Développement durable au Sénégal.
L’eau vive des Carmes (1), par Sophie Le Pivain (1/2).
(Pour accéder au site: http://www.carmel.asso.fr/Couvent-de-Kaolack.html ou http://www.lescarmesausenegal.org/ ).
Onze heures et demie. La réunion prévue à neuf heures du matin peut enfin commencer. Les derniers villageois prennent place nonchalamment dans la salle aux murs blancs. Des chaises circulent de bras en bras pour asseoir la soixantaine de personnes.
Des femmes aux boubous multicolores sont assises sur une natte tressée. En ce mois de février, elles ont fait plusieurs kilomètres à pied par plus de 35°C, leur bébé bien accroché dans le dos, pour représenter leur village à la rencontre d’aujourd’hui.
Malgré les quelques quarts d’heures de retard, tous les regards sont vissés sur les intervenants, qui s’expriment en wolof. L’évènement est de taille pour ces habitants de Goundiour Saloum, Keur Galllo Diawo, Kossi Tiamene, Keur Diarra Peul, Keur Diarra Bambara, Bill Peul et Bill Bambara, sept villages peuls musulmans de la région de Ndiaffat, au sud-est de Dakar, la capitale du Sénégal. Il s’agit d’élire le comité de gestion du forage qui permettra bientôt d’acheminer l’eau de trois cents mètres de profondeur jusqu’aux bornes-robinets déjà construites au beau milieu des cases, dans chacun des villages, ainsi qu’aux abreuvoirs.
« Ici, la meilleure façon de parler du Christ c’est d’apporter l’eau ».
De quoi changer la vie des habitants de cette région quasi désertique dans laquelle ne tombent que six cents millimètres d’eau par an, au cours des trois mois que dure la saison des pluies. Tout au long de la saison sèche, hommes, femmes ou enfants parcourent de plus en plus de kilomètres à pied ou en charrette jusqu’à leurs puits, pour en tirer une eau souvent infestée de bactéries, au fur et à mesure que ceux-ci s’assèchent.
Parmi les organisateurs de cette journée en pleine brousse, dans le seul bâtiment en dur des environs, un « toubab » (un Blanc). Sa djellaba à lui, c’est une robe en coton clair, avec un scapulaire et un large col à capuchon. Pour que les villageois le comprennent, l’un d’eux traduit en wolof ce qu’il leur dit dans un français qui ne laisse aucun doute sur ses origines marseillaises. S’il est aujourd’hui question de forage, d’eau courante et de château d’eau, c’est grâce à sa communauté. Frère Luc-Marie est le prieur du couvent des Carmes, qui ont débarqué il y a six ans de leur province de Montpellier, à l’appel de l’évêque de Kaolack, pour implanter dans le diocèse la branche masculine du Carmel et y assurer l’animation du futur grand centre spirituel du diocèse: le sanctuaire marial Keur Mariama, un séminaire de propédeutique, un centre de retraites spirituelles, et le couvent de la communauté, qui n’attendent plus que les fonds nécessaires pour sortir de terre sur le terrain de trente hectares dont dispose la communauté.
« Ici, la meilleure façon de parler du Christ c’est d’apporter l’eau ».
C’est justement sur cette terre poussiéreuse que le château d’eau, qui enverra l’eau au village du haut de ses cent cinquante mètres, est en construction. S’il tâche d’être fidèle autant que possible aux deux heures d’oraison quotidienne et à la liturgie des Heures en communauté, comme en tout temps de fondation, Frère Luc-Marie n’a pas hésité à bousculer un peu son emploi du temps carmélitain pour mettre en place cette grosse opération de développement avec l’aide de la Caritas locale, qui a le rôle de maître d’ouvrage. « Notre projet ne pouvait pas se développer sans disposer d’un forage. Trouver et capter de l’eau fut donc dès le départ une priorité et une nécessité. Mais il était impensable d’alimenter en eau la centaine de personnes appelées à vivre sur le site, sans penser aux quelques mille sept cents habitants du secteur et leurs deux mille têtes de bétail. »
La vocation des Carmes est avant tout de rejoindre les hommes dans leur pauvreté intérieure et spirituelle. « Mais -reprend le prieur- Jean-Paul II disait qu’en Afrique, on ne peut pas envisager l’évangélisation seulement sur un plan théologal, sans prendre en compte la réalité de ce que vivent les gens. Ici, la meilleure manière de leur parler du Christ, c’est de leur apporter l’eau qui est la vie. Ce n’est pas sans nous rappeler la Samaritaine. Ces musulmans sont pour nous la Samaritaine. Nous voulons leur apporter à boire l’eau vive du Christ ».
Alors, Frère Luc-Marie, que ni ses études d’Histoire ni sa vocation de Carme ne prédisposaient à devenir expert en hydraulique, est passé maître dans la connaissance de l’écosystème de la région du Sine Saloum, dans les technique de forage, et autres recommandations de l’OMS ( Organisation mondiale de la Santé, dépendant des Nations unies). Et troque volontiers son habit contre un tee-shirt et une casquette pour travailler avec les ouvriers. (à suivre…).
(1): « Famille Chrétienne », n° 1573, du 8 mars 2008.
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