Cette année, la date du 20 avril -naissance de Charles Maurras- est en quelque sorte célébrée en fanfare par l’actualité: en l’espace de même pas deux mois, on vient juste d’avoir la ré-édition du Soliloque du prisonnier, succédant à la parution, il y a quelques semaines à peine, du très interéssant Entre la vieille Europe et la seule France, Charles Maurras, la politique extérieure et la défense nationale, de Georges-Henri Soutou et Martin Motte. Lesquels sont passés à la radio (chez Radio Courtoisie) pour présenter leur ouvrage (vous aurez le lien permettant d’écouter l’émission plus bas)…..
La proximité de cette date-anniversaire du 20 avril est donc, de toute évidence, l’occasion rêvée de faire une petite pause dans l’actualité de ce qui passe, pour en revenir à ce Maurras dont le printemps, la jeunesse, l’actualité -dans ce qu’il a de meilleur…- ne passe, justement pas….
Voici donc la réflexion de Paul Gilbert, sur le Soliloque du prisonnier; à laquelle nous avons joint la présentation -publiée le 1er mars- de l’étude de Motte et Soutou….
Et puis, comme un peu de fantaisie -mais fantaisie sérieuse, ô combien !…- ne fait jamais de mal, nous mettrons également, dans une sorte de troisième partie, cette Ode à la race latine de Frédéric Mistral, que Maurras appréciait tant: elle s’insère merveilleusement dans ce contexte, et ce d’autant plus que -ne l’a-t-on pas dit mille fois, à juste raison ?…- la beauté sauvera le monde.
Encore plus quand elle est poésie pure, et qu’elle tire vers le haut, en convoquant les hommes à la quête des sommets. Comme le dit « l’enchanteur de Bretagne », que cite Maurras dans le Soliloque « …l’homme ne se compose pas absolument de calculs positifs pour son bien et pour son mal, ce serait trop le ravaler; c’est en entretenant les Romains de l’eternité de leur ville, qu’on les a menés à la conquête du monde, et qu’on leur a fait laisser dans l’histoire un nom éternel….. »
Et que fait Mistral, dans cette poésie éminemment politique, si ce n’est entretenir les Latins de l’eternité de leur Héritage, et de leur mission ?….
I : Soliloque du prisonnier.
Quel esprit étonnant que Charles Maurras ! Et comme il sait séduire ! On a beau être prévenu contre le maître d’école, le faiseur de doctrines, ses dérives, ses égarements et ses obsessions, on a beau avoir pris ses distances avec son action et avec ses idées, le hasard des relectures ou la découverte d’un texte à nouveau publié sont presque toujours des émerveillements. On comprend pourquoi Maurras a été l’un des hommes les plus adulés, mais aussi les plus haïs, de sa génération. Tout comme Barrès, parfois même mieux que Barrès parce qu’il est moderne, c’est un enchanteur. Le charme de sa pensée agit puissamment lorsqu’elle parle à notre intelligence, au meilleur de nous-même. Quand cette pensée s’élève au-dessus des contingences de la vie politique et des disputes du moment, elle porte haut, très haut.
En rééditant tout récemment le Soliloque du prisonnier (1), les Editions de l’Herne nous donnent l’occasion de retrouver le pouvoir d’envoûtement de Maurras. C’est un texte singulier, ni un écrit de combat, ni un essai littéraire, mais une sorte de témoignage, un fragment de testament politique que le vieux prisonnier écrit d’une plume presque allègre du fond de sa geôle de Clairvaux. Nulle diatribe contre les hommes de son temps, nul plaidoyer passionné pour ce qui fut fait, ce qui fut écrit dans les années sombres, à peine quelques allusions au détour d’une page à l’actualité récente. Le Soliloque est un livre d’idées, d’idées politiques mais d’idées pures, c’est un discours qui renoue avec l’esprit des oeuvres de jeunesse – on y retrouve le charme d’Athinéa, la profondeur de l’Avenir de l’intelligence – mais écrit avec la sûreté, la fermeté et l’expérience de l’homme mûr. Tous les grands thèmes de la pensée maurrassienne y sont présents: la Nation, cellule vivante de la civilisation, la France et son destin singulier d’héritière de la Grèce et de Rome, l’alliance des producteurs dans une nouvelle aristocratie. On y trouve également une superbe défense de la Latinité, cet espace de grande et d’antique liberté, de dialogue des hautes cultures, espace d’aventure et de rêve héroïque, que Maurras oppose à « l’abonimable utopie d’une Europe confédérée sous la direction de l’Allemagne », de ses banquiers, de ses marchands et de ses casernes.
Pour Maurras, le propre de ce monde latin, c’est qu’il vit sans frontière, au gré des fleuves, des villes et des poètes qui les ont chantés. « Je suis un drôle de Méditerranéen; ma Méditerranée ne finit pas à Gibraltar, elle reçoit le Guadalquivir et le Tage, elle baigne Cadix, Lisbonne et s’étend, bleue et chaude, jusqu’à Rio de Janeiro. Elle atteint le cap Horn, salue Montevideo, Buenos Aires et, sans oublier Valparaiso ni Callao, elle s’en va, grossie de l’Amazone et de l’Orénoque, rouler dans la mer des Caraïbes, caresser amoureusement nos Antilles, puis Cuba et Haïti, ayant reçu le Meschacébé du grand enchanteur de Bretagne; elle court au Saint-Laurent et, sauf de menues variations de couleur ou de température, va se jeter dans la baie d’Hudson où elle entend parler français. Le caprice de cette Méditerranée idéale le ramène alors à notre hémisphère, mais non pas nécessairement pour revoir Balèares, Cyclades, Oran ou Alger, car ni Anvers ni Gydnis ne lui sont plus étrangers que les Polonais et les Belges ne lui apparaissent barbares: ma Méditerranée ne demande pas mieux que de devenir nordique ou baltique pourvu qu’elle rencontre, ici ou là, les deux lucides flammes d’une civilisation catholique et d’un esprit latin. »
L’union des Latins est-elle possible ? Elle le sera, nous dit Maurras, il faut faire que ce rêve devienne réalité car le monde en a besoin pour revivre. « L’humanité à venir exigera, pour condition primordiale, ce noyau actif, attractif, organisateur. (…) Ainsi tendrait à se reconstituer le Koinon du règne humain, conscience de cette grandeur dans cette unité qui est déjà exprimée de Virgile à Mistral avec une force fière, modérée et douce; les plus amples généralités de l’esprit y sont vivifiées par la généralité de l’âme, tant pour servir l’ensemble que pour l’utiliser sans en exclure personne ni rien ». Difficile de rester insensible à de telles perspectives auxquelles le vieux prisonnier au fond de sa cellule donne la couleur des prophéties !
Optimiste, Maurras ? Incorrigible optimiste ! Oui, nous dit-il, les désordres du monde auront une fin, la raison finira par l’emporter, il existe dans l’univers – pour qui sait les voir – tant de signes de ce retour à la lumière. « Nos plus amers dépôts stagnants d’inintelligence ne sont pas immortels; La face du monde a vu flotter sur elle d’autres flaques d’aliénation mentale et morale, plus fortes que des modes, épidémies ou endémies. Elles n’ont eu qu’un temps… » Et notre Martégal d’annoncer, avec la sereine tranquillité des serviteurs d’Apollon, la fin du jacobinisme, de l’étatisme et du démocratisme, l’avènement de nations fortes et confiantes, organisées en corps et communautés libres, l’union des producteurs dans une nouvelle aristocratie de l’intelligence et du travail, une autre organisation du monde fondée sur des jeux d’alliance souples entre les Etats et sur le retour à des formes d’association plus pérenne, celles que Montesquieu appelait les « républiques éternelles » : « ce sont les plus fixes possibles, les plus capables de tenir pour former des supernations, donc recherchées, trouvées, conclues selon la loi des parentés de corps et d’esprit les plus prochaines et conduites de proche en proche selon les concordances et les raisons primordiales des affinités de naissance et de formation ». La première de ces alliances, selon Maurras, sera naturellement celle des Latins.
Certains s’étonneront de la part faite dans le Soliloque aux questions internationales et il est vrai que le livre fait alterner des vues brillantes sur la physique des nations avec des considérations particulières à tel ou tel pays, Suisse, Allemagne ou Amériques. On s’étonnera à tort car Maurras s’est toujours passionné pour la politique étrangère et Kiel et Tanger comme Le Mauvais Traité figurent parmi ses meilleurs livres. Il va même jusqu’à rappeler, avec un léger sourire, que « plusieurs années avant Bainville et Poincaré, il était correspondant de la Nacion de Buenos Aires » et que dans plusieurs pays, les cercles Charles Maurras coexistaient avec les cercles Bainville. Non, semble nous dire Maurras, et quelque soit la tendresse qu’il éprouvait pour son ami historien, le disciple n’a pas étouffé le maître et le maître revendique la paternité du plan d’ensemble, de la vue générale qui sous-tend ce que l’on appelle « la politique étrangère de l’Action française ». Un autre livre, lui aussi paru très récemment, confirme cette fascination de Maurras pour la scène internationale, l’originalité de ses thèses et la constance avec laquelle il y revient dans toute son oeuvre. Il s’agit de l’ouvrage publié sous la direction du professeur Georges-Henri Soutou, de l’Institut, Entre la vieille Europe et la Seule France. Charles Maurras, la politique extérieure et la défense nationale (2). Les auteurs y mettent en lumière les différents thèmes de la géopolitique maurrassienne, comment Maurras les extrait de sa philosophie politique et comment ils les composent en visions de l’avenir. L’autre mérite de ce livre, c’est de confirmer, de la façon la plus argumentée qui soit, l’existence d’un fil rouge de la politique extérieure française qui relie Maurras, Bainville, de Gaulle, Pompidou et que nous retrouvons aujourd’hui chez Hubert Védrine.
Livre d’idée, disions nous du Soliloque, mais livre qui donne aussi envie d’agir, malgré les inerties et les pesanteurs du monde, avec l’assurance que le juste, le bien et le bon finiront, d’une manière ou d’une autre, par prendre l’avantage. Enthousiasme et lucidité sont les deux marques de fabrique de cet ouvrage dont on sort plus fort. Ce ne sont pas les moindres ruses du séducteur Maurras.
Paul Gilbert
(1): Charles Maurras, Soliloque du prisonnier. (Editions de l’Herne, mars 2010, 96 pages).
(2): Sous la direction de Georges-Henri Soutou, de l’Institut, Entre la vieille Europe et la seule France. Charles Maurras, la politique extérieure et la défense nationale. (Economica, novembre 2009, 438 pages).
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II : Nous remettons ici la note du premier mars, que nous avons consacrée à cet ouvrage: avec, en prime, et comme cerise sur le gâteau, l’émission du 6 avril de Radio Courtoisie, qui reçoit les deux auteurs, Georges-Henri Soutou et Martin Motte:
http://vieilleeurope.free.fr/?p=850
Editions Economica, Institut de stratégie comparée, 432 pages, 39 euros.
Présentation de l’éditeur :
Si le rôle de Charles Maurras dans la politique intérieure française reste connu (et très controversé), on oublie généralement qu’il existe un autre Maurras, celui dont le Président Pompidou disait en 1972 qu’il avait « prévu le monde actuel » avec soixante ans d’avance.
Quelles furent ses thèses sur les relations internationales et les problèmes de défense ? Dans quels postulats s’enracinaient-elles ? Ont-elles connu une évolution entre Kiel et Tanger (1910) et sa mort en 1952 ? Furent-elles unanimement acceptées au sein de l’Action française ou des divergences s ‘y exprimèrent-elles ? Les analyses de Maurras supportent-elles la confrontation avec les acquis de l’historiographie actuelle ? Quelle fut leur influence sur les décideurs politiques et militaires du XXe siècle, en particulier Charles de Gaulle ? Autant de questions qui, à ce jour, n’ont pas assez retenu l’attention des chercheurs.
Aussi le présent ouvrage a-t-il l’ambition de faire oeuvre pionnière. Au carrefour de la philosophie politique, de la diplomatie, de la géopolitique et de la stratégie, les thèmes qu’il aborde ouvrent des perspectives inattendues sur l’histoire contemporaine.
Table des matières
Introduction par Georges-Henri Soutou et Martin Motte
I – CHAMP DE L’ENQUÊTE
– Martin Motte : Kiel et Tanger
– Charles Maurras : Que la France pourrait manœuvrer et grandir.
– Georges-Henri Soutou : La réflexion de Charles Maurras sur les relations internationales, de 1896 à 1952 : entre la vieille Europe et la seule France.
– Martin Motte : Maurras et l’ordre du monde.
II – MAURRAS ANALYSTE DES RELATIONS INTERNATIONALES
– Stéphanie Burgaud : Maurras et le triangle Paris-Berlin-Pétersbourg.
– Patrick Louvier : Les fondements de la puissance britannique dans Kiel et Tanger : racines et prolongements d’une lecture institutionnelle de l’Angleterre édouardienne.
– Frédéric Le Moal : Maurras et l’Italie, heurs et malheurs d’une nécessaire amitié.
III – LES ARMES DE LA FRANCE
– Dimitry Queloz : L’Action française et les questions militaires avant la Première Guerre mondiale.
– Olivier Lahaie : A propos des jugements portés par Charles Maurras sur l’affaire Dreyfus, l’armée française et ses services de renseignements dans Au signe de Flore.
– Anne-Aurore Inquimbert : La pensée maurrassienne dans les écrits d’un « officier de fortune » : Henri Morel (1889-1944).
– Jean-Baptiste Bruneau : La marine et le monde : l’Action française face au désarmement naval (1921-1930).
IV – DISCIPLES ET CONTINUATEURS
– Jérôme Grondeux : Charles Benoist et l’attraction maurrassienne.
– Christophe Dickès : Maurras-Bainville : une influence réciproque ?
– Christophe Réveillard : La critique maurrassienne de la fédération politique européenne et son influence.
– Georges Pompidou : Discours prononcé à l’occasion du centenaire de l’École libre des Sciences politiques, 8 décembre 1972 (extraits).
Conclusion par Georges-Henri Soutou
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Le point de vue de Frédéric Le Moal (14 décembre 2009, lelitteraire.com):
Une étude scientifique et novatrice sur la pensée de Charles Maurras en politique étrangère
Maurras avait tellement raison qu’il en est devenu fou. Cette phrase prêtée au général de Gaulle suffirait à elle-même à révéler l’impact qu’a eu la pensée du chef de l’Action Française sur une bonne partie de la société de son temps. En 1972, Georges Pompidou reconnut qu’il avait prévu le monde actuel. Le livre dirigé par Georges-Henri Soutou et Martin Motte, fruit d’une journée d’études tenue à l’université Paris-IV Sorbonne, consacrée à la pensée de Charles Maurras sur la politique extérieure et les problèmes de défense, vient combler un vide historiographique. Nombreuses sont en effet les études consacrées à la pensée politique du chef de l’Action française, mais rares sont celles à s’être penchées sur les conceptions maurrassiennes en matière de politique étrangère. Maurras a pourtant traversé tout le premier XXème siècle, depuis la Belle Époque jusqu’à la Guerre froide (il meurt une année avant Staline !) et les débuts de la constructions européenne, via les deux guerres mondiales.
Les contributions sont rassemblées par thème : après une analyse générale de la pensée maurrassiennes, on passe à des études de cas (Allemagne, Russie, Italie, Royaume-Uni), puis aux questions de défense et enfin aux disciples et continuateurs de Maurras. Son ouvrage, Kiel et Tanger, sert d’axe structurant à l’ensemble du livre puisque Maurras y a rassemblé ses analyses de politique étrangère, constamment approfondies lors des différentes rééditions. Comme l’écrit Martin Motte, Kiel et Tanger vise à démontrer la responsabilité de la République parlementaire dans les échecs essuyés par la diplomatie française et établir la nécessité d’une restauration monarchique. A partir de là, Maurras construit toute une pensée dont les échos se font sentir pendant un demi-siècle. Maurras, à la fois européen et nationaliste n’est certes pas facile à comprendre pour les esprits de notre temps.
Et c’est tout le mérite de cette étude universitaire de le rendre intelligible. Les contributions dressent le portrait d’un homme complexe, animé d’une hostilité farouche vis-à-vis de l’Allemagne, mais qui comprend dès1923 les dangers de l’hitlérisme et du racisme national-socialiste, tout en se méprenant complètement sur le fascisme de Mussolini. Cet homme, méfiant à l’égard des alliances, imagine dans un premier temps une France prenant la tête des puissances moyennes pour mieux résister aux empires, avant de se rallier aux concepts de l’équilibre européen, avant d’exalter la France seule et une sorte d’égoïsme national, pour mieux résister à l’Europe allemande des nazis. Les recherches ici présentées confirment que Charles Maurras appartenait non seulement aux cercles des grands penseurs de son époque, mais surtout à celui des intellectuels influents. Georges-Henri Soutou écrit avec raison qu’il se situait pleinement dans les débats de l’époque et ne vivait pas sur une planète à part.
L’esprit critique des auteurs s’exerce constamment sur les analyses maurrassiennes, évitant ainsi à l’ouvrage la marque hagiographique. Rien n’est mis de côté des contradictions, des conclusions parfois aberrantes, des insuffisances de Maurras, mais aussi des qualités de sa pensée et de ses pertinences, lui dont l’influence se fait sentir, dans une certaine mesure, chez de Gaulle et chez Pompidou. Que démontre en fin de compte cette étude ? Que la pensée de Maurras, malgré ses erreurs et ses outrances, a bien saisi de nombreux problèmes de son temps et qu’elle a exercé une influence certaine et indiscutable sur les penseurs et les décideurs français du XXème siècle.
Aubouro-te, raço latino, / Souto la capo dou souléu ! / Lou rasin brun boui dins la tino, / Lou vin de Dièu gisclara lèu.
Emé toun pèu que se desnouso / A l’auro santo dou Tabor, / Tu siés la raço lumenouso / Que viéu de joio e d’estrambord; / Tu siés la raço apoustoulico / Que sono li campano a brand: / Tu siés la troumpo que publico / E siés la man que trais lou gran.
Ta lengo maire, aquéu grand flume / Que pèr sèt branco s’espandis, / Largant l’amour, largant lou lume / Coume un resson de Paradis, / Ta lengo d’or, fiho roumano / Dou Pople-Rèi, es la cansoun / Que rediran li bouco umano, / Tant que lou Verbe aura resoun.
Toun sang ilustre, de tout caire, / Pèr la justiço a fa rajou; / Pereilalin ti navegaire / Soun ana querre un mounde nou; / Au batedis de ta pensado / As esclapa cènt cop ti rèi… / Ah! se noun ères divisado, / Quau poudriè vuei te faire lèi?
A la belugo dis estello / Abrant lou mou de toun flambèu, / Dintre lou mabre e sus la telo / As encarna lou subre-bèu. / De l’art divin siés la patrio, / E touto gràci vèn de tu : / Siés lou sourgènt de l’alegrio / E siés l’eterno jouventu !
Di formo puro de ti femo / Li panteon se soun poupla; / A ti triounfle, a ti lagremo, / Touti li cor an barbela; / Flouris la terro quand fas flori; / De ti foulié cadun vèn fou; / E dins l’esclussi de ta glori / Sèmpre lou mounde a pourta dou.
La Vénus d’Arles.
Ta lindo mar, la mar sereno / Ounte blanquejon li veissèu, / Friso a ti pèd sa molo areno / En miraiant l’azur dou cèu. / Aquelo mar toujour risènto, / Diéu l’escampè de soun clarun / Coume la cencho trelusènto / Que déu liga ti pople brun.
Sus ti coustiero souleiouso / Crèis l’oulivié, l’aubre de pas, / E de la vigno vertuiouso / S’enourgulisson ti campas: / Raço latino, en remembranço / De toun destin sèmpre courous, / Aubouro-te vers l’esperanço, / Afrairo-te souto la Crous !
Aubouro-te, raço latino, / Souto la capo dou souléu ! / Lou rasin brun boui dins la tino, / Lou vin de Dièu gisclara lèu !
Proposition de transcription en français :
Relève-toi, race latine, / Sous la chape du soleil ! / Le raisin brun bout dans la cuve, / Et le vin de Dieu va jaillir.
Avec ta chevelure dénouée / Aux souffles sacrés du Thabor, / Tu es la race lumineuse / Qui vit de joie et d’enthousiasme; / Tu es la race apostolique / Qui met les cloches en branle: / Tu es la trompe qui publie, / Tu es la main qui jette le grain.
Ta langue mère, ce grand fleuve / Qui se répand par sept branches, / Versant l’amour et la lumière / Comme un écho du Paradis, / Ta langue d’or, fille romane / Du Peuple-Roi, est la chanson / Que rediront les bouches humaines / Tant que le Verbe aura raison.
Ton sang illustre, de toutes parts, / a ruisselé pour la justice; / Au loin, tes navigateurs / Sont allés découvrir un monde nouveau. / Au battement de ta pensée / Tu as brisé cent fois tes rois. / Ah, si tu n’étais pas divisée, / Qui pourrait, aujourd’hui, re dicter des lois ?
Allumant ton flambeau / A l’étincelle des étoiles, / Tu as, dans le marbre et sur la toile, / Incarné la suprême beauté. / Tu es la patrie de l’art divin, / Et toute grâce vient de toi: / Tu es la source de l’allégresse, / Tu es l’eternelle jeunesse !
Des formes pures de tes femmes / Les panthéons se sont peuplés. / A tes triomphes, comme à tes larmes, / Tous les coeurs int palpité. / La terre est en fleur quand tu fleuris; / De tes folies chacun s’affole; / Et dans l’éclipse de ta gloire, / Toujours le monde a pris le deuil.
Ta mer limpide, la mer sereine / Où blanchissent les vaisseaux, / Crêpe à tes pieds son sable doux / En reflétant l’azur du ciel. / Cette mer, toujours souriante, / Dieu l’épancha de sa splendeur, / Comme la ceinture étincelante / Qui doit lier tes peuples bruns.
Sur tes côtes ensoleillées / Croît l’olivier, l’arbre de paix, / Et de la vigne vertueuse / S’ennorgueillissent tes campagnes: / Race latine, en souvenance / De ton passé toujours brillant, / Elève-toi vers l’espérance/ Et fraternise sous la Croix !
Simplement, il faut remercier lafautearousseau de cet immense travail qui, depuis maintenant plus de trois ans, contribue à replacer le royalisme français dans sa tradition véritable, vivante et non figée et, aussi, à cette « altitude » où Maurras, il faut bien le reconnaître, l’avait situé.
Les textes publiés ici contredisent à angle droit la vision convenue d’un Maurras étriqué, enfermé dans un nationalisme étroit et un univers intellectuel clos. Giocanti, au contraire, a raison de dire que Maurras est « un continent ».
Sans-doute était-il, en fait, comme le dit Boutang dans la très belle conférence publiée ici, il y a quelques jours, « le plus jeune d’entre nous ».
Merci donc de rendre au royalisme français le sens, la conscience de ses véritables racines, sans lesquelles, au lieu de servir son pays, hic et nunc, il ne serait, au mieux, qu’un « musée des doctrines mortes ».
Cher ami,
Merci pour cette mention tout à fait sympathique à mon billet de la semaine dernière sur « Le soliloque du prisonnier ». Et merci de défendre, comme un certain nombre d’entre nous, à l’instar de notre brillant ami Giocanti, un Maurras bien vivant, loin du cercle des admirateurs confits et ratiocinant.
Vous serait-il possible de signaler que ce petit billet a été publié sur le site de « La Revue critique des idées et des livres » (http://lebulletincritique.over-blog.fr/), un petit « webzine », qui, sans avoir votre renommée ni votre antériorité, fait lui aussi son petit bonhomme de chemin.
A très bientôt pour d’autres échanges. Bien à vous
Paul Gilbert