La rédaction des Ephémérides, et leur étoffement constant une fois qu’elles ont été redigées, peut amener parfois à des rapprochements inattendus, eux-mêmes propices à des réflexions/méditations qui ne le sont pas moins….
L’une d’elles nous a amené à nous arrêter un peu sur la Wallonie – donc sur la Belgique… – et sur la rive gauche du Rhin. Et à laisser divaguer librement les pensées d’un instant, d’une façon très différente évidemment des autres fois où nous avons abordé ce problème, et sous un angle de vue très particulier; même si, in fine, on retombe sur le même problème….
D’abord, il y eut la rédaction de l’Ephéméride du 13 juin, consacrée en partie à l’inauguration de la machine de Marly, construite par deux Liégeois : Arnold de Ville et Rennequin Sualem. Mais, en réalité, la présence des Wallons fut bien réelle, et tout sauf anecdoctique (qu’ils soient artistes, intellectuels, techniciens…) à la cour de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI : pour en savoir un peu plus sur ces Wallons à Versailles, à Paris, et en France, au XVIIIème … : WALLONS A PARIS……pdf
Puis l’Ephéméride du 9 octobre, jour de la naissance de Jean-François Oeben, originaire d’Aix-la-Chapelle, maître de Riesener, avec qui il fabriqua le meuble peut-être le plus abouti et le plus travaillé du monde : le bureau à cylindre de Louis XV. Puis l’Ephéméride du 4 novembre : ce jour-là, à Paris Adam Lux, originaire de Mayence est guillotiné. Il était venu demander le rattachement de sa patrie à la France et nourissait de naïfs espoirs sur la Révolution, qui se chargea de le détromper ! Et puis l’Ephéméride du 24 juillet, jour où la ville de Liège reçut la Légion d’honneur, pour l’héroïque résistance de ses forts, en 1914, qui a directement permis la victoire de la Marne.
Liège qui, en 1815, notons-le au passage, demanda son rattachement à la France. Comme les Jurassiens français de Delémont, Porrentruy, Franches-Montagnes…. qui ont été si mal traités par le Congrès de Vienne, lequel, non seulement leur refusa cette intégration mais, vexation supplémentaire, les incorpora au canton germanique de Berne…..
Tous ces faits sont apparemment sans rapport entre eux. Mais, mis en relation les uns avec les autres, ils montrent bien qu’au XVIIIème siècle, c’est non seulement la Wallonie mais toute la rive gauche du Rhin – dont les élites regardaient vers la France… – qui se trouvait ainsi dans un processus de rapprochement avec la France, et dont on pouvait penser qu’elle avait ainsi vocation, pour ainsi dire, à entrer, tôt ou tard dans la maison commune.
La France de Louis XVI était aimable et, au sens fort du terme, attractive. Il a fallu la coupure révolutionnaire, qui est venue contrarier cette dynamique, et les folies qui l’ont suivie, avec la catastrophe des traités de 1814 et de 1815, pour que la France voie sa marche traditionnelle et séculaire vers ses frontières naturelles (en l’occurrence, le Rhin) interrompue; et son territoire rester, d’une certaine façon, incomplet….
« Porter la France partout où la Gaule avait été »! Telle était en effet une des idées maîtresses du Grand Roi. Cependant, s’agissait-il bien de la même France? Jean Bart parlait flamand, le marquis de Deux-Ponts parlait allemand, Du Guesclin parlait Gallo, mais cela ne les gênait pas ni les français de ce temps-là, car la grande majorité des français ne parlaient pas ou peu la langue de Molière, mais le parler de leurs ancêtres. Lorsque le Congrès de Vienne refuse le rattachement de Liège et du Jura suisse à la France, il agit sagement, n’en déplaise à la Faute à Rousseau, car c’est par solidarité avec la France révolutionnaire que ces provinces refusaient l’intégration dans les Etats de la Sainte Alliance jugés (à tort) plus solides et plus fiables que la France, même restaurée. Qui de nous n’a pas connu cette expérience à l’étranger: les francophiles nous accueillent en nous parlant de l’héritage de la Révolution et des Lumières, alors que les francophobes nous font grise mine au nom de la tradition et des particularismes? En fin de compte, je m’accommodais des seconds et je fuyais les premiers. C’est qu’il y a deux France inconciliables. Tant que notre France à nous ne sera pas ressortie de sa cave, non seulement l’expansion de la France et de son génie dans ses limites historiques ne sera pas possible, mais elle sera néfaste.
J’agrée largement à l’opinion exprimée par « Antiquus, ayant vécu tant dans les pays du Benelux qu’en Allemagne. La francophilie est largement sentimentale, culturelle et peu,voire très peu d’ordre politique et encore moins économique. Le déclin de notre pays sur tous les fronts n’inspire aucune envie de rattachement. N’oublions pas que celui du Comté de Nice en 1860 était avant tout guidé par des considérations économiques. Le pseudo amour des patriotes locaux envers la France relève de la galéjade médiatique ou de la carabistouille de quelques politiciens venus d’ailleurs. En un mot, avant de vouloir éclairer le monde, il importe de sortir soi-même des ténèbres.