Comme cela y était annoncé la semaine dernière, les analyses d’Hilaire de Crémiers (sous forme de courtes vidéos) se poursuivent sur son Blog.
Depuis mardi dernier, on pouvait visionner Monocraties et Monarchies. Différences essentielles. (Les présentations faites par les médias des régimes dictatoriaux du Magrheb et du Moyen Orient induisent à des amalgames totalement erronés avec les royautés occidentales.)
La dernière vidéo, postée hier, lundi, traite de Vers un Ordre économique mondial ? Mythe et réalite.
Pour lundi prochain, est annoncé L’identité nationale et l’islam (Il est impossible d’intégrer des populations à des abstractions. Le multi culturalisme est un échec. Il faut revenir aux »fondamentaux » de l’histoire de France.)
La suite de l’étude sur Maurras et ses Contes cryptés du Chemin de Paradis viendra ensuite….
Tout à fait d’accord avec la distinction faite par Hilaire de
Crémiers entre monocratie et monarchie et l’assimilation
ou l’amalgame déplacé qui est fait entre ces deux termes.
Cependant, il faut être précis et vigilant sur l’emploi des
mots, même lorsqu’il s’agit de la monarchie, qui n’est pas
nécessairement une royauté et peut tout à fait être une
monocratie (l’Empire en France, certaines monarchies du
Golfe etc…) d’où cette confusion.
Lorsqu’Hilaire de Crémiers pointe la transcendance,
comme principal élément distinctif entre monarchie et
monocratie, et la non élection du monarque, il n’a
évidemment pas tort, mais cela me parait insuffisant et
sujet à discussion.
Je m’explique, il serait plus approprié de parler de
légitimité, plutôt que de transcendance, en opposition à la
seule légalité (quand elle existe !), pourquoi :
d’une part, la transcendance est un élément de la
légitimité, indispensable, mais pas nécessairement
suffisant, car le consentement populaire fait aussi parti de
cette légitimité, de même que les services rendus à la
nation par la dynastie. Napoléon a bien été sacré par le
Pape, ce qui n’est pas le cas de Louis XVIII, or des deux,
le plus transcendant d’un point de vue de la légitimité,
était bien Louis XVIII, et non Napoléon.
D’autre part, dire que les « politiques » devraient remettre
leur pouvoir au Roi, est tout aussi confus. Dans une
monarchie non monocrate, le pouvoir des politiques
émane autant de la légalité démocratique que du pouvoir
de nomination du Roi.
Ce qui différencie la monocratie de la monarchie telle que
nous l’entendons, c’est qu’une seule personne est en
capacité et en légitimité, d’assurer des arbitrages, des
médiations, ou l’unité nationale, au nom de l’intérêt
général, et non de gouverner, seul, à la place des
politiques.
Il ne s’agit pas de remettre le pouvoir des politiques au
Roi, mais de remettre les politiques à leur place, ni plus, ni
moins, et cela a bien sûr des conséquences sur les
pouvoirs ou plutôt les moyens d’agir du Roi, ce qui n’est
pas tout à fait la même chose.
Il est vrai que les monarchies européennes ne disposent
pas pleinement de cette prérogative d’arbitrage, même si
cependant, celle-ci existe, mais davantage en terme de
médiation, de conseil et de temporisation, que
d’intervention directe, dans le processus
parlementaire. Il reste donc à construire
institutionnellement cette monarchie à la française,
pleinement arbitrale et non arbitraire, dans le cadre d’un
régime démocratique et représentatif.
Ceci est tout à fait possible, pourvu que l’on soit cohérent
et clair dans ses principes, et pragmatique dans ses idées.
Mon cher DC, le transcendant est ce qui est au-delà, ce qui dépasse, surpasse, en étant d’un tout autre ordre.
Le Roi (rex en latin) est à rapprocher du mot « rectus » (ce qui est droit), « régula » (ce qui sert à tracer la droite de la règle matérielle et morale).
Autrement dit, le Roi est moins le souverain que celui qui trace la ligne, la voie à suivre, qui incarne en même temps ce qui est droit.
C’est en ce sens qu’il est transcendant. Sa mission n’est pas de commander, d’exercer un pouvoir, mais de fixer ce qui est, au sens propre, « droit ».
La distinction que vous faite entre transcendance et légitimité est inappropriée pour définir la royauté, car c’est sa transcendance qui la rend légitime.
Cher Thulé,
Que le Roi soit au-delà, dans l’ordre politique, c’est évident,
mais que voulez-vous dire par le transcendant est ce qui
est au -delà, en étant d’un tout autre ordre ?
Le Roi est-il le représentant de Dieu sur terre ?
Prônez-vous une monarchie de « droit divin » comme cela a
été théorisé par Bossuet ?
Ce qui me semble transcendant c’est le lien que fait le Roi
avec l’histoire, mais aussi le fait qu’il puisse être sacré ou
tout au moins couronné, dans le cadre d’une cérémonie
religieuse, en lien avec sa foi religieuse. Mais le Roi n’est
pas le Pape, son action relève de l’ordre temporel, même
s’il peut être bien inspiré.
Je ne fais pas de distinction entre transcendance et
légitimité de la manière que vous l’entendez, à savoir, je
ne sépare pas transcendance et légitimité.
Je dis que la transcendance est un élément de la légitimité
mais pas le seul.
Mon cher DC, c’est le sacre qui donne sa transcendance à la monarchie, qui permet au roi d’être considéré à la fois comme « rex » et « sacerdos ».
Cette figure archétypique, symbolise les trois bienfaits fondamentaux, liés aux trois fonctions que le roi unit sur sa personne: la justice, (don suprême du souverain à son peuple), la gloire militaire et la paix, (gage de fécondité et de richesse).
Vouloir méconnaître cette dimension sacrale de la souveraineté et la considérer comme un héritage passéïste serait, à mon avis, une erreur.
François Mitterand y songeait sans doute en s’avançant vers le Panthéon une rose à la main, avatar (ou caricature) moderne des fleurs de lys.
Cher Thulé,
Le sacre peut très bien se concevoir comme élément
identitaire et transcendant de la monarchie française, mais
le sacre n’est qu’un élément de la légitimité (cf: Napoléon
et Louis XVIII).
Par ailleurs, il ne faudrait pas que le sacre, tout comme le
drapeau blanc à la fin du XIX ème, devienne un préalable
insurmontable, mettant en cause la possibilité de
réinstaurer la royauté en France.
Enfin, le sacre ne doit pas faire obstacle à la séparation de
l’Eglise et de l’Etat, donc au principe de laïcité. Il confère
au Roi une autorité morale particulière liée à la
transcendance mais ne l’autorise pas pour autant à dicter
la loi selon une souveraineté préalable d’ordre
théocratique.
Bien entendu.
Il va falloir suivre et analyser avec intérêt ce qui va se
passer au Maroc dans le cadre de la réforme
constitutionnelle annoncée par le Roi.
Bien que les traditions soient différentes des nôtres, de
même que la religion, le concept de monarchie équilibrée
souhaité par le Roi, Commandeur des croyants dans son
pays, peut être intéressant à étudier, surtout lorsque l’on
sait que la constitution marocaine actuelle, a été fortement
inspirée toute proportion gardée, de celle de la Vème
République à ses origines.
C’est un sujet que je vais tout particulièrement étudier.