Jean-Michel QUATREPOINT, dans la récente conférence qu’il a donnée à l’IHEDN (1), brosse un tableau, empreint d’un grand réalisme, de la mondialisation et de ses effets sur l’Europe et sur le monde.
Il y insiste, beaucoup sur l’importance des déséquilibres des balances commerciales in et hors zone Euro, lequel se fait essentiellement au bénéfice de la Chine et de l’Allemagne, qu’il qualifie, d’ailleurs, de « petite Chine ». Ce déséquilibre mondial autant qu’intra-européen lui paraît pouvoir être source de graves conflits et, en tout cas, de l’appauvrissement de certains – dont nous-mêmes – au profit des pays émergents devenus, de fait, dominants.
Cette analyse soulève, d’ailleurs, en ce qui nous concerne, un point essentiel : les intérêts français et ceux de nos amis Allemands sont-ils vraiment en harmonie et la solidité du couple formé par nos deux nations ne doit-elle pas, à terme, en être affectée ? A moins que nous n’acceptions allègrement la pérennité de cette situation de déséquilibre et, de fait, de dépendance.
A noter que cette conférence, claire et extrêmement documentée, rejoint, en de nombreux points, les différentes analyses et les débats que nous avons menés, ici-même, en particulier dans le cadre de nos récents Cafés actualité dont nous avons mis les vidéos en ligne.
Pouvons-nous encore ajouter qu’il nous paraît hautement symptomatique que de pareilles analyses puissent être, aujourd’hui, développées dans le cadre d’une institution aussi importante et officielle que l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale ?
Je constate que cette remarquable conférence d’une heure n’a suscité aucun commentaire.
Est-ce que personne n’a eu le courage de l’écouter ? Est-ce que nombreux sont ceux qui l’ont fait mais que tous sont d’accord ?
Est-ce que finalement, ce n’est pas que l’on préfère les discussions théoriques à l’observation plus humble et moins gratifiante des réalités, du monde tel qu’il est ? L’on enfile les théories pour en faire un système comme des perles sur un collier : ce n’est pas très difficile. Bâtir de bons principes sur l’expérience, à quoi s’ajoute la mémoire historique, qui lui donne la dimension du temps long, c’est plus sérieux mais, aussi, plus laborieux.
Cette considération me remet en mémoire que Bainville se lamentait lorsqu’un jour de lecture des nouvelles, pour une raison ou une autre, lui avait manqué. Il craignait, disait-il, qu’un maillon dans la chaîne des causes et des conséquences lui eût échappé, que ses analyses en fussent faussées. Cette minutie est-elle encore de mise ?
Mais les colliers de fausses perles ne font de mal à personne, tandis que les fausses théories peuvent produire des millions de morts. Le siècle passé en sait quelque chose.
Ainsi, la mondialisation devait susciter paix, unité, prospérité, pour l’ensemble des peuples de notre Terre. Il s’avère, aujourd’hui, qu’elle a ouvert toutes grandes les vannes de la guerre – au minimum – économique et que, si les nations qui en ont eu l’heureuse idée veulent survivre, en tout cas ne pas mourir ruinées, elles devront, le plus vite possible, y renoncer. L’idée de « faire travailler les autres » était vieille comme le monde. Elle n’était pas, en réalité, aussi généreuse qu’elle le prétendait. Elle ne l’était même pas du tout. Elle n’était que le symptôme de notre lassitude et de notre paresse.
Mon cher JACO, la théorie selon laquelle l’Allemagne serait une petite Chine, les mêmes causes produisant les mêmes effets, est séduisante mais fausse. L’économie de la Chine est en plein développement, mais le niveau de vie des chinois est faible. Elle peut se comparer à l’Espagne des années 80 et aux « pays de l’est » des années 2000, c’est à dire avec une compétitivité basée essentiellement sur un faible coût de main d’oeuvre. Qu’en sera-t-il de cette compétitivité le jour où la Chine aura rattrapé le niveau de vie europééen?
Le cas de l’Allemagne est bien différent. Elle réussit l’exploit d’avoir tout à la fois un des meilleurs niveaux de vie du monde et une compétitivité à la chinoise. Ce qui est tout fait différent.
Le jour où, par hypothèse pure, le milliard et demi de chinois aura atteint le niveau de vie européen (lequel ?) je me demande quel sera le nôtre.
Il est clair qu’entre la France et l’Allemagne nos intérêts
divergent. L’Europe actuelle n’est ni plus ni moins celle des
intérêts du Saint Empire Romain germanique. Il n’y a pas de
réelle construction européenne au sens de la solidarité, de la
coopération, de la protection et de la préférence
communautaire, hormis peut-être la Politique Agricole
Commune et encore ? L’euro est un euro-mark.
Tant que la France ne renégociera pas les traités qui la lie à la
domination allemande, aucune politique économique de
droite comme de gauche aura les réels moyens de réussir.
A ce sujet les positions de Nicolas Dupont-Aignan sont
particulièrement intéressantes et courageuses.