Les appels à la destruction d’Israel
Un personnage qui porte le titre de président de la République appelle à chaque occasion qui lui est donnée à la disparition d’Israel. Ces menaces inacceptables n’ont pour seul effet que de fortement inquiéter les dirigeants israéliens, et d’émouvoir la communauté internationale. L’Iran ne peut se plaindre de récolter la tempête des vents qu’il continue de semer.
Mais là encore ces vociférations ne peuvent pas être sorties du contexte de la région et de la place d’Israel en Palestine. A la veille des élections de 2009, Hossein Moussavi, dénigrait facilement son concurrent Ahmadinejad devant des visiteurs occidentaux, sans beaucoup de précaution, souvent dans des termes peu amènes en désavouant ses propos avec virulence. Il s’agit tout d’abord de ramener le titre de président de la république à ce qu’il est, encadré par quatre structures islamiques, sous les ordres du guide de la révolution, et encadré aussi par quatre organismes non élus (dont le judiciaire et l’armée). Ce que l’on appelle « l’exercice du pouvoir en circuit fermé ». A l’examen, Ahmadinejad a un pouvoir plutôt restreint (et aucun sur le programme nucléaire).
Relevons aussi que ses incartades sont l’expression publique de ce que pensent et disent tous les arabes de la région. Et l’on en vient à la question cruciale pour Israel, sa démographie. Quasiment un secret d’état, quelques fois traité dans des instituts de recherche, surtout américains, la phobie de l’encerclement est réelle. La courbe démographique est simple : ce pays moderne a une natalité de type occidental, quand tous les pays arabes autour ont une progression de population sans commune mesure. Et l’élément aggravant étant qu’il n’y a plus d’immigration. Il fut prétendu aux Etats Unis que le programme nucléaire iranien était un frein à l’émigration vers Israel. Assertion difficile à prouver, mais c’est plus certainement la poudrière de la région, que l’Iran seul, qui dissuadent les émigrants potentiels. Plus possible de spéculer sur les flux d’immigrants de l’époque soviétique.
Les sanctions en cours
On peut difficilement occulter que les chefs d’orchestre des sanctions contre l’Iran sont le couple Israel – Etats Unis. Les Iraniens subissent trois formes de rétorsion, des mesures contre leur économie, des assassinats de scientifiques, des attaques informatiques ciblées. L’Europe suit frileusement entrainée par ces grands européens que sont les Britanniques, avec Lady Ashton à la tête de l’embryon de service diplomatique européen, et la voix de la France est inaudible, piètre écho des meneurs.
S’agissant des sanctions économiques, on retombe dans les outrances qui nourrissent ce genre d’action. Les embargos frappent la population, assez peu les dirigeants. La liste des mesures s’allongent outrageusement, même si les Chinois et les Russes tentent d’aider le pays. Rappelons nous ce que furent les embargos contre l’Irak de Saddam Hussein, même les crayons étaient suspects car ils contenaient du graphite susceptible d’être utilisé dans les centrales.
Des assassinats d’ingénieurs travaillant tous dans le nucléaire, certains à des postes de responsabilité, laissent peu de doute sur les commanditaires des crimes. Actions sans indices. Toutefois un point d’interrogation, les meurtres sont commis sur le sol iranien, certains à Téhéran.
Enfin il a été quasiment reconnu publiquement que certaines attaques informatiques contre des réseaux de centrales iraniennes, sortaient de laboratoires militaires américains, pilotées directement de la Maison Blanche. Exercice en grandeur réelle de la guerre cybernétique, telle que les Etats Unis la mette progressivement au point avec de très importants budgets.
La France, Israel …
… Et le mystérieux monsieur Abel Thomas.
Haut fonctionnaire français Abel Thomas, un des membres du cercle restreint qui dictait la politique étrangère et de Défense de la France après la Libération, le jeune Thomas a servi auprès d’hommes comme Léon Blum, Guy Mollet et Charles de Gaulle. Dans les années où il est venu en aide à Israël, il était un proche collaborateur du ministre français de la Défense à l’époque, Maurice Bourgès-Maunoury, dont il était directeur de cabinet. Tous les deux luttaient pour une France forte, libérée du patronage américain et possédant sa propre arme atomique.
En 1953, Shimon Peres est nommé directeur général du ministère de la Défense d’Israël. Dans cette fonction, il s’implique particulièrement dans l’achat d’armes pour le jeune État. Il se rend en France en 1954 et fait la rencontre d’Abel Thomas. Ensemble, ils mettent en place une collaboration entre les services de renseignement dans la lutte contre l’ennemi commun égyptien, accusé par la France de soutenir les indépendantistes algériens. Les services de renseignements français avaient découvert que le soulèvement algérien était téléguidé depuis l’Egypte. Les chefs du F.L.N. recevaient du Caire les instructions des agents égyptiens. La guerre en Algérie allait en s’aggravant. Une étroite coopération franco-israélienne s’amorce en 1956 (Guy Mollet). Les efforts de Peres sont efficaces et il réussit à acquérir, auprès de la France, le premier réacteur nucléaire de Dimona. De nombreux Français, politiciens et généraux, socialistes mais également républicains, ont aidé Israël pendant ce bref « âge d’or », du milieu à la fin des années 50, quand les deux pays ont eu un véritable roman d’amour. Mais c’est Thomas, à ce qu’il semble, qui fit la démarche décisive, grâce à laquelle prit corps le rêve nucléaire de Ben Gourion
La France avait besoin de toute urgence de renseignements sur le monde arabe. Israël avait besoin d’un fournisseur d’armes. Depuis la fin de la Guerre d’Indépendance, il n’avait plus de fournisseurs. Le bloc communiste, qui lui livra des armes en 1948, préférait maintenant les pays arabes. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne refusaient de livrer quoi que ce soit. Shimon Pérès persuada Ben Gourion que le soulèvement algérien créait pour Israël une « fenêtre d’opportunités » en France. On peut douter qu’à cette époque, Ben Gourion imaginait que cette fenêtre serait aussi large. Il pensait aux avions et aux chars du dernier modèle, pas à l’atome. Mais les circonstances jouèrent en sa faveur. Quiconque étudie la démarche de Ben Gourion à propos des relations avec la France, dans les années critiques 1955-60, s’aperçoit que le « Vieux » joua une partie d’échecs politique de tout premier ordre. Le projet nucléaire révolutionna complètement le statut d’Israël dans l’arène internationale. Certains analystes expliquent la sévérité de De Gaulle à sa conférence de presse du 27 Novembre 1967 (… les Juifs . un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur …) par sa connaissance précise de ce que le jeune Etat devait à la France.
En guise de conclusions.
La première, suivant ce que Pierre Conesa a appelé dans un de ses livres récents « La fabrication de l’ennemi » est qu’il n’y a aucun élément qui démontre que l’Iran ne doit pas posséder l’arme nucléaire. Sinon que la question ne se pose pas, tant qu’il est signataire du TNP. Et à notre connaissance la seule puissance qui a jamais piétiné le Droit International, sont les Etats Unis d’Amérique lors de leur agression contre l’Irak, en dehors de tout mandat, et de toute justification.
La seconde, pour profondément déplorer le suivisme indigne que les années Sarkozy viennent d’imposer à notre pays, calquant mécaniquement sans aucune discussion, nos positions sur celles des plus intransigeants des Israéliens et des Américains.
Peut être la France est elle un pays où l’on ne parle pas assez … !
Notes
1. Liste des sites nucléaires iraniens (centrales, centres de recherche ; petits laboratoires) :
Anarak; Arak ; Ardekan ; Bonab; Bushehr; Chalus; Fordo; Ispahan; Karaj; Lashkar Ab’ad; Lavizan; Natanz; Parchin; Qom; Saghand; Téhéran; Yazd;
2. Note de lecture :
Recommandée à celles et ceux qui souhaitent une pertinente analyse politique du Moyen Orient ; les 300 pages de Ardavan Amir-Aslani, iranien, installé entre Paris et les Etats Unis, avocat international, « La Guerre des Dieux ; Géopolitique de la spiritualité ». Avec 35 pages sur l’Iran récent, loin des niaiseries des journaux de 20 h.
320 pages, 21 euros
Avec les Printemps arabes, l’opinion a découvert que les seuls groupes organisés capables de prendre la suite des dictatures arabes sont ceux qui prônent l’islamisme radical. Au delà de ce constat, et pas seulement dans le monde musulman, le fait religieux est au coeur des grandes problématiques de notre siècle et oriente les décisions politiques. Le paramètre religieux conditionne les choix et le devenir de millions d’hommes et de femmes, de pays et de régions entières de notre planète. En partant de ce postulat, Ardavan Amir-Aslani nous propose une autre grille de lecture, un autre « logiciel », pour comprendre et appréhender le monde et envisager l’avenir et les grandes évolutions internationales.
La mondialisation du fait religieux se décline au quotidien (Tea-parties aux Etats-Unis, port de la burqa ou prières de rue avec pour fond la place de l’islam en Europe dans un contexte de montée de l’extrême droite et des populismes…) et sur les grands sujets régionaux ou internationaux (influence de l’orthodoxie en Russie, montée des Frères musulmans, clivage arabes/perses et sunnites/chiites…avec pour conséquences un Yalta du Proche-Orient…entre Turquie et Iran comme puissances régionales, talibanisation du Pakistan et tensions au Cachemire entre musulmans fondamentalistes, Chinois et Indiens alors que se développent hindouisme et nationalisme…..quelques thèmes abordés dans cet ouvrage. Un livre prémonitoire qui analyse et qui suggère les nouveaux défis et enjeux auxquels vont être confrontés les citoyens comme les dirigeants de tous les Etats car comme l’affirmait Peguy : » Tout commence dans le mysticisme et tout finit en politique ».
Un livre vivant avec des analyses percutantes, un point de vue précurseur, des faits mis en exergue dessinant un panorama du monde inattendu.
« Un personnage qui porte le titre de président de la République appelle à chaque occasion qui lui est donnée à la disparition d’Israel. » Cette phrase, qui s’insère dans un raisonnement plutôt modérateur, est cependant trompeuse. En effet, les discours dans lesquels Ahmadinejad promet la destruction à Israël sont systématiquement tronqués. Ces menaces sont toujours conditionnelles à une attaque israélienne, que Netanyahou annonce chaque semaine.
Ce que dit antiquus est confirmé par le discours à l’ONU avant-hier. Le compte rendu que j’ai entendu hier soir sur BBC World soulignait la modération d’Ahmadinejad. La délégation américaine nous a fait son cirque coutumier en quittant la salle, alors que chacun sait que des entretiens secrets entre Washington et Téhéran sont en place depuis bien longtemps. C’est ce que le haut fonctionnaire cité dans l’article, Pierre Conesa, appelle un jeu de poker menteur.
@setadire
Je partage votre commentaire : les Américains ont laissé tomber le shah, et VGE est resté très en retrait malgré les tentatives du Quai et de certains Services de le faire changer d’avis. Il est à peu près certain aujourd’hui que le lâchage américain a visé à faire payer à Reza Palhavi son soutien au cartel du pétrole lors du premier choc pétrolier. Et alors que dans le même temps, ils faisaient de l’Iran le gendarme du Golfe Persique. Dès que l’on touche au pétrole, les Américains deviennent fous, Saddam Hussein et Gaddafi l’ont payé de leur vie.
Après la prestation de Netanyahu à l’ONU, et à toutes fins utiles, un lien vers la bibliothèque du Congrès, rassemblant tous les documents sur le Moyen Orient.
Il est très clair que les Israéliens n’existent plus sans les 4 milliards USD de gratifications annuelles. Un cumulé autour de 200 milliards depuis 1950.
Congressional Research Service Reports on the Middle East and the Arab World
http://www.fas.org/sgp/crs/mideast/index.html
Hélas en anglais …
Il est notoire que les Américains ne prennent jamais l’histoire
comme référence, pour décider de leur politique étrangère,
contrairement à nous. Seuls leurs intérêts économiques et
stratégiques comptent.
Combien de monarchies au XXème siècle, historiquement
légitimes ont été sacrifiées par les Américains dans le monde,
au profit de dictatures. Rien que cela devrait faire réfléchir sur
l’absence de considérations historiques, dans la politique
étrangère américaine en général.
Vous avez absolument raison DC, mais votre observation ne s’applique pas aux relations Israel – USA. Car elles ont d’un autre ordre que celui du simple intérêt. Une des conséquences est que de plus en plus de voix se font entendre aux US qui demandent à quel titre il est dépensé autant d’argent pour cette enclave. Mais il se trouve que le financement des campagnes électorales par la diaspora est énorme, hors de proportion avec leur nombre de voix (financement des deux partis bien entendu).
Il est vrai Jean Louis FAURE que les relations entre Israël et les
Etats-Unis, surtout en période électorale américaine sont
fortement influencées par la diaspora. Mais précisément qu’en
conclure pour l’avenir ? N’y a-t-il pas un risque que les
Etats-Unis se laissent entraîner dans une guerre dite
« préventive » au Proche et Moyen Orient ?
Nous y voilà !
http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202299075878-l-iran-s-enfonce-dans-la-crise-367951.php
et
http://www.lepoint.fr/monde/l-occident-asphyxie-l-economie-iranienne-02-10-2012-1512606_24.php
On se disait bien que ces grands humanistes des bords du Potomac ne pouvaient pas ne pas essayer de prendre possession de la seconde réserve mondiale de pétrole.
Quand leur président Woodrow Wilson est venu au Congrès de Versailles en 1919, avec dans ses valises, les quatorze points qui lui tenaient tant à cœur, et une clé de voute appelée « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », il ne disait pas qu’il sous entendait « sous le contrôle du messianisme de Washington ».
Il était évident que le programme nucléaire était un prétexte pour mettre en œuvre des mesures qui sont un acte de guerre. Nous avions l’habitude des embargos visant les importations d’un pays. Nous ne connaissions pas l’isolement programmé à une telle échelle par l’interdiction des exportations. Impressionnant de lire ce qu’est la puissance des tentacules de cette pieuvre puisqu’ils ont été capables de donner des ordres à la totalité du Monde pour interdire la consommation de pétrole iranien.
Selon un modus operandi désormais bien rodé :
– On construit d’abord une intoxication des masses, appelées la communauté internationale. On cultive la propagande pendant longtemps, plusieurs années, afin d’obtenir (ou pas) l’accord «d’alliés» ou de partenaires commerciaux, et comme dans ce cas leur complicité active.
– La seconde étape consiste à trouver un faux nez, en général ou l’OTAN (cas de l’assassinat de Gaddafi, ou de la démolition de la Yougoslavie), ou l’Europe, où une poignée de clubistes émasculés décident au nom de leurs peuples. Dans le cas présent, fermer l’accès de l’Europe aux Iraniens était évidemment indispensable.
Cet impérialisme débridé s’est aujourd’hui renforcé par un totalitarisme, et ne rencontre aucune opposition ou contrepoids sur la scène internationale.
Tant qu’existera cette équivalence pétrole – dollar américain, les grands garçons blonds du Texas ont encore de beaux jours comme gendarmes du Monde.
Antiquus fait bien de rappeler l’existence de la théorie de Oded Yinon, mais ce n’est rien de plus qu’une théorie qui n’a d’ailleurs jamais trouvé son application. En tout cas inutile.
Il ne manque même pas la Bible puisque mme Clinton termine tous ses discours par un retentissant «God bless America».
Pour être clair, je n’ai aucune sympathie pour les mollahs de Téhéran. Cela va mieux en le disant … Mais pour le coup, ils ne sont pas en cause.