Le volontarisme ne suffit plus. Il n’est pas possible de continuer dans le système actuel. La réalité s’imposera. Pourvu que ce ne soit pas trop tragique.
Le Président de la République se veut un chef d’Etat. Soit. Cependant l’Etat qu’il dirige a un nom : il s’agit de la France. La France est une vieille nation dont l’Etat a une longue histoire. Cette histoire porte des leçons : les Français gavés d’idéologie républicaine ne les remarquent même pas. L’Etat français n’a bien dirigé leur pays que dans la stabilité, la permanence, l’indépendance, le détachement de tout esprit partisan.
A Saint Nazaire : vouloir croire…
Les institutions et les pratiques actuelles de la Ve République sont dorénavant au plus loin de pareilles exigences. Les effets en sont aujourd’hui catastrophiques. Nicolas Sarkozy est accusé de concentrer tous les pouvoirs dans ses seules mains ; l’accusation, essentiellement journalistique et politicienne, est dérisoire. La concentration n’est que verbale. Il parle de tout à propos de tout, mais l’efficacité de sa parole n’a rien à voir avec une parole créatrice ou recréatrice.
Le caractère et la formation de l’homme – avocat et homme de parti, façonné essentiellement à la lutte pour le pouvoir – le porte sans doute à cette culture du discours. De toutes façons, la République n’a jamais été, de ses origines à nos jours, – à quelques exceptions près et, d’ailleurs, notables –, qu’un gouvernement d’avocats, de rhéteurs de tous acabits, de fonctionnaires, grands ou petits, rompus à l’impérieux : il n’y a qu’à, faut qu’on, bref de manieurs de mots qui ne discutaient et ne discutent que sur et qu’avec des phrases dont l’unique utilité est de gagner l’opinion.
Ces évidences n’ont que le tort d’être trop évidentes pour êtres perçues ; et, du coup, tous ne voient que le système, son effroyable, pesante et obsédante réalité. Il n’y a d’imaginable que de lutter dans ce cadre ou que d’y mener l’assaut pour s’en emparer. Avec l’excellent prétexte de l’améliorer, voire de le transformer, de le faire fonctionner pour le bien.
Guerre de mots ! Rien ne sera transformé, jamais rien. Sarkozy, lui- même, qui s’y est employé avec une énergie que nul ne peut nier, n’a en rien changé fondamentalement les données de ce système qui aujourd’hui se retourne contre lui. Qui voudra bien comprendre ?
Personne ? De la gauche à la droite, de ce qu’on appelle l’extrême gauche à ce qu’on appelle l’extrême droite, écoutez les tous, ce ne sont que des discours et, en raison même du système, ce ne peut être que des discours, indépendamment même des qualités ou des turpitudes des hommes et des femmes en question.
Leur affaire, toute leur affaire, leur programme comme ils disent avec emphase, se réduit à des discours : c’est « le débat », l’éternel débat au cours duquel sont assénés des certitudes de quatre sous qui n’ont rien à voir avec la réalité politique et encore moins avec les possibilités de la France d’aujourd’hui.
La plupart de ces parlotes ne sont qu’inutiles débats : qui aura le courage de le dire ? Philippe Muray que fait revivre si drôlement Fabrice Luchini, a tout dit sur ces amas de « cucuteries » qui font les choux gras des journalistes, des politiciens, des zozos toutes catégories qui occupent l’espace médiatique.
Un système pervers
Le système est pervers dans son essence et pervertit tout, les hommes, les politiques, les intentions, les calculs, les projets, même les meilleurs. Rien n’y résiste : il n’y a qu’à constater. Qu’en est-il des sublimes politiques mises en œuvre depuis des décennies et qui étaient censées changer la vie des Français ? Au mieux, on met un coup d’arrêt sur la route fatalement déclive. À bien examiner les choses, textes et intentions, n’est-ce pas la raison principale des lois qui se multiplient pour tenter de résister grâce à l’autorité de l’État aux entraînements inéluctables d’un système général qui est mauvais, quand ce n’est pas pour encadrer le mal afin d’éviter le pire. Quelque malheur survient-il, on fait une loi : gouverner aujourd’hui, c’est légiférer ! Cette vue synthétique peut choquer ceux qui se donnent tant de mal pour faire aboutir des politiques dont le but serait d’apporter des réponses aux mille et un problèmes de l’heure. Cependant, lequel de ceux qui se consacrent à ces tâches épuisantes, ne sent pas la vanité de ces efforts toujours si mal récompensés. Où se trouve l’entraînement vers le bien, vers le haut?
Ah ! si les vrais hommes politiques, ceux qui ont le souci du bien commun – il doit bien y en avoir –, si les responsables sociaux qui se donnent un but humain, au-delà des seules profits ou intérêts immédiats, voulaient bien, un instant, regarder ces quelques évidences en face… Au lieu de se lamenter, de se perdre en invectives, de se voiler la face en se vantant de ce qu’ils font… Serait-il possible qu’un jour le système soit examiné dans sa malfaisance fondamentale ? Ou faudra-t-il qu’elle éclate au moment d’une de ces ruptures tragiques qui scandent l’histoire de nos deux cents dernières années ? Tout à coup, tout s’arrête, plus rien ne marche ; le drame est là, prévisible pour tout esprit sagace depuis longtemps déjà mais, cependant, jamais pronostiqué par les officiels du régime ; il s’impose avec la rudesse des immenses tragédies. Le désastre est total. Et, évidemment, nul de ceux qui ont tenu les rênes, n’est jamais responsable, sauf à trouver des boucs émissaires !
La seule issue
Ces analyses politiques sont très pessimistes, dira-t-on. Le pessimisme n’est pas dans le propos. Il ressort naturellement de la vue des choses, telles qu’elles sont. Une sinistre comédie va occuper les Français avec les élections présidentielles qui se profilent et pendant ce temps – les gens avertis le savent pertinemment – un drame se noue que personne ne peut résoudre. Ce drame a de multiple facettes qui font que, de quelque côté qu’on l’envisage, il n’offre que des perspectives désastreuses.
Le mal est moral et social. Comment se fait-il que le moral des Français qui habitent le pays le plus beau du monde, soit si bas ?
Parce qu’ils sentent confusément que les choses ne vont pas : famille, métier, profession, rapports humains, administration, rien ne va bien ; services publics de moins en moins efficaces, éducation à vau-l’eau, désordre social, revendications indéfinies, insécurité, justice mal administrée et qui protège les criminels, quartiers dit sensibles qui prolifèrent, ghettoïsation des populations immigrées de plus en plus nombreuses et de moins en moins intégrées, banlieues invivables, un Etat qui s’occupe de tout et qui est de plus en plus faible, une Europe qui intervient non pour construire mais pour détruire, une classe dirigeante qui ne poursuit que ses intérêts, et partout des parasites qui profitent du système pour faire leurs affaires…Voilà le tableau sur lequel on pourrait épiloguer longuement.
Là-dessus une crise économique et financière dont un évènement soudain peut servir de déclencheur à n’importe quel mouvement social et politique inmaîtrisable. Il est une guerre sourde qui est menée contre la France dont nul ne peut prédire quelles seront les prochaines manifestations. Il y a quelque chose de terrible dans la situation. Il ne s’agit pas d’inquiéter, il s’agit de voir.
D’ailleurs, toutes les interventions du chef de l’Etat ne font qu’illustrer cet ensemble insurmontable de problèmes qui s’accumulent. Intervention après le meurtre – le nième ! – d’une jeune femme par un criminel sexuel multirécidiviste et laissé en liberté : ça ne se passera pas comme ça, dit Nicolas Sarkozy avec autorité – et il a raison – et que propose-t-il ?
Encore des lois ! Mais, bonsoir, qui aura l’autorité pour imposer leur devoir aux juges ? Grand discours sur la réindustrialisation nécessaire : eh oui, mais qui a tué l’activité française au cours de ces dernières décennies ? Sinon la réglementation étatique et européenne, encore plus que la mondialisation. Alors ? Conférence de presse au ton grave pour signaler les difficultés françaises à des journalistes qui sont censés représenter l’opinion publique. Mais qu’en sort-il ? Que la France, grâce à sa présidence du G20 et du G8, va réussir à imposer aux partenaires mondiaux des règles, voire des taxes, qui permettront d’échapper – on se demande pourquoi et comment – au prochain drame financier et monétaire dont la zone euro va faire les frais selon les pronostics les plus récents du FMI qui, lui, ne veut pas en porter la responsabilité. Et Nicolas Sarkozy qui semble avoir compris les limites de cet exercice de haute voltige, n’a d’ailleurs pas fait le fanfaron. Inutile de se leurrer : la réussite du dernier emprunt au profit du Fonds européen de stabilité financière ne prouve rien, sinon qu’il y a des masses de liquidités qui cherchent à se placer ; l’euro n’en est pas sauvé pour autant.
Aucun des discours prononcés à Davos ne changera les données du problème proprement français.
Qu’il soit permis de dire ici que la campagne électorale qui se prépare pour les élections présidentielles, non seulement ne facilitera pas la solution de ce problème ; elle l’aggravera. Les surenchères qui n’ont fait que commencer, vont redoubler. Ce sera aussi ridicule que tragique. Les concurrents et les partis danseront leur sarabande tandis que le volcan grondera. Le monde est secoué d’immenses ébranlements ; sous les pieds de ces dames et de ces messieurs, enivrés de politicaillerie et de vaines ambitions, la France se craquèle. Faudra-t-il qu’elle s’effondre pour qu’ils arrêtent leurs jeux imbéciles ?
Mais, s’il vous plaît, quand l’échéance arrivera, pour refaire et continuer la France, il conviendra d’abord de restaurer son Etat national et donc royal. C’est une évidence et elle nous a coûté assez cher pour qu’on évite de recommencer d’éternels échecs. ■
Besoin d’Etat, sûrement, national, cela va de soi, mais
surtout, besoin d’incarnation permanente et historique de
l’Etat, avec à sa tête, un garant, un arbitre, un fédérateur, un
médiateur, en un mot un Roi, indépendant des partis et
au service de tous, de l’intérêt général, nous sommes bien
d’accord.