par le pouvoir. Ces messages n’expriment ni violence ni rejet. Tout au plus de l’irritation contre le » politiquement correct « , dont Le Monde est depuis toujours le symbole – à tort ou à raison.
» La burqa est peut-être la goutte qui fait déborder le vase des incivilités calculées, note Serge Jardiné (Saint-Germain-en-Laye, Yvelines). Pas de quoi fantasmer. Il n’y a pas de complot islamiste en France. Juste une manière de se compter, en agaçant au passage le tigre de papier de la laïcité à la française. Des petits coups de canif anodins dans un consensus civique toujours fragile. «
Tout se passe comme si l’affaire de la burqa avait libéré certains de nos lecteurs, les autorisant à exprimer un ras-le-bol longtemps celé, contre le communautarisme et ses excès. A les lire, l’humanisme, jugé naïf, n’est plus de saison. Faut-il pour autant renoncer à défendre ses valeurs ?
Je ne sais pas si vous remarquez, mais le journaliste du Monde se garde bien de remettre en cause l’inquisition antiraciste, l’indifférentialisme dogmatique et pédagogique, la censure de l’information « qui pourrait conduire à une opinion peccamineuse ». Non, il ne renonce pas à sa fonction de directeur de conscience, bien au contraire. En revanche il oriente avec habileté l’irritation des lecteurs vers le « communautarisme ». A nous de déjouer sa manoeuvre et de refuser de nous laisser manipuler.
Oh qu’elle en gentille la petite dadame… Quan dle Monde parlera-t-il des émeutes communautaristes à Bruxelles ? On va se réveiller dans la douleur, je vou sle dis !