Instructive, la lecture du Fil AOL, ce mardi 8 Décembre 2009, à 23:56 (!). On y découvre un Eric Cantona proclamant fièrement: « Être français, c’est d’abord être « révolutionnaire »… »
Bigre !….
Regardons-y de plus près….
L’ancien attaquant international a declaré en effet qu’être français ce n’est pas « chanter la Marseillaise » ou « lire la Lettre de Guy Môquet », mais d’abord être « révolutionnaire » face à un « système » qui contraint notamment des gens à vivre « dans la rue ».
On lui demandait son sentiment face au débat sur l’identité nationale, lors de la présentation à la presse de son livre de photographies de personnes mal logées réalisé pour la Fondation Abbé Pierre. « Être français est-ce que c’est devoir parler français, chanter la Marseillaise, lire la lettre de Guy Môquet ? Ça c’est être con ! », a-t-il lancé, dans son style inimitable. « Je ne dis pas que chanter la Marseillaise c’est être con, mais bâtir tout ça (l’identité, ndlr) sur ça… », a-t-il ensuite rectifié.
« Être français c’est être révolutionnaire, d’abord (…) On ne peut pas accepter tout ce qui se passe… Ce qui m’inquiète », a-t-il poursuivi, « c’est qu’il y a des gens qui voient ces choses et qui s’habituent… On s’habitue à ce système, à ce qu’il y ait des gens dans la rue, à tout ce qu’on nous balance à la télé, à la manipulation des politiques, à leur bourrage de crâne, à s’abrutir », a-t-il ajouté.
On va, évidemment, se garder de prendre Éric Cantona pour un penseur ou un philosophe, et de donner trop d’attention à ses propos. Il n’empêche que, à sa façon à lui, et avec ses mots à lui, il a malgré tout dit quelque chose qui mérite qu’on s’y arrête quelques instants. Car, pour inattendues qu’elles soient, et d’où qu’elles proviennent, les réactions de ce type ne doivent être ni méprisées, ni même ignoréees….
Si l’on va au fond des choses, Éric Cantona a, tout simplement, constaté -encore une fois avec son éloquence à lui (!)….- l’échec du merveilleux système, et ça, c’est beaucoup. Il semble, évidemment, manquer des clés pour analyser cet échec et remonter à ses causes profondes et lointaines, c’est-à-dire à ce qu’il y a d’idéologie mortifère dans la Révolution et les Lumières, et dans leur prétention insensée à ré-organiser le monde. Ce serait peut-être trop demander à Éric Cantona que de considérer que ceux qui ont joué les démiurges -à savoir les philosophes auto-proclamés des Lumières- ont tout simplement échoué dans leur entreprise: deux siècles après, ce sont les faits qui nous le disent… (1). Et que le système idéologique directement inspiré de cette Révolution de 1789, elle-même directement inspirée par ces philosophes, est celui qui s’essouffle et s’écroule sous nos yeux, et dont Cantona dit -avec justesse- qu’il faut être « révolutionnaire ».
Et si nous faisions, donc, à notre façon, un petit cadeau de Noël à Eric Cantona, cet écoeuré -semble-t-il- du système actuel ? C’est vrai qu’il est moche, ce système. C’est vrai qu’il est pourri. Et c’est vrai, n »ayons pas peur de choquer, qu’il faut être révolutionnaire de cet état de choses minable. Il a raison, Canto, et on est d’accord avec lui. Non pas pour prôner « une » révolution, ou « la » révolution (on a déjà donné !…) mais l’alter-révolution…..
Alors, le voilà, notre petit cadeau de Noël: c’est à la fois pas grand-chose, et c’est beaucoup, parce que ça va à l’essentiel, c’est l’essentiel. Ce sont quelques lignes de Pierre Boutang, qui évoque par ailleurs la « désolante pourriture » à laquelle préside le « semble État » qui est le nôtre:
« Notre société n’a que des banques pour cathédrales ; elle n’a rien à transmettre qui justifie un nouvel « appel aux conservateurs » ; il n’y a, d’elle proprement dite, rien à conserver. Aussi sommes-nous libres de rêver que le premier rebelle, et serviteur de la légitimité révolutionnaire, sera le Prince chrétien. »
Cette alter-révolution, cette mise à la poubelle de la « désolante pourriture » qui nous accable, c’est pas dans la lignée de ce que dit Canto, ça ?…..
Très bien ce commentaire, mais il faut l’envoyer à Eric Cantona.
Si critiquable qu’il puisse être, ce populisme a valeur de symptôme.
Il représente avant tout le refus d’une démocratie représentative qui ne représente plus rien.
Protestation contre l’édifice vermoulu d’institutions surplombantes coupées du pays réel, révélateur des dysfonctionnements d’un système politique qui ne répond plus à l’attente des citoyens et se révèle incapable d’assurer la permanence du lien social.
Il témoigne d’un malaise grandissant au sein de la vie publique, d’un mépris pour la « Nouvelle Classe politico-médiatique » qui ne cesse de s’étendre.