Une frappe « EN PREMIER »
La première observation est que l’utilisation de l’arme « EN PREMIER » n’a strictement aucun sens et est donc impensable. Elle conduirait à ce que les doctrines d’emploi appellent la destruction mutuelle assurée. Avec la finesse diplomatique qu’on lui connaissait, Jacques Chirac avait provoqué un tollé en disant sans ambages à des journalistes américains du Herald Tribune, qu’il voyait mal l’Iran utiliser une arme nucléaire, avec la certitude d’en recevoir deux cents le lendemain (c’est à peu près le nombre de têtes de l’arsenal israélien), interview du 1er Février 2007. La déclaration était très juste, mais réduisait à néant le matraquage des propagandistes du danger iranien. Nous avons eu la même mise au point dans l’interview du 8 Juin 2010 d’Ahmadinedjad par une journaliste de TF1, à laquelle il fit une leçon sur la dissuasion, expliquant à Mme Ferrari en dépit de sa très épaisse insistance, que l’on parlait d’une arme politique d’interdiction, et certainement pas d’une frappe « EN PREMIER ».
Et donc à nos yeux cette question est définitivement évacuée, et ne peut en aucun cas être un argument, dans le contexte de la dissuasion du faible au fort.
« Ne bombardez pas l’Iran ! »
Que penser des appels réguliers des stratèges de comptoirs à bombarder les centrales ? De qui viennent ces « conseils » ? En Israël même, d’extrémistes, dont le Premier Ministre actuel n’est pas le moins excité des représentants, en ne perdant pas de vue qu’il existe à Tel Aviv une opposition catégorique à un tel projet.
Où est la clé de l’entreprise ? Bien entendu à Washington, où Netanyahu fait le siège du bureau d’Obama et de Mme Clinton pour les convaincre de passer à l’action. Ce qui a fini par provoquer un réel agacement chez les Américains : dépêche AFP du 10 Sept 2012 « Les Etats-Unis et Israël s’accrochent sur l’Iran »
Avec en filigrane la question de savoir qui commande à qui ? Est ce la diaspora donnant des ordres à la Maison Blanche (quel que soit le politicien « élu »), ou les Américains à Israel ? Question qui mérite d’être posée …
Et ailleurs ? Seuls interviennent dans le débat, les relais pro sionistes des faucons israéliens, ou des néoconservateurs américains. En France nous avons les deux représentations, la première évidente, sans nécessité d’élaborer plus, la seconde avec le trio ultra atlantiste Heisbourg, Tertrais et feu Thérèse Delpech. Et deux ou trois pseudo connaisseurs des affaires militaires ou du Moyen Orient, au Figaro. Rappelons que les trois premiers excipent de leur titre de « chercheurs » à la Fondation de la Recherche Stratégique (FRS), ce qui incite à être prudent quand on prend de tels instituts comme référence.
Le « croissant chiite »…
Enfin un aspect jamais mentionné, mais toujours souligné par l’orientaliste Antoine Sfeir, les conséquences sur la diaspora chiite. Ce que l’on appelle le croissant chiite, ne resterait pas sans de violentes réactions si le pays d’Ali était attaqué. Comparer la fidélité des chiites d’Irak à leur gouvernement, dans l’atroce guerre contre l’Iran de 1980 à 1988, avec ce que serait leur attitude en cas d’agression d’Israel relève d’une spéculation insensée … (une étude plus détaillée de la démographie chiite dans le monde arabe sort du cadre de ce papier). Et Sfeir parle d’un pétrole qui augmenterait à 300 $ le baril …
Concluons ces détestables incantations par l’appel très ferme de Zbigniew Brezinski en 2003 (après l’agression contre l’Irak), dont le cynisme et la brutalité sont connues dès lors que l’on parle des intérêts des Etats Unis d’Amérique, en dépit de son image apaisante d’immigrant polonais, « N’attaquez pas l’Iran » !
La prolifération
Il s’agit du chapitre le plus litigieux du contentieux, mais aussi du plus contestable en droit. Magnifique application de la loi du plus fort. Observons tout d’abord que Russes et Américains viennent de s’entendre pour que chacun se montre « raisonnable » et limite le nombre de charges à 1.700 chacun … Excusez du peu. On est bien au-delà du seuil d’ « overkilling ». Sachant que l’arsenal chinois n’est pas connu …
Notons aussi que les arsenaux nucléaires n’ont pas empêché la multiplication des conflits dits à basse intensité, depuis 1945. Le total des victimes (civiles et militaires) se monte à 40 millions jusqu’en 2000, selon le CISSM – Center for International and Security Studies du Maryland. Le nucléaire n’a donc été d’aucune utilité comme dissuasion. Donnant ainsi de sérieux arguments aux partisans de la totale dénucléarisation de la planète.
A l’usage, ce TNP, rédigé en 1968, mis en œuvre en 1970, ne s’est pas montré satisfaisant, sinon totalement hypocrite, suivant le raisonnement que l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord l’avaient signé, donc ils n’avaient pas le droit de faire la bombe. En revanche, Israël, le Pakistan et l’Inde ne l’avaient pas signé donc ils avaient le droit !
Dans un tel contexte, les iraniens savent aussi qu’ils détiennent selon le rapport annuel public de la CIA, la seconde réserve mondiale de gaz, et la seconde réserve mondiale conventionnelle de pétrole brut (ce que l’on appelle les réserves prouvées). Que Mossadegh fut débarqué en 1953 par la CIA (opération officiellement reconnue). Qu’en 1980 le soutien des Occidentaux à l’Irak agresseur fut total (est il classique de soutenir un agresseur contre un agressé ?). Et que, ce qu’il est convenu d’appeler la communauté internationale est une entité très peu fiable … Ce qui les rend profondément réticents à voir la dite communauté venir mettre son nez dans leurs affaires. En se fondant, tant sur ce que publie le renseignement américain, que sur la masse de documentation du rapport AIEA de novembre 2011, on a l’idée précise que l’Iran cherche à se positionner au seuil de la fabrication d’une arme, sans franchir la ligne, n’ayant pas émis le vœux de quitter le TNP.
L’Iran détient les secondes réserves mondiales de pétrole (10 %, derrière l’Arabie Saoudite et devant l’Irak) et de gaz naturel (15 %, derrière la Russie et devant le Qatar). Les gisements pétroliers se situent au nord du pays autour et au fond de la Mer Caspienne et en “offshore” dans le Golfe persique. Découvert en 1975 dans le Golfe persique à la frontière irano-qatariote, North Dome est le plus important gisement mondial de gaz naturel (24,3 Tm3) . Dénommée «South Pars», la partie iranienne de ce gigantesque gisement renfermerait une réserve de 8 Tm3. Estimée à environ 200 giga barils équivalents pétrole, la totalité de ses réserves de gaz naturel est deux fois supérieures à celles du plus important gisement mondial de pétrole (Ghawar en Arabie Saoudite). Représentant plus de 30 % des exportations mondiales de gaz naturel, la Russie, l’Iran et le Qatar ont progressivement formé un conglomérat informel «troïka du gaz» à l’intérieur du Forum des Pays Exportateurs de Gaz (FPEG, 15 pays, 42 % de la production mondiale, 73 % des réserves mondiales).
Si Jimmy CARTER n’avait pas laissé faire KHOMEINY en 1979 au lieu de soutenir le CHAH ami de l’Occident, les USA n’auraient pas de soucis avec l’IRAN. Ils créent des problèmes qu’ils ne savent plus résoudre IRAK,AFGANISTAN…)
Si Israël insiste pour attaquer l’Iran, ce n’est nullement parce qu’il craint un second « holocauste », c’est seulement parce qu’un Iran puissant serait une tentation permanente pour les USA de s’appuyer sur un Etat stable, au détriment d’Israël qui ne serait plus le seul interlocuteur. Cette doctrine a été développée par Oded Yinon, secrétaire général du ministère des affaires étrangères israélien. C’est la doctrine du chaos contrôlé, condition du développement de l' »Etat Hébreu ».