On a parlé de l’Allemagne et de la France, de l’Europe, de l’Histoire et des deux deux Guerres, et, donc, d’aujourd’hui, ce 5 mars, à 23 heures, chez Franz-Olivier Giesbert, dans Vous aurez le dernier mot.
Il y avait là -pour la partie de l’émission dont nous allons parler ici- Gallo, Zemmour, Couteaux et Duteurtre….. et on a pu entendre Zemmour revenir assez longuement sur son ouvrage Mélancolie française, qu’il a presenté ainsi, en expliquant pourquoi il avait choisi ce titre….
Démarrons ces quelques notes au moment où FOG, citant et commentant Zemmour, dit qu’au fond, pour celui-ci, le Pétainisme est un pacifisme, et que Pétain a attendu les Américains deux fois: en 17 et en 40. Il faisait évidemment référence à la fameuse phrase de Pétain: « J’attends les Américains et les chars ».
Or, pour Zemmour, Pétain a eu tort. Il explique longuement et clairement sa position. La victoire de 18 aurait été bien plus belle, elle aurait en fait été tout simplement une victoire, « la » victoire tout court, si la France -au lieu d’attendre- avait attaqué l’Allemagne à ce moment-là; si elle était entrée en Allemagne, en appuyant sur ce ventre mou qui ne demandait qu’à s’effondrer, et si on était allé à Berlin. Toutes les horreurs précédentes, et l’hécatombe effroyable n’auraient pas été effacées, mais au moins on n’aurait pas fait tout cela pour rien. Or, comme l’a dit Bainville, on a laissé intacte la puissance allemande: puissance démographique (pas de démembrement), puissance industrielle et mê me puissance militaire puisque, si le Traité de Versailles imposait de dures clauses à l’Allemagne, étant donné qu’on n’avait ni envahi ni occupé le pays, les sacrifices militaires qu’on lui imposait n’étaient rien en comparaison de ce qu’aurait été la véritable défaite qu’on pouvait et qu’on devait lui infliger…(1). Alors que si l’on n’avait pas suivi la politique attentiste de Pétain:
1: On serait allés à Berlin;
2: On aurait vraiment ecrasé l’Allemagne;
3: On aurait pris enfin cette rive gauche du Rhin (et c’était là la dernière chance de ce que Zemmour appelle notre « projet millénaire »);
La déliquescence de l’armée allemande « au bord du gouffre », dit Zemmour -et c’est vrai- était ignorée par les français car leur eternel point faible, comme d’habitude, c’était les services secrets….
« La vraie erreur historique de Pétain ce n’est pas 40, c’est 17 »conclut donc Zemmour. Car Américains et Anglais n’avaient qu’une envie, comme au siècle précédent, et c’était de nous empêcher de prendre cette rive gauche du Rhin, qui nous aurait donnée une puissance décisive en Europe. Voici, résumé à grands traits, ce qui explique cette « mélancolie française »….
Jusque là, on ne peut qu’être d’accord avec tout ce que dit Zemmour. Quelques nuances doivent être apportées, selon nous, à la suite, lorsqu’il évoque ce qu’il appelle le projet français millénaire, qui est de refaire Rome. Oui, car « le Roi de France est empereur en son royaume », où il est bien l’héritier des César et le continuateur d’une politique de civilisationouverte, évidemment sur le monde. Mais Zemmour reste un peu dans le flou: Bainville a bien montré comment, pour les Capétiens et à partir d’eux, l’idée impériale a été définitivement rangée dans la catégorie des Chimères, et volontairement abandonnée par la trosiième dynastie qui -à la différences des deux premières- s’est volontairement limitée au « pré carré ». Ce qui, encore une fois, n’impliquait pas un enfermement autisteet un repli frileux sur soi: le monde civilisé parlait français sous Louis XV et Louis XVI ! Mais il est tout à fait clair que les rois de France, à partir d’Hugues Capet, bornent leur horizon politique à la France, seule.
Mais la pensée de Zemmour -cette rectification étant apportée- est assez subtile, quand il note que l’Empire napoléonien est quasiment identique à l’Europe des 6. Et pourquoi de Gaulle dominait-il l’Europe des 6 ? Parce qu’elle était, d’une certaine façon, -c’est évidemment toujours Zemmour qui parle…- ce projet que les Anglais et les Américains nous avaient empêché de continuer. D’ailleurs, de Gaulle l’a dit à Peyrefitte: « Qu’est-ce que l’Europe ? C’est le moyen pour la France de revenir à ce qu’elle était avant Waterloo » (de Gaulle raisonnait évidemment dans le cadre de l’Europe des 6, ndlr).
Or la France, à partir de I815, n’a plus la taille optimale pour le monde qui vient. Sous Louis XIV la France était un mastodonte, à partir du XVIIIème, elle ne l’est plus. La recherche de la rive gauche du Rhin, de l’Algérie, de l’Europe des 6, pour Zemmour, c’est ça. Mais de Gaulle, et ce fut sa tragédie, a dû admettre que la puissance n’y était pas, n’y était plus, et que, même avec la Bombe A, le verbe ne suffisait plus….. Il n’avait pas les moyens de sa politique…..
P.S.: Zemmour avait déjà brillamment développé cette « thèse » sur Pétain dans un article du Figaro Magazine: 1939-1940.pdf
J’ai un regard amusé mais non convaincu face à tous ceux qui réécrivent l’Histoire après coup et refont le monde avec des « si »
Une Allemagne écrasée et envahie aurait réssucité bon nombre de resistants et si on est tous d’accord pour penser que 40 est la suite logique d’un traité de paix de 1918 qui humiliait l’Allemagne il convient de suivre le vieil adage qui conseille de ne pas trop écraser un adversaire surtout après une victoire pour éviter l’esprit de revanche.
Monsieur Zemmour a des idées qui se vendent bien, une bonne publicité et ne craint pas les outrances.
Je suis plus proche des idées de Peyrefitte dans son « Mal Français » que des élucubrations de monsieur Zemmour.
Il me semble qu’au contraire en 1918 Pétain était partisan d’entrer en Allemagne et que c’est Foch qui s’y est opposé.
Il est certain que faire défiler les poilus sous la Porte de Brandebourg eût été une grande satisfaction pour l’orgueil national. Est-ce que cela aurait changé grand’chose pour la suite, évité Hitler ? Je n’en suis pas sûr.
Oublions tout ça pour faire l’alliance des cousins germains rêvée par de Gaulle et Adenauer, seule capable de tenir tête à l’insupportable hégémonie anglo-saxonne.
On aime bien Zemmour quand même.
J’ajoute cette précision : si nous ne sommes pas rentrés en Allemagne en novembre 1918, c’est en raison de cette vérité déplaisante : nous n’avons pas gagné la guerre de 14 ! Nous avons obtenu la victoire par forfait. L’armée allemande s’est repliée intacte derrière ses frontières, car c’est le front intérieur qui a craqué.