On prend les mêmes et on recommence ? S’entourant à nouveau de l’équipe qui le fit gagner en 2007 – les Emmanuelle Mignon, les Patrick Buisson –, le président-candidat Sarkozy est persuadé que l’élection présidentielle se jouera cette fois encore sur les questions « sociétales ». La crise économique nous l’a fait oublier, mais 2007 ne fut pas seulement une campagne sur le pouvoir d’achat. L’élection de Sarkozy fut d’abord une victoire culturelle obtenue contre la gauche sur le terrain des idées.
Travail, autorité, mérite, identité… Le candidat de 2012 veut renouer le fil de ses promesses. Et regagner la confiance des catégories populaires retournées du côté du Front national de Marine Le Pen.
En période électorale, les électeurs sont invités à y voir clair et la « droitisation » du président en campagne a le mérite de « cliver » les forces en présence. C’est la loi du genre avant le premier tour. Sur les questions du mariage homosexuel et du « droit à l’adoption » qui s’ensuivrait, de la famille, de l’euthanasie, de l’immigration, du vote des étrangers, les deux principaux candidats – ou présentés comme tels – s’opposent.
Si François Bayrou, hésite, empruntant à la droite comme à la gauche, Marine Le Pen dévie peu de la ligne traditionnelle du Front national malgré quelques concessions à la « doxa » dominante. Les Français « préféreront l’original à la copie », pense-t-elle.
Toute la question est en effet de savoir si le candidat Sarkozy peut rejouer aujourd’hui la « rupture », comme s’il n’avait pas gouverné depuis cinq ans. La volonté de l’UMP d’exclure le député du nord, Christian Vanneste, pour des propos historiquement justes mais « moralement » incorrects, prouve assez à quel point l’esprit « soixantehuitard » demeure, jusqu’au sein de la majorité où deux lignes s’affrontent avec des considérations politiciennes en arrière-plan. Exit, donc, l’affreux député homophobe et place à la juste opposition du candidat Sarkozy aux revendications du lobby gay !
Pour faire mentir les sondages qui annoncent sa défaite en mai prochain, le chef de l’État veut donc tenir à nouveau ce langage des « valeurs » qui mobilisa en 2007 les classes moyennes et ouvrières. Car ces mêmes sondages rappellent que « la France silencieuse » – comme l’appelle Ivan Rioufol – n’est pas seulement préoccupée par le prix de l’essence. Elle l’est aussi par sa propre place dans son propre pays. Contrairement à ce que racontent les élites médiatiques qui la méprisent, l’avenir de son héritage culturel lui importe, autant que celui de ses enfants.
Ce qui rend d’autant plus dérisoire la bipolarisation qui oppose l’UMP et le PS sur fond de courbes, de taxes et d’avis d’experts. Les équipes qui entourent le président-candidat l’ont bien compris : comme en 2007, il apparaît que la famille, l’entreprise familiale, la nation, l’État régalien, l’éducation sont des « valeurs » plus sûres que tout le reste sur lequel les « experts » ont tout misé. Dans l’industrie aussi ou le « patriotisme économique » n’est plus un vain mot, même à gauche… même dans la bouche de François Bayrou. Tous « patriotes », au moins le temps de la campagne électorale ! Après ?
Bien sûr, François Hollande lui aussi défend des « valeurs ».
Ses « valeurs ». Et les deux candidats rivaliseront dans la défense de leurs « valeurs ». L’autorité, le mérite, d’un côté ; la générosité et le « droit des minorités » de l’autre. Le tout, au nom de la République, cette République une et indivisible dans son principe, mais de plus en plus plurielle dans les faits. Chacun son histoire qui n’est pas celle de l’autre. Le parti, la communauté, « ma conception à moi », comme ils disent, sont la règle, elle-même identifiée à la République !
Mais les « valeurs » qui fondent l’unité d’un pays ne se décrètent pas. Elles se vivent. Et, contrairement à ce que pense Claude Guéant, elles ne peuvent se vivre que dans le vrai sens de son histoire.
C’est précisément ce qui se passe aujourd’hui en Hongrie. Voilà un pays qui entend sortir de la crise économique et morale qui le frappe, en fondant sa nouvelle constitution sur ses « valeurs » historiques : affirmation de ses racines chrétiennes – et royales –, défense de la famille et de l’enfant à naître, souveraineté économique et financière. Comme le montrent les articles qui lui sont consacrés dans ce numéro de Politique magazine, la Hongrie ne peut gagner qu’en se retrouvant elle-même.
Ce n’est pas le seul pays d’Europe de l’Est à avoir ce réflexe de survie. Il peut devenir général. Les élites – et particulièrement celles qui distribuent les bons et les mauvais points depuis Bruxelles – ont trop abusé des peuples pour qu’elles aient encore l’ombre d’un crédit. Tiens, même Nicolas Sarkozy le dit ! ■
Cet article constitue l’Editorial du n° 105 de Politique magazine de mars 2012 (Politique magazine)
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