Voici, tiré du Site de la paroisse du Sacré-Coeur de Marseille, le texte intégral de l’homélie donnée lors de la Messe de Requiem pour Louis XVI par le Père Stéphan Sciortino-Bayart, à la demande de Monseigneur Ellul…
Samedi 21 janvier 2012
Voici, ci-dessous l’homélie du Père Stéphan Sciortino-Bayart, que j’avais invité cette année a prononcer l’homélie au cours de la messe de Requiem que j’ai présidée. Plus de 700 fidèles ont prié pour le repos de l’âme du roi Louis XVI. Le Père Sicortino-Bayart est vicaire à la paroisse d’Aubagne. Nous le remercions.
Chers amis, frères et sœurs,
Nous voici réunis pour faire mémoire de la mort d’un homme de la mort d’un Roi. Cette mort fut sans doute le dernier et le premier acte d’une terrible tragédie dans laquelle encore aujourd’hui nous sommes immergés.
Dernier acte d’une philosophie se détachant de Dieu au point de s’y opposer frontalement, premier acte d’une humanité qui mettant en application des principes érigés en idéologie exclusive, a fini par menacer de faire périr l’humanité elle-même.
Oui, nous ne sommes pas ici pour simplement nous souvenir d’un Roi offrant sa vie pour le bonheur de son peuple Nous ne sommes pas ici pour déplorer de façon nostalgique la fin du temps passé.
Nous nous devons de réfléchir aux évènements de ce temps ancien et d’en tirer les enseignements pour aujourd’hui. C’est là toute la valeur de l’ultime témoignage que le Roi rendit en ce 21 janvier 1793.
L’histoire, Mater et Magistra, Maîtresse et enseignante nous rappelle toute l’actualité de ce témoignage et nous conduit, parce que l’être chrétien est en cause, à méditer sur l’exemple qui nous fut donné.
Saint Augustin rappelle que deux amours ont construit deux cités, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi et l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu. Cette tension s’est manifestée avec toute sa vigoureuse violence dans la condamnation inique du Roi.
Le procès de Louis XVI est sans nul doute le premier procès politique de l’Histoire moderne. Il ne s’agit pas ici de juger selon le droit un homme, il s’agit de condamner un principe au nom des idées. Tout devant plier à ces idées. Tout devant céder devant ces idées. Tout devant périr hors l’Idée elle-même. « Je cherche en vain des juges et je ne vois ici que des accusateurs » s’écriait avec courage de Sèze. Il aurait pu dire tout aussi bien, je ne vois ici que des « exécuteurs » !
Héritiers des Lumières, tous ces hommes étaient en lutte au nom d’idées. En lutte contre le Roi et la monarchie bien sûr, mais plus profondément en lutte contre Dieu lui-même. Il s’agissait de politique au sens le plus haut du terme, d’un choix de société. Mais qu’elles sont ces idées ? Bien sûr, l’idée de la Liberté, mais au-delà de la liberté c’est l’idéologie de l’égalité qu’il faut voir.
Cette égalité qui est, bien plus que la liberté, la marque de l’idéologie révolutionnaire propre à la France.
Il ne s’agit pas ici d’une égalité de dignité telle que le christianisme a pu la révéler à un monde antique stupéfait de cette nouveauté qu’il jugeait impensable. Il ne s’agit pas d’une égalité fondée en Dieu, d’une dignité de la personne humaine fondée dans le Christ.
Nous sommes ici en présence d’une égalité établie sur un individualisme orgueilleux tout autant qu’égoïste. L’affirmation du Moi contre Dieu et au final contre tout ce qui n’est pas moi. Cette égalité d’exclusion qui conduit à refuser toute soumission à autre chose qu’à soi-même. Tous ces hommes qui s’érigent en juge, ne sont que de beaux esprits n’aimant qu’eux-mêmes. Cette folle égalité conduira à l’uniformisation, à la soumission non voulue mais réelle au plus fort, à la terreur de ne pas être aussi égal que l’autre.
Orgueil de la démesure d’un homme qui s’érige comme son propre Dieu au mépris de ceux qui ne penseraient pas comme Lui. Le « Ni Dieu ni Maître » en acte ! L’égalité voulue comme corolaire de la liberté et qui conduira à imposer une façon de voir, une façon de penser, une façon d’être par la force et l’élimination systématique de tout ce qui n’entrait pas dans le cadre ainsi voulu.
Le Culte de la déesse raison sera le sommet de cette folle idéologie qui cherche au nom des idées à rationaliser l’humanité à la soumettre à un cadre duquel, supposément libre, elle ne pourra plus s’affranchir.
L’homme, idéalisé pour sa perte, se célèbre lui-même avant que de s’effondrer dans le sang de ses illusions. La déesse raison fut en quelque sorte la consécration de la tyrannie de chacun contre tous. Parce que je suis l’égal des autres et parce que je suis libre, je veux et j’exige des autres qu’ils fassent ce que je veux et ce que j’exige ! Et, s’il ne soumet pas à mon orgueil qu’il périsse !
La devise des armées de la Révolution était, « la liberté ou la mort » ils eurent la mort de la liberté.
Face à cette démesure, cette « hybris » que les grecs redoutaient plus que tout, nous avons un homme, un Roi. Un Roi véritable, parce qu’un homme véritable.
Face à des juges qui veulent du sang aux noms de la Liberté et de l’Egalité, nous avons un homme libre prêt à offrir sa vie et son sang.
Libre parce que humble, grand parce que petit, maître parce qu’esclave et serviteur, homme vrai parce que Chrétien véritable.
La véritable grandeur n’est pas dans la démesure d’un homme qui se veut « Dieu et maître » de lui-même. La grandeur est du côté du Souverain qui humblement devant son créateur remettait son âme à Celui qui est l’unique et véritable mesure de l’humanité, le Christ notre Sauveur. Face aux accusations, le Roi répondit humblement par son amour du peuple et sa volonté de lui assurer le bien commun, face à la haine de lui, il répond par le pardon. Mais en tout il s’attache à la vérité qui n’est pas une idée, mais la personne du Christ lui-même. Rejeté par tous, même par des proches parents, il répond par la miséricorde. Dans les chaînes, il est l’image de la liberté au nom de laquelle on s’apprête à le sacrifier !
L’affrontement entre deux visions de l’homme fut particulièrement funeste, conduisant, depuis la Révolution jusqu’au siècle dernier des millions d’hommes, de femmes et d’enfants à la mort, au nom de la liberté, de l’égalité, de la recherche absurde d’un paradis terrestre inaccessible. Tant d’exclusions, de destructions, de négations de l’humanité en vue d’un bien illusoire parce que placé ailleurs qu’en Dieu !
Mais, me direz-vous, ce tableau terrible est-il encore actuel ?
Pouvons-nous rapporter tout cela à notre temps ? Ne suis-je pas tombé dans le travers que je soulignais moi–même en commençant ? Ne me suis-je pas livré à une nostalgie malvenue ?
Bien sûr, le temps des violences idéologiques sanglantes semblent ne plus être de saison dans notre pays, mais n’est-ce pas pour une violence qui, pour plus sourde qu’elle soit n’en est pas moins dangereuse ?
La violence terrible des compromissions avec la vérité et pour tout dire avec l’humanité elle-même. La liberté et l’égalité sont toujours des revendications de notre temps mais à quoi mènent-elles ? Encore une fois à un politiquement correct qui veut nous faire penser et croire de telle ou telle façon. Qui impose sa façon de voir et dénie à ceux qui auraient le malheur ou l’outrecuidance de penser différemment le droit à s’exprimer. Qui se préoccupe de réfléchir ? Même les responsables de la Cité semblent courir après une opinion aussi mouvante que les eaux de la mer. Il y a fort à craindre que comme l’écrivait Plutarque, « ce qui les perdit fut moins un désir immodéré de popularité que la crainte de l’impopularité » ! (vie d’agis, II,4) Troupeau parqué pour les enfers et que la mort mène paître dit le psaume.
L’homme livré à sa propre fantaisie, à son égoïsme, à son individualisme qui impose à tous l’arbitraire de lui-même. Notre temps n’est pas si différent des temps d’alors, les principes sont les mêmes, seules les modalités ont, si j’ose dire, heureusement changées.
Et c’est là que le témoignage du Roi prend toute sa valeur, son témoignage d’homme et de chrétien.
Confronté à une liberté anthropophage où l’amour de soi semble le seul moyen d’être libre, où le culte de l’égalité semble passer par l’affirmation de soi contre les autres, aboutissant à la destruction même de l’humanité dans sa dignité intouchable et inaccessible, le témoignage de Louis XVI est celui de la liberté vécue jusqu’au bout comme un don de soi. Il ne retient rien pour lui-même, il ne revendique rien pour lui-même mais il s’offre lui-même pour le bonheur de tous, par amour pour tous. Dans la solennité de son Sacre, le Roi a épousé la France et son peuple, il va jusqu’au bout du sens de ces noces en se donnant à son épouse de la façon la plus parfaite et la plus libre qu’il soit.
Le Roi est libre parce qu’il est au service de ceux que Dieu lui avait confié, non pour leur plaire, non pour les flatter, non pour les suivre dans leur dérive malheureuse mais seulement uniquement pour les aimer ! Et l’amour impose, la charité exige que la vérité soit dite et vécue parfaitement fusse au prix de l’ultime témoignage, celui du don de son sang.
Ce témoignage nous parle aujourd’hui encore parce qu’il est de toujours, parce qu’il est absolument chrétien.
Le cardinal de Lubac écrivait « dans l’état actuel du monde, un christianisme viril et fort doit aller jusqu’à être un christianisme héroïque » (drame de l’humanisme athée, cerf, p.133)
Le Roi a su rendre un témoignage héroïque qui est une lutte certes, mais non pas pour une victoire au détriment des autres, mais pour une victoire avec les autres, non au nom d’une humanité chimérique détachée d’elle-même, mais pour une humanité consciente de sa beauté et de sa valeur, luttant contre son égoïsme et ouverte au don de soi pour les autres qui est la seule voie possible de la liberté et la seule véritable égalité. L’égalité, telle que le Christ nous l’a enseigné c’est de ne jamais se croire au-dessus des autres, mais de toujours comprendre que nous sommes au service des autres. La liberté telle que le Christ nous l’a montrée dans sa Passion est celle de l’Amour qui s’expose lui-même jusqu’à offrir sa vie.
Aujourd’hui, puisque chrétiens, méditant le témoignage d’un chrétien, sauront nous choisir ? Deux amours ont construit deux cités…
Louis XVI a choisi, et c’est là qu’il fut Roi.
« La vie des justes est dans la main de Dieu, aucun tourment n’a de prise sur eux. (…)Aux yeux des hommes, ils subissaient un châtiment, mais par leur espérance ils avaient déjà l’immortalité. (…)Ils seront les juges des nations et les maîtres des peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour toujours. » Sagesse 2
Abbé Stéphan Sciortino-Bayart
La Messe du 21 janvier, pour le roi Louis XVI, est dite, à Marseille, exclusivement à le demande de la Fédération Royaliste Provençale / Restauration Nationale et du Souvenir Bourbonien. Le repas-conférence qui suit est organisé par la Fédération Royaliste Provençale….
On notera l’excellente qualité de cette vidéo qui a le mérite principal de permettre d’écouter l’intégralité de la remarquable homélie du Père Stéphan Sciortino-Bayart.
Il est, bien-entendu, impossible, de faire entendre l’intégralité du programme musical splendidement interprété par la soliste Annick Deschamps (de la Chorale Choeur au Diapason); on n’entend que quelques secondes de l’Ave Verum et du Lascia ch’io panga, qui donnent une petite idée de la beauté de la cérémonie, et malheureusement rien du Panis angelicus de la communion : le voici, en guise de compensation :
Panis angelicus: 03 – Morceau 3(1).mp3
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