A l’occasion des lectures (et relectures) d’été, nous avons retrouvé un texte de Bainville, dans son Journal, traitant du général russe blanc Wrangel. Le parallèle intelligent et politique que fait Bainville, dans sa réflexion, entre la Guerre de Vendée et l’insurrection blanche contre les bolcheviks nous a paru mériter de figurer dans notre Album.
Ainsi que, l’occasion faisant le larron, le passage de son Discours aux Lucs sur Boulogne dans lequel Soljénitsyne explique que les Russes aussi ont eu leur Vendée, avec Tanbow…..
Voici donc les deux illustrations que nous avons ajoutées à cet Album – qui passe de 83 à 85 photos – avec les commentaires qui les accompagnent : c’est l’occasion de le présenter de nouveau, enrichi, nous l’espérons, d’une façon pertinente…
Totalitarisme ou Résistance ? Vendée, « Guerres de Géants »…
Vendées en Russie (I/II) : Tanbow…
On connaît le mot célèbre des révolutionnaires bolchéviques, « Février, c’est 1789, Octobre c’est 1793 ». Les marxistes léninistes avaient pleinement conscience de revivre, mais en accéléré, la Grande Révolution fondatrice de 1789, qu’ils voulaient pousser jusqu’à ses extrêmes limites, et dont ils voulaient que « leur » révolution fut la quintessence, l’expression la plus achevée….
Voici, brièvement racontée par Soljénitsyne, l’une des oppositions à la Révolution bolchévique : l’héroïque petite Vendée de Tanbow… (Extrait du discours prononcé par Alexandre Soljenitsyne, le samedi 25 septembre 1993, aux Lucs-sur-Boulogne, pour l’inauguration de l’Historial de Vendée.)
« …La révolution russe, elle, n’a pas connu de Thermidor qui ait su l’arrêter. Elle a entraîné notre peuple jusqu’au bout, jusqu’au gouffre, jusqu’à l’abîme de la perdition. Je regrette qu’il n’y ait pas ici d’orateurs qui puissent ajouter ce que l’expérience leur a appris, au fin fond de la Chine, du Cambodge, du Vietnam, nous dire quel prix ils ont payé, eux, pour la révolution. L’expérience de la Révolution française aurait dû suffire pour que nos organisateurs rationalistes du bonheur du peuple en tirent les leçons. Mais non ! En Russie, tout s’est déroulé d’une façon pire encore et à une échelle incomparable.
De nombreux procédés cruels de la Révolution française ont été docilement appliqués sur le corps de la Russie par les communistes léniniens et par les socialistes internationalistes. Seul leur degré d’organisation et leur caractère systématique ont largement dépassé ceux des jacobins.
Nous n’avons pas eu de Thermidor, mais – et nous pouvons en être fiers, en notre âme et conscience – nous avons eu notre Vendée. Et même plus d’une. Ce sont les grands soulèvements paysans, en 1920-21. J’évoquerai seulement un épisode bien connu : ces foules de paysans, armés de bâtons et de fourches, qui ont marché sur Tanbow, au son des cloches des églises avoisinantes, pour être fauchés par des mitrailleuses. Le soulèvement de Tanbow s’est maintenu pendant onze mois, bien que les communistes, en le réprimant, aient employé des chars d’assaut, des trains blindés, des avions, aient pris en otages les familles des révoltés et aient été à deux doigts d’utiliser des gaz toxiques. Nous avons connu aussi une résistance farouche au bolchévisme chez les Cosaques de l’Oural, du Don, étouffés dans les torrents de sang. Un véritable génocide… »
Vendées en Russie (II/II) : Wrangel…
Voici, maintenant, la note du 15 novembre 1920 du Journal de Bainville (Tome II, 1919/1926) qu’il consacre au général russe Wrangel, chef des Armées blanches :
« Le général Wrangel est battu. La France n’a pas à regretter de l’avoir soutenu à un moment grave, celui où l’armée rouge marchait sur Varsovie pour tendre la main à l’Allemagne. A ce moment, le général Wrangel opérait en Crimée une diversion utile. L’encourager était de bonne politique et de bonne guerre.
De là à croire que de Sébastopol partirait un mouvement capable de rayonner sur toute la Russie et de l’affranchir du bolchévisme, il y avait un pas. Que prouvent les efforts successifs de Koltchak, de Youdenitch, de Denikine et enfin de Wrangel ? Deux choses.
D’abord qu’il est difficile de renverser un gouvernement en l’attaquant par la périphérie. La Russie, à cet égard, ne se distingue des autres pays que par l’immensité des distances qui accroît la difficulté. Pendant la Révolution française, c’est à Paris même qu’a triomphé la réaction thermidorienne : la Vendée, Toulon, c’était bien loin. Or les bolcheviks tiennent, avec Moscou, le coeur de la Russie. Tant que Moscou ne répond pas par un Neuf Thermidor aux entreprises contre-révolutionnaires qui surgissent à des centaines de kilomètres de la vieille capitale russe, ces entreprises sont condamnées.
De plus, elles se dissolvent toutes, après un temps plus ou moins long, pour la même cause : c’est l’arrière qui cède et se décompose… »
Il ne faut pas oublier que la marxisme est un héritier direct de la révolution française.
Karl Marks a même séjourné de nombreuses années en France, où il a appris toutes les armes de la subversion. Il était à l’époque très mal vu dans son pays.
En tant que français, et contrairement à la pensée habituelle, nous devrions avoir honte de cette paternité qui a conduit aux horreurs de Lénine et de Staline qui ont aussi engendré les goulags que Soljenitsyne a connu.