Le 8e prix du Roman Fnac a été attribué à Yannick Haenel pour son livre intitulé «Jan Karski» (Gallimard). C’est ce qui nous a valu l’intéressant article de Gilles-Martin Chauffier, dans Paris Match, que nous reproduisons ci-dessous.
On va voir que ce Prix va beaucoup plus loin qu’un simple Prix littéraire. Mais commençons par le commencement, et par parler un peu du livre d’Haennel…
Jan Karski, résistant polonais, qui tenta en vain d’alerter les Alliés sur le sort réservé aux juifs par les nazis, publia ses Mémoires en 1944. Quelque 40 ans plus tard, en 1985, il sortit du silence et apporta son témoignage dans le film de Claude Lanzmann, «Shoah».
C’est ce personnage dont s’est emparé Yannick Haennel.
Et voici ce qu’en dit Gilles-Martin Chauffier:
Paris Match, du 20 au 26 août 2009, la chronique de Gilles Martin-Chauffier, Morceau de Shoah.
« Dans un des romans les plus attendus de la rentrée, Yannick Haenel s’empare du destin de Jan Karski, qui tenta en vain de mobiliser les Alliés contre le génocide des Juifs. Depuis « Les Bienveillantes », l’Holocauste se serait-il transformé en bête à Goncourt ?
A l’automne 1942, un homme a prouvé que le monde n’avait pas de conscience. Envoyé par la résistance polonaise et mené par ses dirigeants dans le ghetto de Varsovie, Jan Karski a quitté la Pologne le 11 septembre et, arrivé à Londres le 28 novembre, a informé les plus hauts dirigeants anglais et américains de la réalité et de la monstruosité du programme nazi d’extermination des Juifs d’Europe. Il a alors vu la vérité chassée, comme un moustique importun. On ne l’a pas écouté. On l’a écarté. Et il a disparu du paysage. Puis des mémoires.
Or le voici de retour en grand équipage avec, derrière lui, la vénérable maison Gallimard toute frémissante d’une prometteuse appréhension. Et si aujourd’hui le « roman » de sa vie empruntait el même itinéraire éditorial que « Les Bienveillantes » ? A l’automne, ces temps-ci, un détour par les camps de la mort ne déplait pas aux jurés du prix Goncourt. Pourquoi pas d’ailleurs ? Comme Jonathan Littell, il y a trois ans, Yannick Haenel s’avance avec audace et anti-conformisme sur le terrain miné de la Shoah. Sauf que « Les Bienveillantes » étalaient leur cynisme apocalyptique sur des centaines de pages tandis que « Jan Karski » commence page 115 pour s’achever page 186.
Yannick Haenel, Jan Karski.
Gallimard, 192 pages, 16,50 euros
Le premier chapitre est un long résumé de l’intervention de Jan Karski dans « Shoah » de Claude Lanzmann. On n’est jamais assez prudent avec ce fameux metteur en scène quand on aborde les terres de l’Holocauste, dont il semble avoir déposé le copyright. Mais ce n’est pas du roman. Pas plus que le deuxième chapitre qui répète le premier et le complète en résumant le livre de Jan Karski paru aux États-Unis en 1944 sous le titre « Mon témoignage devant le monde ». Reste alors le troisième et dernier chapitre, soit un petit ouvrage de soixante-dix pages qui n’a rien d’un roman et tout d’un réquisitoire génial où Haenel, d’un revers de plume, chasse les mensonges officiels avec le calme de l’évidence.
Se mettant dans la peau de Karski hanté par le remords de n’avoir su mobiliser le monde, il revient sur l’indifférence de la haute administration anglaise dont l’alphabet complet de la commisération allait de A à B. Ensuite, surtout, il revit son odieux face-à-face à la Maison-Blanche avec un Roosevelt picorant dans son plateau-repas, réprimant ses bâillements et digérant en même temps son bacon et l’extermination des Juifs d’Europe. Alors, se rappelant ces conférences innombrables, Karski explique comment le meilleur moyen de le faire taire fut de le laisser répéter ad mauseam son message. Bientôt, on ne l’entendit plus, et, quand les camps furent libérés, on organisa Nuremberg pour maquiller le silence des Alliés sans que personne ne soulève la question de leur passivité. En 1945 on n’a pas seulement libéré l’Europe; on a aussi enterré les dossiers.
Pourquoi Haenel ressuscite-t-il aujourd’hui ce « juste » ? Mystère. Il pourrait aller au Darfour, au Rwanda, en Palestine ou en Corée du Nord où les mêmes silences produisent, soixante ans plus tard, les mêmes effets. Mais c’est un vrai français: il préfère inviter à nous frapper la poitrine pour un crime accompli. On est ainsi. Toujours à regarder le présent dans le rétroviseur. Et cela pourrait marcher: malgré l’air solennel et endeuillé d’un livre qui sonne le glas ce seront peut-être les notes allègres du carillon qui sortiront du clocher Gallimard pour saluer des larmes bouleversantes transformées en encre.
Et maintenant, notre rapide commentaire…
En somme, et si les mots ont un sens, tout ceci nous amène bien à une conclusion, très politique, de réhabilitation de Pie XII. Le seul qui, alors qu’il n’avait pas d’armée, pas de puissance matérielle comparable à celles des autres chefs d’Etat de l’époque, a finalement fait beaucoup, et en tout cas tout ce qu’il a pu, là où les autres –qui savaient, c’est ce que montre bien Yannick Haennel- n’on rien fait; ou ont laissé faire, pris par la guerre –diront leurs défenseurs, qui feront peut-être valoir qu’ils ne pouvaient pas, qu’ils étaient, justement, pris par la guerre contre une puissance colossale….
Mais, au moins, ces chefs d’Etats qui savaient et n’ont rien fait, n’auraient-ils pu empêcher -en la dénonçant comme ignominieuse-que ne se développe la scandaleuse campagne anti Pie XII (genre Le Vicaire et autres calomnies bassement diffamatoires…) ? Une campagne où le mensonger le dispute à l’odieux, puisque dirigée, finalement, contre le seul qui a agi ? Évidemment dans la mesure de ses moyens matériels, très limités.
Nous verrons dimanche prochain un document intéressant, surprenant pour certains, et qui va dans ce sens (à suivre, dimanche 18…)
Henri sur Journal de l’année 14 de Jacques…
“D’abord nous remercions chaleureusement le Prince Jean de ses vœux pour notre pays et de répondre…”