« C’est devenu un rendez-vous estival. Chaque année, Politique Magazine allège ses rubriques habituelles pour s’ouvrir à un important sujet culturel qui s’apprécie, selon les voeux de ses fondateurs, tout aussi bien du point de vue politique. Pourquoi Chantilly ? Parce qu’en ces lieux flottent toujours l’image, le souffle,, l’odeur des familles qui ont fondé la « douce France » et contribué à son génie… », Jean-Baptiste d’Albaret, Rédacteur en chef.
Voici Une politique pour demain, l’Editorial de ce numéro spécial été 98 (juillet/Août) :
Une politique pour demain
Ce qui se passe en Grèce est un nouvel avertissement. Il en est d’autres, aussi et peut-être même plus inquiétants, qui ont déjà retenti sourdement dans les fonds de la scène européenne.
Comme dans quelque opéra tragique qui court vers son dénouement !
Les personnages qui jouent sur scène continuent à vivre dans l’apparence de leur rôle ; ils ne perçoivent pas ou ne veulent pas remarquer les craquements sinistres qui peu à peu fissurent le déroulement du drame où ils prétendent tenir toujours la première place. Jusqu’où ? Jusqu’à quand ?
Régulièrement l’histoire, la vraie, celle des hommes, connaît ces sortes de tragédies terribles que les dramaturges, les romanciers, les grands maîtres de l’art ont su rendre sous forme imagée dans leurs œuvres. Tout s’effondre. Et généralement, d’un seul coup et brutalement. Il était prévisible que tout s’effondrerait. Mais nul personnage qui jouait les importants, ne voulait voir, ne voyait ! La précipitation des évènements seule créait la situation nouvelle qu’il fallait affronter et dont il fallait résoudre soudain les difficultés. De pareilles chocs, la France en a subi ainsi dans son histoire contemporaine toute une série sans jamais en tirer, d’ailleurs, la vraie leçon : 1789, 1799, 1814, 1830, 1848, 1870, 1940 et, de manière plus grotesque, 1958, 1968…
De même quelque chose se dérègle aujourd’hui dans notre monde qui n’est pas dû au simple hasard mais qui est l’effet de quelque folie d’orgueil humain que les Grecs nommaient hubris. Ce sentiment d’une démesure, d’une outrance qui brave les limites de la condition humaine, est maintenant partagé par beaucoup de gens: on ne se moque pas en vain des règles du simple bon sens. Voilà ce que pense « le bon peuple », et il a raison.
C’est vrai en matière financière. Aujourd’hui, la réalité des dettes rattrape les États et les peuples. Il est vain de s’imaginer qu’il sera possible d’échapper à la cruelle vérité des comptes. Les tours de « passe-passe » ne passeront plus. Aucune combinaison financière ne palliera des trous abyssaux ! Les États ne paieront plus … et tout le monde paiera ! Comme toujours, ceux qui souffriront le plus, seront « les petits ». Inutile de s’attarder sur les innombrables jeux auxquels se sont livrés les marchands et les trafiquants d’argent : les peuples, sans même comprendre, ne sont que trop au courant.
Cependant ne s’arrêter que sur la seule crise financière, serait ne pas voir la cause supérieure du dérèglement. Cette cause est politique. Il était si facile de croire que l’économie était la reine du monde !Tous les problèmes étaient réduits à leur seul aspect économique, donc financier. Erreur immense et qui se paie aujourd’hui au prix fort. Non, le monde n’est pas qu’un vaste marché qui n’obéirait qu’aux seules lois du marché. Cette conception désastreuse fut la règle souveraine de quasi toute éducation et toute formation bourgeoise au cours de ces dernières décennies, même dans des pays de vieille civilisation, comme le nôtre. Les élites politiques et économiques en étaient imprégnées. Les vagues discours humanistes et même patriotiques couvraient en fait des marchandises avariées : une moralité de pacotille était censée compenser le désordre social fondamental auquel il n’était jamais porté remède, sauf en paroles.
« …un Roi conciliateur et restaurateur… ». S’il était Comte de Provence, Louis XVIII était aussi Duc de Vendôme : comme Henri IV et comme… le Prince Jean !
La vérité qui se fait de nouveau jour dans le malheur des temps, c’est que la société ne retrouvera sa vie et son ordre que si la politique y commande, la vraie, cette science subtile et supérieure, cet art royal qui n’a rien à voir avec la vilaine politicaillerie dont la France est malade. La grande et noble politique sait que les peuples ne se gouvernent pas avec des slogans et des coups de publicité, ni avec des promesses vaines et des idéologies, aussi captieuses que vaines, que les politiciens, pour asseoir leur pouvoir, substituent à la religion, à la morale, à la justice, au droit, à l’éducation, à la culture, à la civilisation, la nôtre, celle de la France. Rien d’étonnant à ce que tout se délite du haut en bas de la société. Le fric, la violence, le sexe, voilà à quoi ont abouti tant de fausses politiques. La France ne peut pas vivre sans foi, sans espérance, ni charité. Les hommes d’expérience en ont pertinemment conscience.
Quant aux hommes politiques, devant la catastrophe économique et financière qui s’annonce, ils devraient se souvenir de la célèbre parole du baron Louis à Louis XVIII : « Sire, faites-moi une bonne politique et je vous ferai de bonnes finances ». Les choses étaient ainsi dans l’ordre. Politique d’abord. Finances après. L’homme avait tout connu, de la Révolution à la Restauration ; il savait ce qu’il disait. Il est vrai qu’il parlait à un roi. À un roi conciliateur et restaurateur. ■
VERDU sur Éloquence : Tanguy à la tribune,…
“Il est bon !!”