Maîtres et témoins…(II) : Jacques Bainville.
Parce que « d’un tel esprit, à qui était inné et toujours présent LE PARFAIT, aucun vestige n’est sans prix : tout vaut, tout compte… » écrit Maurras, dans sa Préface aux Lectures, recueil publié juste après la mort de Bainville, et composé de notes, pensées et réflexions éparses écrites par lui tout au long de sa vie…..
Parce que, comme le dit Abel Bonnard, « …Comment auraient-ils vieilli, ces écrits du Sage, puisque la sagesse est de dire précisément à propos des choses qui passent des choses qui ne passent pas ? »
Mais aussi parce que, tel qu’on est, on voit, on croit, on imagine les autres : si Jacques Bainville a écrit de Paul Bourget – à propos de son livre Sensations d’Italie – qu’ « il fait des lecteurs reconnaissants »; et s’il a écrit de Gaston Boissier – à propos de ses Promenades archéologiques – qu’il avait « l’érudition intelligente », c’est tout simplement parce que lui-même, Jacques Bainville, était un familier, un pratiquant au quotidien de l’érudition intelligente, et qu’il faisait chaque jour, lui, Jacques Bainville, des lecteurs reconnaissants; c’est parce que ces deux grandes qualités lui étaient familières, intimes, qu’il savait les reconnaître chez les autres…
Pour ces raisons, et tant d’autres encore, voici un Album qui n’a d’autre prétention que d’offrir à ceux qui ne le connaissent pas une première approche d’une étoile incontesté de l’Intelligence française, stupidement ignorée et bannie par les tenants de l’Histoire officielle du Système idéologique qui nous gouverne, et par une Université qui ne s’honore pas en ne donnant pas à celui qui la mérite avec une telle évidence, la place qui lui revient : l’une des toutes premières, sinon la première….
Avec notre Album Mistral, cet Album Bainville a toute sa place dans la catégorie « Maîtres et témoins », référence au titre de l’ouvrage de Maurras, « Maîtres et témoins de ma vie d’esprit ».
Si Bainville ne fut pas un « maître » pour Maurras – qui le reconnaissait, cependant, « maître » en ses domaines – historique, économique, diplomatique… – Bainville fut bien, de toute évidence, « témoin » de la vie d’esprit de Charles Maurras :
« …Au bon temps, nous nous voyions tous les jours… » écrit celui-ci, dans la préface émouvante des Lectures, livre publié juste après la mort de Bainville; une préface dans laquelle apparaît, d’une façon profondément humaine et aux accents bouleversants, l’amitié profonde qui unissait les deux hommes…..
Illustration : Collection particulière Hervé Bainville, portrait de Jacques Bainville par Marie-Lucas Robiquet; couverture de « Jacques Bainville, La Monarchie des Lettres, Histoire, Politique et Littérature », Edition établie et présentée par Christophe Dickès, Bouquins, Robert Laffont (1.149 pages).
En général, je ne suis pas un « enthousiaste » des « albums », du moins sur ce blog. Par définition, ils nous ramènent nécessairement vers un certain passé, quel qu’en soit le sujet. Or, selon moi, quelles que soient les vertus de la « Mémoire », nous ne sommes pas un « mémorial ». Ceux qui, comme moi, se rattachent, dans son essentiel, à l’héritage de l’Action française, savent que notre vraie mission consiste, avant tout, sans ignorer l’Histoire, parce qu’elle peut servir notre aujourd’hui et notre futur, à scruter l’actualité, en France et dans le monde, à y discerner, sous l’écume chaotique et frelatée des informations du jour, les évolutions profondes et les « tendances lourdes », pour actualiser et refonder sans cesse notre politique royaliste. Accorder trop de temps, trop d’espace à des « albums » ne nous en détournerait-il pas ?
Pourtant, comme ce fut déjà le cas pour l’album Mistral, je sors enthousiaste d’une lecture attentive de cet album Bainville. Merveille d‘intelligence de ce grand esprit : sa personnalité, sa vie, son œuvre. Et, par delà Bainville lui-même, merveille d’érudition et d’intelligence de ce que l’Action française fut vraiment. Il faut en féliciter et surtout en remercier l’auteur, car qui, dans la mouvance qui est la nôtre, a-t-il le courage et la capacité de réaliser, de mettre à la disposition de tous, pareil grand travail ? Il servira surtout, me semble-t-il, aux jeunes-gens qui s’intéresseront vraiment à l’Action française et ne se contenteront pas des simplismes, ou même des sottises, que des aînés inconséquents leur ont souvent enseignées à son propos. Sur lafautearousseau, mais, bien-sur, pas seulement, ils trouveront cet aliment, cette « intelligence » de l’Action française qu’il faut avoir pour y engager sa vie…
Je ne suis pas sûr que ce qui est anecdotique dans cet album ait le même intérêt. Bainville, à l’inverse de Maurras, ne se raconte pas. Il ne dit rien de sa naissance, de son enfance, de sa jeunesse. Même son Journal traite d’Histoire, de diplomatie, d’économie, de littérature ou de finance, jamais de lui-même. Ce qu’en dit cet album éclairera néanmoins sur qui fut Bainville. Et sur l’essentiel, c’est-à-dire ce qu’il a pensé et ce qu’il a fait, l’album dit tout. On s’incline. Bravo !