Benoît XVI ne cesse dans ses déplacements de donner un enseignement de haute portée politique. Encore lors de son dernier voyage au Mexique et à Cuba. Y aura-t-il des hommes politiques pour l’entendre ?
Messe célébrée par Benoît XVI à Santiago de Cuba, place de la révolution…
Il est des paroles qu’il faut savoir méditer. Elles éclairent nos problèmes d’une telle lumière qu’il n’est pas possible d’échapper à la force de leur vérité. Benoît XVI s’est exprimé sur les plus graves sujets au Mexique et à Cuba au cours d’un voyage de cinq jours du 24 au 29 mars avec cette simplicité et cette fermeté qui le caractérisent. Selon son habitude, au-delà même de son discours de foi – car l’essentiel pour lui est là – , il a délivré un message de charité sociale et d’intelligence politique qui est susceptible de ranimer l’espérance d’un monde désenchanté, livré aux seuls intérêts égoïstes, après avoir épuisé toutes les formes les plus absurdes et les plus cruelles des idéologies.
C’est à Cuba, devant Raul Castro lui-même, que le Pape a le plus explicité sa pensée sur la crise mondiale que les peuples subissent.
Il l’a fait d’autant plus intentionnellement que dans l’avion qui l’emmenait de Rome au Mexique, il avait pris le soin de préciser aux journalistes que le marxisme n’était plus d’actualité, que cette page devait être définitivement tournée et qu’il convenait de trouver pour demain les vraies solutions pour établir une société plus juste.
Les vraies raisons de la crise
Alors, comment ne pas saisir la portée des paroles que, de Cuba, le Pontife suprême a adressé, en réalité, au monde entier, comme s’il voulait profiter de l’occasion pour donner plus d’éclat à la seule vision qui, pour lui, peut donner la compréhension du moment. Crise financière, crise économique, bien sûr ; la réalité est plus grave, dit-il. La crise est morale et spirituelle : c’est de cette crise d’abord que le monde est malade. Il ne peut s’en sortir que si apparaissent des hommes droits, ayant de fortes convictions et qui sauraient, par leur rôle dans la société, remettre les priorités et les primautés là où elles doivent être placées. Tel est l’appel puissant du Saint-Père.
« De nombreuses parties du monde vivent aujourd’hui un moment de difficulté économique particulière, que de nombreuses personnes s’accordent à situer dans une profonde crise spirituelle et morale, qui a laissé l’homme vide de valeurs et sans protection devant l’ambition et l’égoïsme de certains pouvoirs qui ne prennent pas en compte le bien authentique des personnes et des familles. On ne peut pas continuer à suivre plus longtemps la même direction culturelle et morale qui a causé la situation douloureuse que tant de personnes subissent.
Au contraire, le progrès véritable nécessite une éthique qui place au centre la personne humaine et prenne en compte ses exigences les plus authentiques et, de manière générale, sa dimension spirituelle et religieuse. Pour cela, dans le cœur et dans la pensée de beaucoup, s’ouvre toujours plus la certitude que la régénération des sociétés et du monde demande des hommes droits, de fermes convictions, des valeurs de fond morales et élevées qui ne soient pas manipulables par des intérêts étroits et qui répondent à la nature immuable et transcendante de l’être humain ».
Voilà ce que le Pape a dit à Santiago de Cuba. Cette leçon, il l’a répétée pendant tout son voyage. Aucune idéologie, aucun plan politique ou social, aucune domination économique des choses ne sauveront les sociétés de leurs maux dans le monde actuel si les hommes ne reviennent pas à l’essentiel, surtout dans les pays dont l’histoire porte un patrimoine spirituel incomparable. D’où l’espérance que doivent garder les Cubains : « Chers amis, je suis convaincu que Cuba, en ce moment particulièrement important de son histoire, regarde déjà vers demain et s’efforce pour cela de rénover et d’élargir ses horizons, ce à quoi coopère cet immense patrimoine de valeurs spirituelles et morales qui ont formé son identité la plus authentique et qui se trouvent sculptées dans l’œuvre et dans la vie de nombreux et nobles pères de la Patrie, tels le bienheureux José Olallo y Valdès, le serviteur de Dieu Félix Varela ou l’imminent José Marti ».
Cela dit devant les vieux apparatchiks de la révolution cubaine !
Non, ce ne sont pas eux les pères de la Patrie ! Ni les modèles pour demain ! Eh bien, ils ont écouté fort sagement. Et le Pape, après ces fortes paroles, pouvait s’entretenir en toute sérénité avec Raul Castro et même avec le vieux Fidel. Il avait naturellement exercé son droit à la liberté d’exprimer la vérité. Points sur lesquels il n’a pas manqué d’insister et qui sont pour lui – c’est ce qui ressort de ses paroles –, le plus sûr fondement de la liberté religieuse.
Telle est la force morale de l’autorité du Saint-Père, le seul homme au monde qui peut tenir un tel langage et qui soulève à son passage un tel enthousiasme des foules. Oui, car ce sont des foules qui écoutent le successeur de Pierre et telles qu’aucun homme politique qui se flatte de ses meetings où il éructe ses slogans, n’en a jamais rassemblé. La présence et les paroles du Pape ne suscitent qu’une atmosphère de paix et de ferveur spirituelle. Quel est le journaliste qui le note ?
La vérité rend libre, y compris en politique
Au Mexique, à Leon, le pape s’est adréesé aux enfants…
Comment les hommes de pouvoir ne voient-ils pas un tel bienfait, celui qu’ils ne peuvent donner et sans lequel leur programme et leur système ne sont que vanité et finalement échec ? Le Pape a insisté à Cuba, au Mexique – tant marqués par la foi catholique dont se sont détournés avec violence pendant des décennies les partis au pouvoir –, pour faire valoir « l’apport imprescriptible que la religion est appelée à développer dans le domaine public ».
Il s’agit en ces terres hispaniques de la religion du Dieu vivant et vrai qui s’est incarné pour le salut des hommes, qui « change de l’intérieur, au fond du cœur, une situation insupportable, obscure et sans avenir », qui est capable de montrer à leurs frères « ceux qui sont marginalisés par la force, le pouvoir ou une richesse qui ignorent ceux qui manquent de presque tout ». (Discours à Notre-Dame de la Lumière au Mexique). Quelle leçon !
N’est-elle pas valable pour tous les pays, au moins tous ceux qui, à un titre ou à un autre, peuvent revendiquer un tel héritage chrétien ? « Pour cela, a précisé Benoît XVI, l’Eglise ne cesse d’exhorter chacun afin que l’activité politique soit une tâche recommandable et désintéressée en faveur des citoyens et qu’elle ne se convertisse pas en luttes pour le pouvoir ou en une imposition de systèmes idéologiques rigides qui, tant de fois, ont eu pour résultat la radicalisation d’amples secteurs de la population ».
Comment ne pas mettre en perspective avec notre actualité cet enseignement de foi et de raison et ne pas se souvenir des discours de Benoît XVI en Europe, en France aux Bernardins, en Angleterre à Westminster, à Madrid devant les autorités, en Allemagne au Bundestag même et ainsi dans toute la vieille Europe chrétienne où il tient à chaque fois le même langage de haute portée, rappelant à chaque peuple le meilleur de toutes ses traditions ?
C’est quand tout va mal qu’il est bon de se rappeler la voie du salut possible. Le drame de Montauban et de Toulouse devrait faire réfléchir les Français soucieux de l’avenir de leur pays. Des incidents pareils n’arrivent pas par hasard. Il est malheureusement probable que ces crimes perpétrés froidement soient un signe révélateur d’une terrible réalité. Sur laquelle rien ne sera dit officiellement que de très anecdotique et sur quoi les discussions reprendront.
Quel homme politique aura le courage d’aller au fond du problème ?
Les partis au pouvoir, quels qu’ils soient, ne sont-ils pas directement responsables de l’état de la société ? Après tout, ce qui se passe, ils l’ont d’une certaine manière voulu… En tout cas, ce n’est que la conséquence de toutes leurs politiques.
Des banlieues livrées à elles-mêmes, des trafics organisés dans de vastes zones de non-droit, une immigration non maîtrisée, non contrôlée, d’immenses secteurs de la société abandonnés, de fausses réformes qui ne vont jamais au cœur du mal, des soutiens inconsidérés à des gens qui profitent de ce mal social pour justifier leur existence alors que les hommes de bien ne sont, pour ainsi dire, jamais encouragés, jamais soutenus ; et, maintenant, dans une société qui a banni Jésus-Christ et qui s’en est même fait une fierté, jusqu’à l’insulter publiquement, voici l’apparition d’un sentiment religieux totalement fou qui ne connaît que la cruauté et la vengeance et qui revendique tous les crimes. Ah, le beau résultat !
Il faut le souligner, nos hommes politiques sont à peu près tous des chrétiens, la plupart des catholiques d’origine, issus de bonnes familles, tous encore sortis de très bons collèges. Vraiment ?
Vraiment ! Mais l’ambition les tenaille de ce maudit pouvoir toujours à prendre et à reprendre et qui les rend fous, eux aussi, à leur manière, et dont ils se sont fait leur dieu, à qui ils consacrent une sorte de religion, toute de violence pareillement, bien que feutrée et hypocrite. Où est le bien public ? Où est la paix ? Où est la grande force dynamique qui remettra la France sur sa voie royale ? Qui s’en occupe ? Comme disait l’autre : « D’abord on gagne, après on voit ». Beau programme, en vérité !
Et qui définit parfaitement le régime dans lequel nous vivons.
Dans ce climat délétère et alors que les échéances se rapprochent d’une crise aux multiples engrenages, tous devenus irréversibles, financiers, économiques, sociaux, culturels, institutionnels et politiques, il est salutaire de se rappeler, surtout en cette année de la célébration du six-centième anniversaire de la naissance de la sainte de la Patrie, Jeanne d’Arc, où se situe le véritable patrimoine de notre pays. Alors que toutes les prétendues solutions s’épuisent, un patrimoine aussi prestigieux peut encore alimenter une foi et une espérance françaises. ■
Politique magazine – avril 2012 – numéro 106
– L’éthique place nécessairement la personne humaine au centre, contrairement, par exemple, à la loi des juifs. Le tort de Rousseau est d’associer l’éthique au christianisme, comme votre pape, alors qu’il n’y a pas d’éthique chrétienne possible. Marx, lui, ne commet pas cet erreur, puisqu’il conçoit la vérité CONTRE l’éthique/le droit.
L’assassinat de Jésus-Christ par les Romains et les Juifs ne contrevient pas à l’éthique, pas plus que la guerre. Votre pape allemand, c’est Pangloss.
« une éthique qui place au centre la personne humaine et prenne en compte ses exigences les plus authentiques et, de manière générale, sa dimension spirituelle et religieuse. » Voilà des paroles qui me paraissent vides de sens. Ce n’est pas parce que le monde aurait oublié ces principes qu’il connaît son désarroi, mais au contraire parce qu’il a oublié la primauté de l’ordre social pour mettre l’individu au centre de tout. Comme le disait le cardinal Daniélou: « ce qui empoisonne tout dans l’humanisme athée, ce n’est pas l’athéisme, c’est l’humanisme. »
Etant donné que Pangloss est un personnage de fable,en voici une autre: »Cela me tracasse beaucoup,dit Dieu,cette manie qu’ils ont tous de se regarder le nombril au lieu de regarder les autres.J’ai fait les nombrils sans trop y penser….dès que ça va un peu mal,à la moindre contrariété,au lieu de voir les problèmes des autres,ils se mettent à se regarder leur nombril.Je me suis peut être trompé dit Dieu.La prochaine fois,je leur placerais le nombril au milieu du front,au moins ils seraient bien obligés de regarder le nombril des autres!!! »Est-ce cela mettre l’individu au centre de tout?Nous vivons l’expérience d’un monde sans Dieu,levons la tête et regardons le résultat.Notre pape est un formidable contre-pouvoir ici et maintenant.Bien à vous tous.
Vous avez raison, nous sommes dans un monde sans Dieu(x). Mais alors pourquoi les chefs de l’Eglise, au lieu de pointer du doigt cette infirmité, nous rabâchent-ils depuis Pie XI qu’il faut avant tout faire un monde pour » l’Homme et tout l’Homme »? C’est précisément depuis que la religion a été évacuée que ceux qui la prêchent nous infligent sans cesse un discours humaniste. J’avoue que cette habitude me fatigue un peu. Lisez une bulle de Paul III, une homélie de Jules II ou de Grégoire VII, vous ne trouverez rien, rien de cette référence incessante à la personne humaine. Or ce mot qu’on nous serine n’a strictement aucune signification, comme l’avait souligné Joseph de Maistre. Qu’est ce que l’Homme? Bien sûr c’est une réalité spécielle ou biologique, mais en dehors de cela, c’est n’importe quoi. C’est pourquoi cette manie de tous les papes depuis la mort de Benoît XV conduit simplement à faire de la surenchère de la modernité sur la modernité.
Les propos qui précèdent sont intéressants et suscitent des débats certainement passionnants (je le pense vraiment) auxquels malheureusement la place manque ici pour y contribuer utilement si tant est que j’en sois capable.
Je préfère me cantonner dans le modeste commentaire que m’inspire la note très instructive et inspirée d’Hilaire de Crémiers. J’ai le tort de ne pas m’intéresser suffisamment à la substance de ce que le pape dit ou écrit d’une manière générale, mais pour l’occasion j’ai pris un grand intérêt à lire attentivement la note que l’auteur a offerte aux commentaires des lecteurs.
J’ai trouvé très intéressant le parallèle entre les propos exprimant la hauteur de pensée du Saint Père et les meetings des candidats qui brigent la plus haute fonction de représentant de notre nation où chacun, comme l’écrit Hilaire de Crémiers, « éructe des slogans » finalement dérisoires.
Cela pose la question de savoir si un président élu au suffrage universel est réellement apte à représenter la nation dans son universalité, sa permanence, sa longue histoire et son devenir. Les politiciens, quels qu’ils soient, qui briguent la magistrature suprême ont la particularité criante d’être mus par une ambition forcenée au service de leur immense ego, de rêver de domination et de toute puissance sur autrui et, pour y parvenir, distribuent beaucoup de vaines promesses. Certes, les hommes et femmes politiques sont nécessaires et même indispensables dans toute démocratie élective.
Mais, de grâce, la France ne mérite-t-elle pas mieux que d’être représentée dans sa majesté historique par de tels personnages qui, au demeurant, pourraient être d’excellents premiers ministres, chanceliers ou présidents du conseil (les choix de titre ne manquent pas) désignés par leur camp vainqueur aux élections contre le camp adverse. Dés lors, comment ne pas exprimer le souhait de parvenir à réunir un consensus de grande ampleur dans le pays pour placer à la plus haute fonction de représentant de la nation une personne qui en soit vraiment digne et sur la légitimité de laquelle il n’y aurait pas lieu de revenir tous les cinq ans?
Plutôt que de rêver d’une sixième république comme le prônent certains, sans que l’on comprenne ce qu’une nouvelle république changerait en profondeur dans nos institutions et les comportements de hommes et femmes politiques, ne vaudrait-il pas mieux parachever l’évolution de la cinquième république en substituant au président élu au suffrage universel la restauration du Roi, régant mais ne gouvernant pas et incarnant la France dans sa permanence et sa légitimité historique? Voilà, en tout cas, un sujet de débats qui pourraient être tout à fait passionnant.
Benoît XVI, avec qui l’on peut être, dans de nombreux cas, si je peux me permettre, dans un rapport de réelle amitié d’esprit, me semble avoir oscillé entre s’opposer frontalement à la modernité, en particulier dans les matières proprement ecclésiales, et avoir poursuivi, comme ses prédécesseurs immédiats, cette « surenchère de la modernité sur la modernité » dont parle Antiquus, selon moi à juste titre.
A noter que ni l’Eglise, ni la société ne semblent en avoir tiré aucun bénéfice. La modernité est exclusive. Elle ne rend rien de ce qu’elle reçoit. Et elle na pas épargné le pape Ratzinger, qu’il lui ait été opposé ou qu’il en ait épousé, ou semblé épouser, fût-ce avec mille réserves et conditions, les très mauvais penchants.
Si l’on est chrétien – et, même, d’ailleurs, si on ne l’est pas – mieux vaut lire son remarquable Jésus de Nazareth que certains de ses développements plus politiques. Par exemple sur l’utopie mondialiste, dont, pourtant, presque tout le monde est maintenant assez subitement revenu …