Membre de l’Institut, Professeur de philosophie médiévale et historien des religions, Rémy Brague a publié dans Le Spectacle du Monde (mai 2010) les réflexions que l’on va lire ici (texte intégral).
Il s’y inscrit en faux contre l’œcuménisme prôné par certains chrétiens, et revient sur l’affaire de la burka, ou celle de Sylvain Guggenheim……
Avec cette contribution, nous cloturons -du moins momentanément…- cette série de Regards croisés sur l’Islam, qui se compose donc -pour l’instant- des huit notes publiées les 29 avril, 6, 12 et 27 mai, 4, 10, 17 et 24 juin (aujourd’hui). Vous trouverez ces sept notes réunies en un seul PDF dans notre Catégorie « Pdf à télécharger », sur la colonne de gauche de la page d’accueil, en dessous des rubriques « Contactez-nous », « Liens » et « Catégories ».
ASSEZ D’ILLUSIONS SUR L’ISLAM…
Vous vous occupez de la pensée arabo-musulmane. Quel regard portez-vous sur le débat concernant la burka ? Ce type de voile est il recommandé par le Coran ?
Dans le Coran, il est par deux fois recommandé aux croyantes de « rabattre leur voile ». L’injonction peut se réaliser de différentes façons, selon les interprétations données aux mots. Cela va de la mantille transparente de Benazir Bhutto à l’autre extrême, cette armure qu’est la burka. Plus toutes sortes d’intermédiaires, des voiles plus ou moins longs, plus ou moins opaques.
Mais ce qu’il faut se mettre dans la tête, c’est que, pour un musulman, Le Coran est ce que Dieu a dit, littéralement, Dieu qui est hors de l’espace et du temps. S’il dit aux femmes « voilez-vous ! », cela veut dire « voilez-vous ! », point. Quand St Paul recommande aux femmes de se couvrir la tête quand elles prient, on peut remonter de sa parole à son intention (s’habiller décemment) et la remettre dans son contexte historique. Ce n’est pas Dieu qui parle. On peut interpréter un interprète. C’est plus difficile avec le Coran.
Mais mettons nous aussi dans la peau de quelqu’un qui vient d’une société traditionnelle, musulmane ou non. Il voit des femmes dénudées sur tous les murs d’Europe, et des femmes réelles qui ont peu d’enfants. Il se dit que cette civilisation est en train de se suicider. Il suffit de patienter et de s’en protéger en attendant. Le voile est donc une forme de préservatif.
L’Eglise catholique française a pris position contre la prohibition de la burka. Faut il parler de pusillanimité de la part d’une institution qui semble vouloir ménager l’Islam ?
Ne pas stigmatiser les personnes musulmanes relève du bon sens. Il faut évidemment se prémunir de tout amalgame et ne pas parler des Musulmans comme si ceux-ci formaient un groupe homogène. Cela peut avoir un résultat désastreux : transformer des gens d’origine musulmane qui ne sont pas particulièrement religieux en militants. Si tel est le souci de l’Eglise, il est amplement justifié. Mais il y aussi chez certains catholiques l’idée qu’il faut « préserver » le dialogue avec l’Islam. Or j’ai montré dans un de mes livres, Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres que ce dialogue, tant qu’on le situe au niveau des théologies, était une illusion. Les musulmans convaincus ne s’intéressent pas au christianisme, qu’ils considèrent comme une religion révolue et falsifiée.
Dès qu’il est question de l’Islam on ne sait plus quel mot employer. Entre rigoristes, littéralistes, fondamentalistes, intégristes, on s’y perd. Comment qualifier les musulmans « radicaux » et quelle est la frontière avec les modérés » ?
Ce n’est pas commode parce que notre vocabulaire est souvent d’origine chrétienne. « Fondamentaliste » est la manière dont se sont désignés certains protestants américains qui voulaient retrouver les fondamentaux du christianisme. Pour l’Islam ce mot de fondamentaliste est un vêtement trop large. Toute religion est fondamentaliste si on prend au sérieux ses dogmes. Quant au mot « intégriste » c’est plutôt un concept d’origine catholique. Enfin, parler de « littéraliste » relève de la tautologie. Etre musulman, c’est croire que la lettre même du Coran est d’origine divine. Aux yeux du croyant le Coran est la dictée surnaturelle faite par Dieu et transmise par l’ange Gabriel au prophète Mahomet, dont le mérite essentiel est de n’y avoir rien ajouté, ni retranché. L’islam ne peut pas ne pas être littéraliste. La vraie question est de savoir s’il est intrinsèquement violent.
Existe t-il une violence spécifique à cette religion ?
Il y a de la violence dans l’Ancien Testament comme dans le Coran. Mais dans la Bible la violence est racontée. Par exemple lors de l’invasion du pays de Canaan par le peuple d’Israël dans le Livre des Juges on vous raconte des massacres, dont on pense d’ailleurs qu’ils n’ont jamais eu lieu. C’est du sang d’encre. Dans le pire des cas, Dieu a donné à Israël l’ordre d’éliminer les habitants du pays. Mais ces récits appartiennent au passé. C’est un rêve rétrospectif de prêtres qui rêvaient d’un monopole du culte, qu’ils ont d’ailleurs fini par obtenir avec le Temple de Jérusalem.
Ce que vous trouvez aussi, c’est de la violence rêvée, par exemple le fameux psaume dans lequel les exilés souhaitent que l’on tue les bébés de leurs maîtres Babyloniens en les jetant contre les murs. C’est une horreur. Les victimes ne sont pas toujours très polies envers les bourreaux… En revanche, il n’y a pas dans la Bible de commandement de tuer qui serait encore actuel.
Le Coran, en revanche, contient des injonctions qui valent sans limitation de temps. Par exemple le fameux verset du sabre qui ordonne de soumettre non seulement les païens, mais également les Juifs et les Chrétiens, afin de leur faire payer l’impôt de capitation dans une situation d’humiliation. L’arabe dit : « et ils se feront petits ».
Sourate 9, versets 5 et 29: – « Les mois sacrés expirés, tuez les idolâtres partout où vous les trouverez, faites-les prisonniers, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade; mais s’ils se convertissent, s’ils observent la prière, s’ils font l’aumône, alors laissez-les tranquilles, car Dieu est indulgent et miséricordieux. » – « Faites la guerre à ceux qui ne croient point en Dieu ni au jour dernier, qui ne regardent point comme défendu ce que Dieu et son apôtre ont défendu, et à ceux entre les hommes des Écritures qui ne professent pas la vraie religion. Faites-leur la guerre jusqu’à ce qu’ils paient le tribut de leurs propres mains et qu’ils soient soumis.
Est ce que le pari de moderniser l’islam pour en faire surgir un « Islam des Lumières » est crédible ?
La formule est belle. Est-elle juste ? Ne faisons pas de nos Lumières une vache sacrée, ayons le courage d’en voir les côtés sombres. En tout cas, si cet Islam des Lumières advient, ce sera l’oeuvre des Musulmans eux-mêmes. Nous pouvons les y aider en leur fournissant l’outillage intellectuel que l’Occident a élaboré pour établir l’autonomie du domaine moral et politique par rapport au religieux, et pour interpréter ses propres textes sacrés.
Je me demande s’il est possible d’aboutir à une réforme de l’Islam si l’on garde intact le dogme de la parole incréée que le prophète aurait reçue. Ou encore tant qu’on verra dans Mahomet le « bel exemple » que l’on peut imiter dans toutes ses actions. Tant que les musulmans n’auront pas réussi à faire sauter ces verrous, ils trouveront toujours un « barbu » qui leur rappellera le texte littéral.
Selon vous le clivage entre un islam rigoriste et un islam soufi « libéral » ne tient pas ?
Il y aurait d’un côté un islam juridique et rigoriste et de l’autre un islam « cool » et « sympa », celui du soufisme. C’est bien plus compliqué. D’abord le soufisme est, en islam, un phénomène marginal. Les Européens s’y intéressent plus que les Musulmans. Le soufisme réel a produit des merveilles poétiques et mystiques. Mais il existe aussi un « soufisme » à l’usage d’Occidentaux en quête de supplément d’âme qui est un miroir aux alouettes.
Ensuite ce clivage relève du fantasme car le soufisme ne met en cause la Charia que de façon exceptionnelle. Les Soufis historiques ne sont pas plus tolérants que les autres. Prenez le grand Ibn Arabi. On cite sans cesse ses vers : peu importe que l’on adore à la Mecque ou à Jérusalem, ou dans un temple d’idoles, l’amour seul compte, etc. Mais ailleurs, il demande que l’on applique dans toute leur rigueur les lois destinées à humilier les Juifs et les Chrétiens. Ou encore al-Ghazali, qui a intégré le soufisme dans l’édifice islamique en approfondissant le respect de la Loi pour le faire sourdre de l’intention du cœur. C’est à partir de lui que les confréries soufies se sont développées. Mais pour lui, un Juif ou un Chrétien n’ont même pas le droit de rappeler un musulman au respect de la morale commune. Ce serait en effet lui faire honte. Et si un pécheur mérite d’être humilié, à combien plus forte raison un mécréant ! Autrement dit, il ne peut y avoir égalité, ni réciprocité. Il n’y a pas de morale commune entre celui qui professe une religion juste et celui qui en professe une fausse.
Né en 1165, à Murcie, en Andalousie, et mort en 1240, à Damas,
ami d’Averroes, Ibn Arabi, maître du soufisme
Vous avez soutenu l’historien Sylvain Gouguenheim dont le livre Aristote au mont St Michel a défrayé la chronique, ce qui vous vaut d’être régulièrement pris à parti…
J’ai bien des réserves sur le livre, mais j’ai refusé de me joindre au lynchage de l’auteur. Personne n’a jamais nié que la culture arabe ait apporté sa pierre à la civilisation européenne, et Gouguenheim non plus. Il arrête son enquête au XIIème siècle. Il montre qu’il y a eu aussi une transmission directe de la pensée grecque entre le monde byzantin et l’Occident. En quoi est-ce un crime ? En outre il a raison de rappeler l’apologie de l’islam par l’intellectuelle nazie Sigrid Hunke. La sympathie envers l’islam n’est pas le privilège de la gauche. Une certaine extrême-droite préfère cette religion des maîtres, « virile », au christianisme, religion d’esclaves, efféminée…
Dans un livre paru récemment aux Etats-Unis La révolution européenne le journaliste Christopher Caldwell affirme plausible l’hégémonie religieuse de la religion musulmane en Europe d’ici quelques décennies. Qu’en pensez-vous ?
L’Europe va-t-elle devenir musulmane ? Certains américains se le demandent, qui s’inquiètent d’un découplage croissant entre l’Europe et leur pays. Caldwell pose la question crûment et propose une vue synoptique de l’Europe. Il examine la situation démographique de tous les pays, de l’Espagne à la Suède. Il se demande en outre si son pays à lui n’a pas fait un pari très dangereux en s’alliant avec l’Arabie saoudite. Un pays dont le pétrole finance le terrorisme mais aussi les mosquées en Europe, et dont l’islam n’est pas modéré du tout. Son livre est très sérieusement documenté.
Par ailleurs sur un plan psychologique j’ai tendance à dire que tout le monde en Europe fait déjà le jeu de l’islam. Nous sommes tous islamistes. Il y a les islamophiles conscients et organisés. Mais il y a aussi les idiots utiles qui s’imaginent que c’est en prônant un libertarisme à tout crin dans le domaine des moeurs que l’on va convaincre les musulmans des bienfaits de la société libérale. Si l’Europe continue de détruire sa colonne vertébrale et à nier qu’elle ait une identité spécifique, notamment chrétienne, le scénario de Caldwell n’est malheureusement pas invraisemblable. Nous passerions alors d’une sorte de liberté à la chute « libre ».
ARTICLE INT2RESSANT SOULIGNANT L4INCOMPATIBILIT2 ENTRE NOTRE CREDO ET LES RELIGIONS FAUSSES; iL FAUT S4EN TENIR LA ET MENER LE COMBAT DE LA FOI PAR LES ARMES SI N2CESSAIRE.
Bravo Mr Remi Brague !!!!
Bravo grand maître ! merci de nous ouvrir les yeux et de nous instruire sur notre Identité pure et chaste qui transcende d’une façon mystérieuse le flux de l’histoire pour rester toujours identique à elle même.
La dite Identité qu’entache malheureusement – en ces temps maudits – un envahissement des sarasins. J’entends par ce mot ces moins que rien qui prétendent nous avoir un jour transmis un peu de savoir et qui eux aussi possèdent une Identité fermée à elle même à jamais et transcendant le flux de l’histoire.
Sarasins dont nous avons un échantillon colonisant les périphéries de Paris et de nos glorieuses sociétés chrétiennes! et qui essaiment partout en europe tel un cancer en phase finale.
Ils y vivent en marge et y tirent fruit de vols organisés et rapts collectifs ainsi que de mendicité qui profite de la charité chrétienne caractérisant notresi bonne et si haute bonne âme.
Devant le danger dont vous semblez, oh maître, si conscient et dont l’écartement semble être la raison fondamentale de votre vie, nous lisons bien en filigrane de vos propos un appel à la pratique de l’amour qui nous carcatérise tant, ainsi nous nous activerons à délivrer ces sarasins de la perdition qui les caractérise et qui nous menace tant. ( comme nous avions été dans le temps vivement exohrtés par un autre grand maître comme vous à délivrer les donatistes de la pérdition )
Donc place aux actes ouvrons une nouvelle phase de l’histoire, une nouvelle vague d’amour purificateur par les armes s’il échet comme nous l’avions fait auparavent face à d’autres identités telles celles des déicides – identité toute aussi éternelle – dont on avait essayé de nettoyer l’europe. Et que l’amour qui nous caractérise soit !
Bien à vous