(Le vendredi 23 septembre, Gérard Leclerc apublié dans France catholique sa chronique de la veille sur Radio Notre-Dame consacrée à « cet éternel jeune homme » qui vient de nous quitter)
L’actualité est terriblement lourde en ce moment. Permettez-moi de m’en émanciper avec quelqu’un précisément, qui vient de s’envoler vers les cieux. Il s’appelait Lucien Jerphagnon, il était nonagénaire, mais le poids des ans ne semblait nullement alourdir cet éternel jeune homme, à l’esprit toujours aussi délié, à l’humour constant, qu’il appliquait d’abord à lui-même, craignant plus que tout de se prendre trop au sérieux.
Pourtant, c’était un savant considérable, qui connaissait l’histoire de Rome d’un bout à l’autre et mieux que quiconque. C’était aussi un lettré, dans le sens du raffinement extrême de celui qui sait goûter et interpréter un texte et qui ne dédaigne pas lui-même d’écrire, même s’il ne prend jamais la pause du grand écrivain. C’est vrai qu’il pourchassait la bêtise, ainsi qu’il l’a révélé dans un de ses derniers essais, en prévenant tout de suite son lecteur : « Le plus retors dans la bêtise, le plus dangereux, le plus comique aussi, c’est naturellement que chacun s’en croit exempté. »
Et pourtant, il n’est pas besoin de se référer au Gustave Flaubert de Bouvard et Pécuchet pour découvrir quelle part elle a dans l’âme universelle. L’écrivain que Lucien Jerphagnon aura le plus accompagné dans sa vie s’en était déjà préoccupé. Il s’appelait Augustin d’Hippône, oui le saint Augustin des Confessions. Mais ce n’est tout de même pas pour cela que notre éminent latiniste l’avait autant lu et interprété, jusqu’à préparer les trois volumes de la Pléiade où le principal de nos Pères de l’Église latine voit consacrer sa primauté, non seulement théologique mais littéraire et culturelle. J’ai relu hier, pour rendre un hommage intime au disparu la Préface qu’il avait composée pour le premier Volume afin de présenter les Confessions. C’est une merveille de concision et de précision tout à la fois qui, en quelques pages, résume l’extraordinaire parcours de celui qui hantera toujours la conscience de l’Occident, parce qu’il l’a lui-même, en quelque sorte, modelée.
Chronique du 22 septembre sur RND
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