A partir du printemps 2008, il y a tout juste un an, le président de la Biélorussie a commencé à se montrer en public en compagnie d’un petit garçon. Cela n’a pas manqué de choquer l’opinion biélorusse, très conservatrice, dont le trouble s’est accru avec le scandaleux aveu du président : le garçonnet était bien son benjamin. Depuis, tout le pays est suspendu aux faits et gestes du tsar et du tsarévitch.
Alexandre Loukachenko n’a jamais été un époux ni un père modèle. Après son triomphe à la présidentielle de 1994, il n’a jamais installé dans la capitale sa femme légitime, Galina Rodionovna, une personne douce et éduquée. A cette époque, on pouvait encore la joindre au téléphone, mais, peu à peu, un mur infranchissable l’a soustraite aux regards indiscrets. Elle habite aujourd’hui le village de Ryjkovitchi, dans une maison cachée derrière une haute clôture, gardée par la police et le KGB. Quinze années durant, les seuls compagnons d’Alexandre Loukachenko lors des événements officiels, semi-officiels ou privés ont été ses gardes du corps. Pendant longtemps, personne n’a pu voir les deux fils issus de son premier mariage, et ce n’est que lorsque l’aîné, Victor, était déjà à l’université que son père l’a emmené avec lui à un défilé militaire. Ce fut tout. Même actuellement, alors que ce jeune homme est devenu conseiller du président pour la sécurité nationale, les journaux mentionnent à peine son existence. Quant à son frère cadet [Dmitri, Dima], qui dirige le Club sportif présidentiel, il est totalement ignoré.
« Du passé, faisons table rase ! », ça, c’est pour les gogos; ou pour les révolutionnaires français, qui – eux – y croient encore… Mais, en Biélorussie, tout est bon pour « placer » – come on dirait en Bourse – du Loukachenko : l’Histoire et les traditions nationales, par exemple…..
La première fois que le petit Kolia a été vu en public avec son père, c’était à l’occasion du samedi national de travail volontaire [survivance d’un usage soviétique] d’avril 2008. Cela ressemblait à une campagne de communication impliquant un pionnier anonyme : un président énorme et un frêle garçonnet unissant leurs forces pour bâtir la Biélorussie nouvelle. Mais on ne tarda pas à retrouver le même petit garçon assis dans les tribunes à côté du président pour un match de hockey de l’équipe présidentielle. Une semaine plus tard, Alexandre Loukachenko était en déplacement dans la région de Gomel, toujours accompagné du petit, pour une visite des régions touchées par la catastrophe de Tchernobyl. Au détour d’une conversation avec des paysans locaux, le président évoqua sa succession : “Je l’ai déjà dit, mon plus jeune fils deviendra président.” Cela laissa les experts interloqués, car tous pensèrent qu’il s’agissait de Dima. C’était une période où des conseillers en image venus de Grande-Bretagne avaient entrepris de redorer le blason de Loukachenko ; la présence du petit garçon avait donc été perçue comme faisant partie d’une tactique subtile.
Toutefois, le secret pesait au président et irritait les citoyens. Dans une interview au tabloïd russe Komsomolskaïa Pravda, il finit par reconnaître qu’il avait présenté son benjamin à Vladimir Poutine. “Rien de plus banal, mon fils est mon prolongement, pour ainsi dire. Bien sûr, c’est une charge, parce que je suis le seul à pouvoir l’habiller ou lui donner à manger. Je suis allé voir Vladimir Poutine, avec mon fils, et il m’a dit : ‘Oh, Alexandre Grigorievitch, c’est un cadeau de Dieu !’ Il paraît que les enfants sont sacrés. C’est d’autant plus vrai en ce qui me concerne.” Avec cette déclaration d’amour paternel, le président biélorusse a brisé le carcan des comportements publics communément admis.
La mère de Kolia était le médecin de Loukachenko
A l’automne 2008, à l’issue d’exercices militaires, les généraux ne faisaient plus leurs rapports au seul président, ils s’adressaient aussi au petit Kolia, qui avait été, pour l’occasion, équipé d’un uniforme à sa taille. Il fait désormais partie de la plupart des voyages officiels de son père et même de certaines rencontres. Ainsi, il était présent lors de la récente visite à Minsk du président de l’Arménie. Et il a achevé de conquérir les cœurs au moment de sa rencontre avec le pape.
Pour Svetlana Kalinkina, rédactrice en chef du journal d’opposition Narodnaïa Volia, “dans l’entourage de Loukachenko personne ne peut lui dire que ce genre de chose ne se fait pas. Le problème n’est même pas que Kolia soit un enfant illégitime. Mais qu’un gamin comme lui devrait aller à la maternelle et côtoyer des enfants de son âge, au lieu de jouer à la politique d’Etat avec de vieux messieurs aux cheveux gris.” Les médias d’opposition échafaudent ouvertement des scénarios sur les secrets intimes du président. On sait que Kolia est né en 2004 et qu’il est probablement le fils d’Irina Abelskaïa, qui a longtemps été le médecin personnel du président. En 2001, elle a pris la tête du principal établissement médical du pays, l’Hôpital national de l’administration présidentielle. Selon certaines rumeurs, Irina aurait tenté de faire inscrire sur le certificat de naissance de son fils que le père était Alexandre Loukachenko, et cela lui aurait été refusé.
Il n’est pas exclu que l’amour paternel de ce dernier se soit éveillé doucement, mais sûrement, au point que la mère n’a quasiment plus eu de place auprès de l’enfant. Irina Abelskaïa a été limogée de la “clinique présidentielle” en avril 2007. Aujourd’hui, elle est simple médecin au Centre de diagnostic de Minsk. Selon une information du site Bielorousski Partizan, elle pourrait devenir médecin chef de la maison de repos Biélarous, qui appartient à l’administration présidentielle, à Iourmala (au bord de la Baltique). Manifestement, Loukachenko ne souhaite pas qu’elle interfère dans l’éducation de son unique héritier. En somme, voilà une captivante saga biélorusse…
P.S. : pour ceux qui veulent en savoir plus, l’article de Marc Epstein dans l’Express, Loukachenko, le Staline biélorusse : Médias aux ordres.pdf
Même chose avec l’Armée : il n’y a qu’ici que les révolutionnaires sont anti militaristes ! Là-bas, cela fait belle lurette qu’ils ne sont plus ni l’un, ni l’autre : ni révolutionnaires, ni anti militaristes ! Pauvre Olivier !…..
corcelles sur Quand, il y a 155 ans,…
“Je comprends mal la fureur de Barbey car si Flaubert – qui se prenait pour Mme…”