Nous avons, en son temps, relaté la cérémonie au cours de laquelle le Comte de Paris a reçu, des mains de Nicolas Sarkozy, les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur, à titre militaire. Nous complétons aujourd’hui cette première note (du 21 mai 2009, que nous repassons ci-après) en reproduisant le discours de l’Allocution prononcée pour l’occasion par le Chef de l’Etat.
Il n’est en effet pas inutile de revenir sur cette allocution, et de réfléchir un peu sur le sens des paroles que le President a adressées au Chef de la Maison de France. En se souvernant que Nicolas Sarkozy n’était nullement obligé de dire ce qu’il a dit là, et qu’il aurait pu, soit confier ce rôle à l’un de ses subordonnés, soit se cantonner dans des généralités protocolaires. Or, les mots ont un sens, et si -bien évidemment…- parler n’est pas tout, il n’en demeure pas moins que -et c’est le cas ici- parler de cette façon, avec ces mots, ces témoignages de respect, c’est déjà, en soi, une forme d’action…
Une autre réflexion, bien différente: il est piquant de constater que ces paroles illustrent bien le paradoxe de Nicolas Sarkozy : il est lui-même dans son époque et de son époque, qui oublie ses racines au même moment ou elle en redécouvre le besoin…..
I : Le Comte de Paris promu Chevalier de la Légion d’Honneur, à titre militaire….
Nous vous l’annoncions dans notre reportage feuilleton consacré au mariage du prince Jean et de Philoména: le Comte de Paris, Chef de la Maison de France, devait recevoir, le 18 mai 2009, la Légion d’Honneur, à titre militaire, des mains du Président Nicolas Sarkozy.
Lorsqu’il était encore le Comte de Clermont, Henri d’Orléans avait déjà reçu la croix de la Valeur Militaire, en 1959, après avoir servi durant de nombreuses années dans les rangs de la Légion Etrangère. Il avait reçu le baptême du feu lors de la Guerre d’Algérie.
Il n’est pas rare qu’une telle distinction soit remise, à titre militaire, à un membre de la famille d’Orléans. Servir, et dans le cas présent servir dans l’Armée française, est en effet une tradition bien ancrée dans cette famille. Le dévouement et l’esprit de sacrifice militaire y ont souvent été poussés jusqu’à l’héroisme, et parfois même jusqu’au sacrifice suprême, comme ce fut le cas pour le Prince François, l’un des onze enfants du précédent Comte de Paris, et donc frère de l’actuel Comte de Paris, mort pour la France en Algérie en 1960, près du village de Michelet…..
Nous présentons nos félicitations au Chef de la Maison de France pour cette distinction qui vient de lui être attribuée, et nous nous associons pleinement à la joie de sa Famille.
II : Allocution du Chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy.
Monseigneur, Madame, Mesdames et, si vous me le permettez, chers amis,
C’est un plaisir, mais plus encore un honneur, de vous accueillir ce soir au Palais de l’Elysée, ainsi que votre famille, pour vous remettre, Monseigneur, les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire. Vous êtes né, Monseigneur, en 1933 en Belgique. A cette époque, depuis 1886 et jusqu’en 1950, la loi française frappait d’exil le chef de la famille de France et son fils aîné. Toute votre enfance, vous la passerez loin de votre pays, en Belgique, au Brésil, au Maroc, en Espagne et au Portugal, au gré des lieux de résidence de votre père et des évènements tragiques qui secouèrent l’Europe et le monde jusqu’à ce que vous ayez l’âge de 12 ans.
En 1947, par un décret spécial du Président Vincent Auriol – la loi d’exil n’a pas encore été abrogée –, vous êtes autorisé à séjourner en France pour y faire vos études. Vous les ferez à Bordeaux, puis à Paris en sciences politiques.
En 1957, vous rejoignez l’armée et, comme tous les jeunes garçons de votre génération, vous partez en Algérie : c’est le début de votre carrière militaire.
Vous vous illustrez à plusieurs reprises : en novembre 1958 dans la région de Constantine ; le 20 février 1959 dans celle de Morsott ; et surtout, en mars de la même année, près de Châteaudun -du- Rhumel, où votre intervention permet de surprendre et de mettre en déroute une bande rebelle importante. Vous serez cité à l’ordre de la division pour cet exploit. Tous ceux qui vous ont vu servir en Algérie ont en mémoire votre sang-froid, votre courage, votre engagement.
Revenu en France, vous restez au cœur du conflit algérien en coordonnant les services de renseignement pour le compte du Secrétariat général de la défense nationale. Après les accords d’ Evian, vous rejoignez le cinquième régiment de hussards en Allemagne ; puis, de 1963 à 1968, vous serez officier-instructeur à la Légion étrangère. Vous effectuerez à cette occasion une dernière mission en Afrique du Nord.
Vous êtes resté très attaché à la famille des légionnaires, aux hommes que vous y avez croisés, et plus globalement à l’armée dans son ensemble et à ce qu’elle représente pour la Nation. La distinction que je vous remettrai dans quelques instants vous a été décernée à titre militaire : c’est une précision qui, à vos yeux, revêt une importance particulière.
Vous entamerez ensuite une carrière civile : au Crédit lyonnais pendant six ans ; puis avec votre propre entreprise à compter de 1974, pour aider nos PME et nos PMI à l’exportation.
Très vite toutefois, vous consacrerez une bonne partie de votre temps à des activités d’intérêt général
, fidèle en cela à l’histoire de votre famille, qui a toujours eu à cœur de servir la France et les Français.
En 1981, vous créez le Centre d’Etudes et de Recherches sur la France Contemporaine, une association qui deviendra, en 1999, l’Institut de la Maison Royale de France. Son but est de réunir des personnes de toutes sensibilités, de toutes situations, de toutes confessions, dans une grande exigence de tolérance et de respect pour l’identité et l’expérience de chacun. Dans le cadre de cette activité, vous effectuez de nombreux déplacements et vous allez à la rencontre des Français, quelle que soit leur condition, quelle que soit leur origine.
Vous êtes l’auteur de plusieurs ouvrages, dont la principale ligne directrice est une réflexion inquiète et critique, et en même temps exigeante et généreuse, sur notre pays, notre civilisation, les menaces qui pèsent sur elle et les ressorts qu’il conviendrait de mobiliser pour inventer une autre manière de vivre, plus solidaire, plus harmonieuse, et plus conforme à ce que vous estimez être la nature spirituelle de l’homme.
Vous êtes également peintre et vous avez publié, il y a quelques années, un recueil de vos peintures consacré à la France, cette France que vous aimez profondément.
Monseigneur, il n’est sans doute pas facile de naître avec « l’histoire en héritage », pour reprendre le titre de l’un de vos livres, que vous avez publié en 2004.
Vous n’avez jamais caché les souffrances endurées du fait de votre enfance en exil, des rigueurs de votre éducation, de l’autorité de votre père. Votre famille a connu de grandes douleurs, ainsi que des divisions. Elle a connu plus encore, et vous-même particulièrement, la calomnie, le mensonge, les rumeurs.
Loin de vous enfermer dans le ressentiment ou dans l’amertume, vous avez transformé ces épreuves en une vie de tolérance, de respect, de générosité, d’humanité. Parce que vous savez ce que c’est que d’être jugé, vous ne vivez pas dans le jugement des autres, mais dans la compassion et la compréhension.
Depuis la mort de votre père, vous êtes le chef de la famille de France. Votre action s’illustre par une volonté de réconciliation et d’apaisement qui vous honore, et dont je suis sûr qu’elle portera des fruits.
En ces temps de crise économique, où tant de gens se tournent vers l’Etat, la République n’oublie pas ce que l’Etat doit à vos ancêtres.
Ce sont eux qui, les premiers, en firent le socle de la Nation. Ce sont eux qui le dotèrent d’une organisation, d’administrateurs et de principes fondamentaux. La France a connu beaucoup de régimes politiques depuis 1789, mais jamais elle n’a renié cet Etat patiemment construit au long des siècles.
La France n’a pas davantage renié l’immense héritage intellectuel, culturel, politique, patrimonial, artistique, qu’ont légué à la Nation ces « quarante rois qui, en 1000 ans, firent la France » ; en particulier ceux de la dynastie capétienne, dont vous êtes héritier, et qui, de loin, ont dominé l’histoire de la monarchie française.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si votre fils, le Prince Jean, s’est marié il y a quelques jours à Senlis, là-même où Hugues Capet fut choisi comme roi, en 987, avant d’être sacré à Noyon.
Et c’est pourquoi, je suis heureux, mais également fier, comme je l’ai dit au début de ce discours, de vous remettre ce soir, Monseigneur, les insignes de chevalier de la Légion d’honneur.
Nicolas Sarkozy
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