Croire aux élections en tant que telles, et qu’il suffit de les gagner, pour avoir une « bonne chambre » et, avec cette « bonne chambre », changer les choses, amender le Système de l’intérieur : c’est cela, la grande illusion….
Car, des « bonnes chambres », il y en a eu plusieurs, tout au long du XIXème siècle, et aussi au XXème : et qu’ont-elles fait, au juste, en définitive ? Rien. Le Système les a digérées, il les a « laissé passer », il a attendu la fin de l’orage, et a poursuivi sa malfaisance, par alternances répétées, magouilles, course permanente à la démagogie et « combinazione » multiples et toujours renaissantes…
D’ailleurs, quand il apprit l’élection de la Chambre bleu horizon, et celle de Daudet, Aristide Briand eut ce mot révélateur, raconte Daudet : « Nous gardons les cadres… ». « Les cadres, c’est-à-dire la Sûreté générale et les Préfets, ses émissaires et ses esclaves. »
Et ainsi, depuis un siècle et demi, tous les espoirs placés dans les élections et « la » bonne chambre ont été régulièrement déçus, la France continuant sa marche en arrière et en décadence.
Léon Daudet, député royaliste de Paris pour le XVIème arrondissement à la Chambre bleu horizon l’explique très bien : le texte suivant constitue les premières pages du premier chapitre de son livre de Mémoires, Député de Paris.
(Juste un mot, pour ceux qui seraient surpris, voire choqués, par la verdeur de certaines phrases : le « b.a.-ba » de tout historien, de quiconque lit un texte « ancien », est de ne pas le faire avec la mentalité de sa propre époque (en l’occurrence nos manières de penser, d’écrire en 2012) mais en se remettant dans l’esprit et la mentalité de l’époque qu’il étudie : or, du temps de Daudet, tous les polémistes, à quelque bord qu’ils appartinssent, s’exprimaient avec une virulence dont on n’a plus idée aujourd’hui; et, souvent même, ils dépassaient très largement les « verdeurs » de Léon Daudet)
Député de Paris, 1919/1924, Bernard Grasset, 1933. Chapitre premier : Prise de contact. Composition de la Chambre du 16 novembre (pages 9, 10, 11)
Le 16 novembre 1919 j’ai été élu, au scrutin de liste, député du troisième secteur de Paris (rive gauche et XVIème arrondissement). Entendons-nous bien, député ROYALISTE et au cri de « Vive le Roi ! ». Ce fut, chez les républicains, une stupeur générale. On n’imaginait pas qu’un tel évènement fût possible. Le pauvre cardinal Amette, respectueux serviteur des décisions de Clémenceau, alors Président du Conseil et de son entourage, avait recommandé à ses ouailles de voter « sagement », c’est-à-dire pour la liste Millerand, dite d’union nationale, mais d’où les royalistes, ces pestiférés, étaient exclus. Fidèle interprète des désirs gouvernementaux, le cher Alfred Capus, alors directeur d’un Figaro encore influent, nous avait laissé tomber, mes amis et moi, dans un entrefilet assez perfide qui lui valut, de ma femme, cette remarque sévère : « Capus, je vous croyais un ami, vous n’êtes qu’un convive ». Comme bien d’autres, Capus, causeur incomparable, dramaturge amusant, écrivain délicat, érait fourvoyé dans la politique; et sa collaboration directoriale au Figaro, non encore saboté par le falot parfumeur François Coty, s’en ressentit.
Mon élection, après une campagne électorale des plus vives, fut saluée par les cris de fureur de la presse de gauche, notamment de L’Oeuvre de Gaston Téry, ancien normalien, tombé dans la crotte, aujourd’hui crevé, lequel ne me pardonnait pas d’avoir dénoncé ses louches allures du temps de guerre. A entendre ces aimables garçons, je ne pourrais sièger au Parlement, où mes collègues me couperaient la parole et me rendraient la vie impossible. Or, non seulement je siégeai sans discontinuer, au Palais-Bourbon, pendant quatre ans et demi, mais encore je dis à la tribune, et de ma place, exactement tout ce que je voulais dire, sans me laisser arrêter par aucune autre considération que l’intérêt primordial de la Patrie. En outre, j’appris à connaître, incomplètement encore, mais de près, ces larves parlementaires que sont un Millerand, un Poincaré, un Barthou, qu’était un Briand; ces êtres éloquents et gentils, mais inconsistants, dénués de caractère à un point inimaginable, que sont un Tardieu, un Boncour, un Herriot; l’impossibilité où se trouvèrent et se trouvent les quelques hommes de valeur entre 600, un Mandel, un Léon Bérard, un André Lefèvre, un Maginot, un Marin, un de Seynes, un Provost de Launay, un Magne, de frayer un chemin à des lois utiles concernant la Défense Nationale, le Budget etc… Je pus constater le néant inouï de la Constitution, dénommée « La femme sans tête » si bien décrite par Charles Benoist, aujourd’hui royaliste, et des prétendus travaux parlementaires. Je me rendis compte que deux principes commandent aux assemblées démocratiques : l’ignorance et la peur.
Or cette Chambre dite « bleu horizon » et qui, par nombre de ses membres sortait de la fournaise de quatre années d’une guerre atroce, était bien disposée, pleine de bonne volonté; les députés des provinces recouvrées lui apportaient un élément d’enthousiasme, qui eût pu donner des fruits admirables. La plupart de mes collègues, sur tous les bancs, étaient d’honnêtes gens, assez bêtes mais bons. Qu’en conclure, sinon que le régime républicain lui-même, dans sa formule et dans les faits, est incompatible avec la prospérité, la conservation, le salut de la France. A l’heure où j’écris, tout homme de bonne foi doit conclure à l’antinomie fondamentale de la Patrie et de la démocratie.
Cavour a dit, dans une formule fameuse, qu’il préférait une Chambre à une antichambre. Il signifiait par là son mépris des courtisans, chambellans et autres parasites de la monarchie. Or l’antichambre, si insupportable qu’on la suppose, n’a pas empêché Sully, Richelieu, Mazarin, Colbert, Louvois, Talleyrand, Villèle et Cie. Elle leur a mis des bâtons dans les roues. En fin de compte, elle dû leur céder. Au lieu que la Chambre ne peut supporter aucune supériorité au Gouvernement , ne peut tolérer aucune continuité dans les déterminations graves, portant, au dedans comme au dehors, sur quarante, cinquante, soixante ans. A peine est-on entré dans ce club, matériellement amusant et bien tenu, qu’est le Palais-Bourbon, que l’on s’en rend compte… »
Et Léon Daudet qui, dans le même ouvrage (pages 226 à 234, c’est-à-dire les neuf dernières) explique les raisons de l’échec de la Chambre « bleu horizon », termine ces neuf pages – et son livre – sur ce propos désabusé :
« …à l’heure où j’écris (février 1933) le peuple français environné d’inimitiés, trompé, ruiné, écrabouillé par le fisc, et qui voit revenir la guerre, à la suite de l’évacuation criminelle de Mayence, tourne vers la Chambre des Députés des regards de haine. Elle est pour lui la nouvelle Bastille, l’antre d’où souffle le malheur, et le signe de sa servitude à six cents farceurs, menteurs, truffeurs et pillards. C’est bien ainsi que je voyais, en le quittant pour n’y pas revenir, ce baroque dépotoir de lâchetés, d’incapacité et d’idées fausses, où j’avais usé, en vain, quatre ans et demi de mon existence. Mon échec du 11 mai 1924 fut ainsi, pour moi, une délivrance. »
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Note 1. Dans « Paris vécu », Première série, Rive droite, page 121, Daudet fustige ceux « qui croient en l’amélioration électorale de la peste républicaine ».
Note 2. Enfin, dans « Vers le Roi » (page 46), racontant les débuts du quotidien L’Action française, il le présente comme « Etant réellement d’opposition, c’est-à-dire prêchant ouvertement la subversion du régime… »
Malgré les aspects « monarchiques » indéniables que lui avait donnés de Gaulle, à ses origines, la Constitution de notre République s’ouvre par le préambule suivant (dernière modification de 2005):
« Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004.
En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d’Outre-Mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique. »
Il s’agit donc bien d’une République idéologique et, tant que les choses resteront en l’état, tant que le Système – à moins de se faire hara-kiri – se pensera comme une nouvelle religion, on aura beau envoyer qui on voudra au Palis-Bourbon, comme cela a été fait plusieurs fois par le passé, le Système gardera sa malfaisance et continuera, méthodiquement, à démolir les bases de notre Société, pour établir son utopie idéologique.
Bizarre,je ne retrouve plus mon commentaire de ce matin.