Dans une intervention télévisée restée célèbre, Alain Finkielkraut a marié avec bonnheur la justesse et l’humour lorsque, parlant de la Burqua, il l’a qualifiée d’ « exhibitionnisme paradoxal ».
On peut dire la même chose, à propos du téléfilm de France 2 sur Toussaint Louverture (diffusé les mardi 14 et mercredi 15 février) : salir un noir « parce que » il est noir, c’est évidemment du racisme; à l’inverse, faire de lui un saint « parce que » il est noir est également du racisme, mais inversé, du racisme paradoxal, pour reprendre la formule de Finkielkraut. Et même chose pour « le blanc » : l’encenser « parce que » blanc, ou le démolir « parce que » blanc, c’est exactement la même chose….
Ce raisonnement doit être trop subtil pour les auteurs du scandaleux Toussaint Louverture……
Philippe Pichot est historien, et membre du CPMHE : le Centre pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage. Il est aussi – nous disent les brochures – « chef de projet développement » au château de Joux, dans le Jura, là-même où fut enfermé Toussaint Louverture. Il n’a pas aimé, mais alors pas du tout, et il l’a bien fait savoir, les « libertés » que s’est généreusement octroyées Philippe Niang par rapport à la réalité historique : même en colère, Philippe Pichot choisit de rester dans un ton mesuré, mais, en bon français, ce qu’il dénonce, à juste titre, s’appelle des travestissements de la verité, des déformations, du mensonge, tout simplement… Qu’on en juge : « Réécriture de l’Histoire… manipulation mémorielle… propagande idéologique… excitation communautariste… « N’en jetez plus, la cour est pleine !
Et, « en face », on répond quoi ? Tenez-vous bien, et vérifiez que vous êtes solidement installé(e) sur votre siège ! Vous y êtes, c’est sûr, faites attention, car il ya de quoi tomber à la renverse, et pour de bon…. Alors, vous y êtes ? Vraiment ? Bon, vous l’aurez voulu… alors, voilà la réponse d’Alain Foix, co-scénariste : « Oui… Philippe Pichot a raison sur tout. Mais il vaut mieux un mauvais téléfilm sur Toussaint Louverture que pas de téléfilm du tout.. »
« Hénaurme », dirait Flaubert ! Et, pourtant, c’est la stricte vérité….
Mais il y a plus, et « mieux », si l’on peut dire : vous êtes prêt pour une seconde « salve » ? : alors ré-accrochez-vous, parce qu’elle est aussi bonne que la première, c’est-à-dire aussi « hénaurme »… : elle est, cette fois, de Philippe Niang, réalisateur du téléfilm : « …Toussaint Louverture fait partie de ces icônes, quitte à tordre le cou à la vérité historique, au nom de la vraisemblance idéologique… ». Vous avez bien lu ! On crie quoi, « au fou ! » ou « à l’escroc ! » ? Les deux à la fois, ce sera le mieux…..
Un exemple : le père de ce cher Toussaint est mort bien sagement, presque centenaire, vers 1804 : Philippe Niang le fait mourir assassiné par noyade ! Salauds de blancs !….
Un autre exemple : Toussaint fut séparé de sa famille à Saint-Domingue même, en été. Philippe Niang les montre tous ensemble, enchaînés, dans la neige, se rendant, en plein hiver, au Fort de Joux, dans le Jura (dont nous parlions tout à l’heure) : ça, c’est un grand historien, qui a consulté les documents avec sérieux, qui est remonté aux sources !…..
Le but est clair : dresser les noirs (qui sont tous des anges, forcément) contre les blancs (qui sont tous des salauds, forcément). Et voilà comment les idéologues écrivent ou re-écrivent l’Histoire. Le procédé est bien connu, chez eux : en Vendée, par exemple, c’était simple : il y avait d’un côté les régénérateurs (les « bons », républicains) et de l’autre les « brigands », qu’il fallait exterminer, et qu’on a exterminé…
Hitler et Staline reprendront le schéma simpliste, et Pol Pot aussi, et Mao, envoyant l’un et l’autre les « intellectuels ».. « aux champs », c’est-à-dire, bien évidemment, à la mort….
Pauvre Philippe Niang ! Pauvre Alain Foix ! Vous faites partie d’une bien triste « espèce »…..
Messieurs les royalistes, tirez les premiers, mais tirez bien et avec discernement. Vous utilisez mon nom pour le mettre dans le même sac que Philippe Niang. Au nom de quoi? Au nom du fait que nous sommes tous deux non blancs? Sachez que lorsque je réponds à Philippe Pichot qui m’a contacté en relevant l’écart abyssal qu’il y a entre ma biographie de Toussaint et le film, en tant que biographe, je suis bien obligé de lui répondre qu’il a raison. J’explique par ailleurs qu’en l’absence totale de Toussaint Louverture dans les livres d’histoire de France et dans la mémoire collective, eh bien oui, il vaut mieux à la limite un mauvais téléfilm que pas de téléfilm du tout car au moins il y a eu près de 4 millions de téléspectateurs qui l’on vu et une écrasante majorité qui ne connaissaient même pas son existence. Maintenant, ces derniers pourront se renseigner sur ce personnage essentiel. Il vous oblige vous-même à en parler. C’est gagné. Maintenant, laissez moi vous dire ceci: Je me suis opposé à Philippe Niang et je suis en désaccord total avec le scénario du film tel que France 2 l’a imposé après m’avoir évincé puisque je tenais des positions d’honnêteté vis à vis du personnage et ceux qui l’ont entouré. Je déplore notamment le sort qui est fait au général Caffarelli. Lisez ma biographie et vous comprendrez mieux. Enfin, le mot « espèce » avec vos guillemets m’apparait comme un outrage et pourrait être l’objet d’une assignation au tribunal pour insulte raciale. Je ne pensais pas qu’être royaliste c’était également être raciste. Toussaint Louverture non plus si vous connaissez son histoire.
(A Alain Foix) Le titre de notre note donne déjà le ton : on compare deux téléfilms, passés la même semaine sur deux chaînes différentes; le premier montre les personnes « comme ils furent, au service de la France » (titre de notre deuxième note sur « La reine et la cardinal », le mardi 14 février, postée juste après la fin du film, la première ayant été postée le mardi 7); et l’on constate que, dans un cas – sur France 5 – il y a respect des personnes et de la vérité historique -à une réserve près – alors que, dans le second, on prend allègrement ses libertés avec l’histoire.
Quand au dernier mot, mis entre guillemet, « espèce », son sens est évident, vu tout ce qui précède de la note dans laquelle il se trouve et vu les deux notes concernant le téléfilm de France 5 comparé au téléfilm de France 2 : il ne fait évidemment pas référence à une couleur de peau, mais à une façon de voir les choses, de les présenter, d’en parler; bref, à un état d’esprit. Quant aux tyrans sanguinaires que nous évoquons, que l’on sache, Hitler et Staline étaient « blancs »; et Mao et Pol Pot n’étaient pas « noirs »…
Ce que nous avons stigmatisé – puisque le mot est à la mode – c’est, de toute évidence, le fait de ne pas dire les choses comme elles se sont passées : si, après ces précisions, vous voyez autre chose dans notre note que ce qu’il y a, sachez que cela est peut-être dans votre tête, pas dans la nôtre…..
PS 1 : rappelons, tout de même, que le mot « espèce » a un sens commun, couramment admis par la terre entière; est-il choquant de dire « l’espèce humaine » ?…..
PS 2 : nous ne refusons jamais le débat sur lafautearousseau et, cela dût-il vous surprendre, nous sommes heureux que vous nous ayez fait part de votre point de vue : notre réponse, nous l’espérons, aura dissipé tout malentendu….
Quelle prompte réaction que celle d’Alain Foix ! Je ne savais pas que lafautearousseau était lu à ce point, et d’aussi près : ça fait plaisir….
La France, au cours de son histoire, a connu bien des guerres civiles. Mais elle a toujours su y mettre un terme, en faisant s’éteindre la haine dans la réconciliation et l’aministie. Ces époques-là, on l’a bien compris, sont terminées.
Désormais, la haine ne doit plus s’éteindre. Elle doit même être soigneusement entretenue. Sous couvert de pédagogie, ou sous prétexte d’entretenir la » mémoire « , on bafoue sans vergogne la vérité historique, on entretient la guerre civile, on remue des rancunes affreuses, on rend les haines inextinguibles.
Initié des malins et systématisée par des naïfs, ce procédé apparaît alors clairement pour ce qu’il est : un procédé où le sujet ne joue qu’un rôle de prétexte; invoqué sur un mode stéréotypé, avec psittacisme, pour bloquer toute discussion.
Tout cela surfond de décomposition généralisée, car on n’a jamais autant milité pour l’absolu que dans cette époque où tout est devenu si relatif.
Bonjour
Vous qui avez le sens critique, vous devriez d’abord l’avoir analytique pour vous éviter de dire n’importe quoi sur n’importe qui. Je vous conseille de lire les 3 pages du Figaro histoire, journal qui n’est pas connu pour être un brûlot gauchiste ou une feuille de chou échevelée, pour avoir une claire vision de l’affaire et faire le distinguo entre les personnes et les citations.
Au passage, lisez mon Toussaint Louverture, ça peut servir à ne pas dire trop de bêtises sur son auteur.
Merci
AF